Zoubida Assoul. Présidente de l’Union pour le changement et le progrès (UCP)

«L’armée peut jouer un rôle de facilitateur vu la conjoncture complexe»



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Présidente de l’Union pour le changement et le progrès (UCP), Zoubida Assoul estime, dans cet entretien, qu’il est impossible d’aller vers la présidentielle prévue le 4 juillet et exhorte l’armée à jouer un rôle de facilitateur d’une transition négociée. L’avocate a aussi réclamé de véritables réformes pour asseoir une justice indépendante.

 

Après plus de trois mois de contestation citoyenne, le régime demeure sourd aux revendications des Algériens et maintient toujours sa propre feuille de route de sortie de crise. A quoi obéit cet entêtement, selon vous ?

La révolution pacifique a permis de barrer la route au 5e mandat. Il ne faut jamais l’oublier. Ceci dit, le départ de Bouteflika n’est pas synonyme de départ ou de changement de tout le système de gouvernance. Aujourd’hui, nous sommes dans un virage intéressant. La révolution a arraché des acquis, mais les attentes sont fortes. Il est évident qu’on ne peut pas changer tout un système de gouvernance qui remonte à 1962 du jour au lendemain, car celui-ci est lié à un certain nombre d’éléments, dont la conception de l’architecture institutionnelle, celle des lois de la République, et des hommes et des femmes qui dirigent ce pays.

Le processus de changement du système est engagé irréversiblement. Plus jamais l’Algérie de l’après-22 février ne sera comme celle d’avant le 22 février. Nous assistons aussi à une réappropriation de l’espace public et de l’espace politique. Le processus est déjà en place, mais il va falloir le consolider à l’avenir. Face à cela, le régime en place reste dans le déni de vérité.

Il ne s’attendait pas à ce que le peuple manifeste pacifiquement dans la durée et formule des revendications éminemment politiques. Le système politique ne s’attendait pas aussi à ce qu’il soit remis en cause de cette manière. Alors, il est en train de tâtonner et de chercher la meilleure formule pour essayer de trouver des solutions. Les institutions, notamment l’armée, devraient être bienveillantes envers le peuple qui a beaucoup souffert, mais revendique naturellement son droit à l’expression, à la démocratie et d’avoir des dirigeants qu’il choisira lui-même.

Vous avez appelé l’armée à jouer un rôle d’accompagnateur du processus de transition ; pour quelles raisons ?

Les expériences d’autres pays montrent une dislocation du peuple et même de l’intégrité du territoire de ces pays et l’unité des peuples. Cela, on doit toujours le garder en vue. On doit préserver l’armée en tant qu’institution constitutionnelle.

Le chef d’état-major déclarait, depuis fort longtemps, que l’armée ne faisait pas de politique. Or, on sait très bien que l’armée a toujours joué un rôle prépondérant dans la prise de décision politique. Aujourd’hui, il est temps que cette dernière revienne à ses missions constitutionnelles. Ce n’est pas au chef d’état-major de faire des discours politiques toutes les semaines et de s’adresser à la nation parce que ces missions politiques sont l’apanage d’un politique, d’un président de la République. Ceci dit, on ne peut pas compter sur Abdelkader Bensalah pour avancer quoi que ce soit puisqu’il maintient son agenda. Il sait très bien qu’il est impossible d’aller vers des élections le 4 juillet prochain pour des raisons objectives. Actuellement, le peuple et l’écrasante majorité de la classe politique refusent de cautionner ce processus électoral. J’ai toujours considéré que l’armée pouvait être le facilitateur vu la conjoncture complexe.

A la limite, ils peuvent proposer une ou plusieurs personnalités qui peuvent être des médiateurs entre les revendications populaires et les institutions en place, puisque le gouvernement est rejeté par le peuple. Mais, ce n’est pas à l’armée de négocier pour essayer d’arrêter une feuille de route. Aucune partie ne peut apporter la solution à cette crise. L’armée y compris, et le chef d’état-major le sait parfaitement. La crise est tellement complexe qu’il va falloir qu’il y ait un débat et une concertation pour essayer d’élaborer une feuille de route, qui passera par un débat à travers des assises nationales où la société va choisir ses représentants.

Le débat politique ne doit pas se faire dans la rue, car celle-ci est faite pour les revendications. Par contre, les solutions politiques doivent passer dans un cadre serein autour d’une table par les représentants des politiques, de la société civile et des institutions, fiables et acceptés par la population. Au lieu de s’accrocher aux élections du 4 juillet, il faut aller vers une solution politique de la crise. Mais, il ne faut pas attendre la fin du mandat de Bensalah, car on risque de se retrouver encore sous d’autres vides constitutionnels qui pourraient mettre en danger l’unité du pays.

