Du hirak 



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Par Aziz Ghedia(*) – La «révolution du sourire» venait de naître. D’emblée, on lança le mot «silmiya», qui veut dire, en français, «pacifique». On prôna la non-violence, comme le fit jadis le Mahatma Gandhi (dans les années 40 du siècle dernier) pour mettre fin à la présence de la Grande-Bretagne aux Indes. On conseilla aux manifestants de ne pas répondre aux provocations d’où qu’elles viennent ; car l’on savait bien que le pouvoir était capable du pire. Il était capable de réprimer par les forces de l’ordre ou, le cas échéant, en ayant recours à des voyous qu’il enverrait, le moment venu, à la casse et au pillage dans la ville, choses qu’il mettra ensuite sur le compte des manifestants pour disqualifier le mouvement populaire. C’est ce qui s’était produit d’ailleurs deux ou trois vendredis de suite, mais sans grandes conséquences sur le mouvement citoyen ni sur la suite des évènements. Les services de sécurité avaient eux-mêmes reconnu que ces casseurs, qui agissaient à visages couverts et pratiquement à la fin des marches, étaient manipulés par des forces occultes, des forces représentées par des personnes qui n’avaient pas intérêt à ce qu’il y ait un véritable changement politique en Algérie.

Toujours est-il que, vu l’ampleur de ces manifestations qui drainaient chaque vendredi des millions d’Algériennes et d’Algériens dans toutes les villes d’Algérie, d’Est en Ouest et du Nord au Sud, le vice-ministre de la Défense nationale, Ahmed Gaïd-Salah, était, en quelque sorte, mis au pied du mur. Obligé de réagir aux cris de la rue contre le cinquième mandat de Abdelaziz Bouteflika et de montrer qu’il était au côté du peuple, il ordonna probablement au Président du Conseil constitutionnel d’appliquer l’article 102 de la Constitution. Or ce président du Conseil constitutionnel, a été désigné par Abdelaziz Bouteflika. C’était l’un de ses proches et homme de confiance de surcroît. Comment, dans ces conditions, pouvait-il, ce Tayeb Belaïz puisque c’est de lui qu’il s’agit, répondre à l’injonction de Gaïd-Salah, fut-il vice-ministre de la Défense, et destituer celui par la grâce duquel il se retrouvait à la tête d’une institution de grande importance alors que réglementairement et constitutionnellement il n’avait aucun droit ? Encore un non-respect de la Constitution algérienne qui a été taillée sur mesure, par nos parlementaires indignes, au président Abdelaziz Bouteflika.

Mais que dit l’article 102 de cette Constitution tant triturée et tant violée par ceux-là même qui l’ont écrite ? Il dit : «Lorsque le président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l’impossibilité totale d’exercer ses fonctions, le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit, et après avoir vérifié la réalité de cet empêchement par tous moyens appropriés, propose, à l’unanimité, au Parlement de déclarer l’état d’empêchement.» «Le président du Conseil de la nation assume la charge de chef de l’Etat pour une durée de quatre-vingt-dix jours au maximum, au cours de laquelle des élections présidentielles sont organisées.»

Or, il était de notoriété publique que Abdelaziz Bouteflika souffrait d’un handicap majeur tant physique que cognitif depuis son AVC de 2013 et que c’est à cette époque-là qu’on aurait dû appliquer cet article 102.

Le président Abdelaziz Bouteflika était dans un état presque comateux dans un hôpital à Genève et ignorait certainement tout ce qui se passait en Algérie. Son rapatriement s’était fait dans des conditions rocambolesques dignes d’une grande réalisation hollywoodienne. Et cela après que les urgences de cet hôpital genevois furent assaillies d’appels téléphoniques de jeunes Algériens à l’humour drolatique.

Quelques jours après son retour en Algérie, le président Abdelaziz Bouteflika dépose sa démission au Conseil constitutionnel. Comme toujours, depuis qu’il est cloué sur sa chaise roulante, il n’est apparu, à la télévision publique, que durant un laps de temps dans un accoutrement inhabituel pour un président de la République : habillé d’une djellaba marocaine. Il faisait pitié à voir. D’où d’ailleurs le slogan crié à tue-tête par les manifestant durant plusieurs jours de «Bouteflika le Marocain, il n’y aura pas de cinquième mandat». C’était là un président de la République qui aspirait, il n’y a pas si longtemps, au prix Nobel de la paix et qui se retrouve honni et vomi par tout son peuple et à qui, suprême humiliation, l’on dénie même la nationalité algérienne.

La symbolique est très difficile à supporter. Particulièrement par les partisans du cinquième mandat qui se faisaient de plus en plus discrets, qui n’occupaient plus la scène politique de peur d’être, eux aussi, lynchés par la population dont l’engagement politique et l’occupation de l’espace public allait crescendo.

Mais avant de remettre sa démission au Conseil Constitutionnel, le Président A.Bouteflika avait pris le soin de démettre de ses fonctions le Premier ministre Ahmed Ouyahia, l’homme des sales besognes, «revenu pour la quatrième fois pour diriger son dixième gouvernement» et de le remplacer par le ministre de l’intérieur, Noureddine Bedoui, qui est également très mal vu par les Algériens pour avoir maté les mouvements de grève de ces derniers mois et particulièrement celui des médecins résidents.

En fait, si le Président a bel et bien démissionné, ses hommes et ses partisans zélés du cinquième mandat sont encore omniprésents. Et il sera difficile de les faire «dégager» tous, même si la théorie des dominos commence déjà à faire son œuvre.

Mais le peuple ne désespère pas pour autant. Il est uni. C’est ce qui compte le plus car l’on sait que l’union crée la force. La carte du régionalisme ne peut plus être brandie par le régime. Cette politique de «diviser pour mieux régner», souvent utilisée par le passé − rappelons-nous du Printemps berbère de 2001 − ne peut plus avoir cours aujourd’hui. Tous les manifestants sont conscients de cela et n’omettent pas de le rappeler à chaque manifestation. Par ailleurs, certains tabous sont tombés à tel point que cela ne fait plus l’objet de commentaires déplaisants de voir par exemple des femmes défiler en tenue traditionnelle kabyle et portant l’emblème berbère (qui devrait en fait rassembler toute l’Afrique du Nord).

Seule ombre au tableau : l’instrumentalisation de la justice par le vice-ministre de la Défense, Ahmed Gaïd-Salah. Il s’agit, en fait, d’une sorte de «mani pulite» (mains propres) alors que ce n’est pas du tout le moment. Tout simplement. Cette façon de «mettre la charrue avant les bœufs» si l’on ose dire, s’apparente plutôt, de notre point de vue, à une chasse aux sorcières. C’est ainsi que l’un des premiers investisseurs algériens, Issaad Rebrab, patron du groupe Cevital qui a créé des milliers d’emplois à travers le territoire national, se trouve aujourd’hui en prison… Alors que ceux pour lesquels la vox populi a trouvé l’un des meilleurs slogans, «ya serraqine, klitou lebled», ne semblent pas du tout inquiétés.

En fait, le peuple est loin d’être dupe. Il n’est pas sans savoir que tout cela, toute cette mise en scène de mauvais goût est faite dans l’intention de casser le mouvement citoyen. Mais la mobilisation populaire de ce 13e vendredi de hirak, toujours très importante à travers toutes les wilayas du pays, prouve une chose : le mouvement est incassable et ne peut être dévié de ses objectifs par les tenants du pouvoir actuel. La stratégie du pouvoir qui compte sur l’essoufflement du mouvement se révèle un fiasco total.

A. G.

*) Membre fondateur de Jil Jadid

 


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