Des détracteurs du chef d’état-major le soupçonnent d’influencer la justice après l’ouverture des dossiers de corruption…

Lorsque Gaïd Salah appelle la justice à accélérer le traitement des dossiers de corruption, c’est déjà mettre les magistrats sous pression. Or, par définition la justice doit rester sereine. Elle ne doit pas subir les injonctions de la pression à la fois politique et même la rue. Il faudrait que les choses se fassent dans un cadre légal, en totale adéquation avec les droits, les libertés, la présomption d’innocence, le respect de la légalité des poursuites pénales. C’est cela l’indépendance de la justice. La justice ne doit pas servir de moyen de campagne, quelle que soit la bonne volonté des politiques. C’est très mauvais que la justice soit un outil de campagne pour le règlement d’une situation politique ou d’une situation.

Les poursuites judiciaires et les incarcérations se poursuivent. Après des hommes d’affaires et des ex-militaires, la SG du PT a été inculpée pour complot par le tribunal de Blida. Cela ne vous inquiète-t-il pas ?

Tout citoyen, quel que soit son statut, mérite d’être respecté. Quand on le traduit devant la justice, il métrite qu’on sauvegarde sa présomption d’innocence et qu’on respecte ses libertés. Le code de procédure pénale considère que la détention provisoire est une mesure exceptionnelle. On ne doit l’utiliser que lorsqu’on a épuisé tous les autres moyens juridiques avant d’aller vers un mandat de dépôt. Si les Algériens, quel que soit leur statut, (hommes d’affaires, militaires et hommes ou femmes politiques), présentent toutes les garanties que la loi exige pour se présenter à la justice chaque fois que de besoin, je ne vois pas l’opportunité de les mettre en prison, raison de plus quand il s’agit de Louisa Hanoune, une femme politique.

En tant que cheffe de parti, c’est une situation inquiétante pour le devenir de la pratique politique. Le contenu des chefs d’inculpation est assez lourd ! Pour moi, c’est inquiétant qu’une femme politique qui a toutes les garanties de se présenter à la justice soit mise en prison. Maintenant, si on parle sérieusement d’un Etat de droit et d’une justice indépendante, il faudrait respecter la présomption d’innocence. Pour le reste des affaires, je préfère que la justice fasse son travail dans la sérénité. Mais il me semble qu’il y a beaucoup de précipitation, alors que le pays a beaucoup plus besoin de sérénité, mais besoin aussi qu’on aille vers une solution de la crise politique.

S’il y a des gens qui ont dilapidé des deniers publics et si la justice établit cela avec des preuves concrètes, il faudrait qu’ils répondent de leurs actes. Mais, en aucun cas la justice ne doit être un outil de règlement de comptes, ni de conjoncture ponctuelle de lutte de clans.

En tant qu’ex-magistrate et avocate, que préconisez-vous pour asseoir une justice indépendante ?

L’indépendance de la justice ne se fera pas du jour au lendemain. C’est aussi un processus qu’il va falloir engager et mettre les moyens matériels, humains et légaux. Il faut revoir la philosophie, elle-même, sur laquelle a été bâti le pouvoir judiciaire. Jusqu’alors, partant de la Constitution, le Conseil supérieur de la magistrature est présidé par le président de la République. Donc, il n’y a pas de séparation des pouvoirs.

Or, pour aller vers un Etat de droit, il faut passer par la séparation et l’équilibre des pouvoirs. Jusqu’alors, nous avons un seul pouvoir qui est l’Exécutif tout à fait totalitaire. La séparation et l’équilibre des pouvoirs passent inévitablement par l’indépendance de la justice. Et pour que celle-ci soit indépendante, il faudrait que le Conseil supérieur de la magistrature ne soit plus présidé par le président de la République, mais par un magistrat de haut rang qui soit élu par ses pairs.

Ceci permettra aux magistrats d’aller progressivement vers une indépendance qui va éloigner le pouvoir exécutif de la mainmise qu’il avait sur le pouvoir judiciaire. Le Conseil supérieur de la magistrature inclut les promotions, les mutations et la discipline. Vous ne pouvez pas, quand vous avez tout cela entre vos mains en tant que président de la République, parler d’indépendance de la justice.

Aujourd’hui, nous avons toujours la même Constitution, toujours un statut de la magistrature conçu dans la philosophie qui était inféodée au pouvoir exécutif. Tout cela, il va falloir le changer. Il faudrait que les gens qui étaient à des postes de décision et qui ont cautionné ce système sous les ordres de l’Exécutif soient aussi remplacés.


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