Enquête – Comment Amine Djerbou a prospéré auprès de Said Bouteflika et de Mourad Oulmi.



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Peu de gens connaissent Amine Djerbou, homme d’influence et lobbyiste de ce que l’on peut appeler la triste période du règne des Bouteflika en Algérie. Né au mois de Décembre 1971, cet homme d’affaires discret et très proche de Said Bouteflika, possède plusieurs sociétés lucratives en Algérie et à l’étranger avec souvent, de surprenants associés.

Il est en effet associé dans plusieurs affaires avec les frères Oulmi, enfermés à la prison d’El Harrach depuis le 16 Juin 2019.

Nous allons tout d’abord nous intéresser à la société d’exploration minière Alminex, créé en Avril 2017 et vite radiée.

Aux côtés de Mourad et Khider Oulmi, on retrouve Nacereddine Kazi Tani. Universitaire né en 1941, qui a durant de nombreuses années dirigé le département Exploration et off-shore à Sonatrach, avant de créer et prendre la tête du centre national de Recherches et d’application des géo-ressources (CRAG) de l’office national de recherche scientifique. Depuis, il s’est installé dès les années 80 en France où il enseigne à l’université de Pau dans le sud de la France. La société Georessources qu’il dirige depuis Novembre 1989 à Pau a présenté, hormis pour l’année 2014, un bilan déficitaire depuis l’année 2007 à ce jour…

Nacereddine Kazi Tani

L’autre associé est Ali Kefaifi, ingénieur civil des mines et de la métallurgie, cet expert pétrolier a été conseiller et directeur de la stratégie au ministère de l’énergie entre 1996 et 2002. En Juillet 2018, il s’en prenait sur le Journal Liberté, à l’Etat et au secteur des Mines, estimant même que  »l’Algérie est un pays minéralement riche mais pauvre en compétence » ! Dénigrant ainsi le système auquel il a participé et qui l’a nourri.

Ali Kefaifi

En page 18 du N° 27 du magazine Oil & Gas Business datant du mois de Juillet-Aout 2017, Ali Kefaifi déjà associé dans l’entreprise d’Amine Djerbou et les frères Oulmi, Ali Kefaifi va même tenter de convaincre l’opinion publique et les autorités algériennes que  »le développement du secteur minier doit passer par le secteur privé’’. Sans aucune gêne.

Même si l’Algérie possède un potentiel géologique important pour l’investissement et le partenariat visant l’exploration minière, le secteur minier est resté très peu productif par rapport au potentiel que recèle notre pays.

Impulser un nouvel élan de développement du secteur minier passe par l’appel à de véritables professionnels algériens et à l’expertise étrangère. Il est temps de cesser ce bricolage contreproductif.

Présent également et particulièrement actif dans le secteur des produits médico-pharmaceutiques, Amine Djerbou y possède plusieurs entités.

Dermapharm est une société immatriculée au registre du commerce en Septembre 2009 spécialisée dans l’importation de produits et de matériels médical et paramédical. Dans cette entreprise dont le capital et de 200.000 DA, il est associé à Diehl Christian Guy ainsi que Terras Josette Marie Monique.

Mais c’est de loin la société Dermacare qui est la plus importante. L’objet de la société est l’import-export des produits parapharmaceutiques, matériel et instruments médico-chirurgicaux, pièces détachées et consommables.

Très fructueuse en Algérie Dermacare développe un chiffre d’affaire qui avoisine les 250 Millions de dollars annuels, et des bénéfices conséquents.

Nous avons pu nous procurer l’offre d’un des fournisseurs de Dermacare : IN4 Technology Corporation. Les thermomètres de cette société taiwanaise étaient proposés en 2009 à 1,5 Dollars pièce, soit l’équivalent avant taxes marge et transport à moins de 100 DA l’unité… Au prix de revente c’est une mine d’Or !

             

C’est toujours avec une très grande facilité que Dermacare bénéficiait des autorisations émanant du Ministère de la santé, alors que d’autres entrepreneurs dans le même secteur essuient des refus et des retards inexpliqués.

Toujours avec les frères Oulmi, Amine Djerbou a créé en 2017, la société Sovac Invest dédiée au capital-investissement. Le secteur de l’informatique représentait une bonne diversification pour les Djerbou, Oulmi et consorts.

En effet, la fratrie Oulmi a décidé de rentrer dans le capital de la société Smartest Algeria créée par trois ingénieurs issus de Schlumberger Algérie, Redha Benyamina (ex-responsable de l’activité cloud et data analytics), Djallal Saidouni et Tayeb Benarous.

En fait, la multinationale Schlumberger détenait le projet Real Time Operation Management (RTOM) qui est un système assurant le monitoring et le management des opérations de forages en temps réel pour Sonatrach. En 2016, à la fin du contrat de Schlumberger, Sonatrach en pleine austérité et réorganisation, décide de lancer un nouvel appel d’offres.

Trop couteux, l’appel d’offres n’a pas abouti. Ayant eu vent de cette affaire à travers un des trois ingénieurs de Schlumberger, ayant un lien avec les Oulmi, ces derniers vont sauter sur cette occasion en or pour mettre un pied dans le secteur pétrolier.

Ils vont alors demander à leur ami et associé Amine Djerbou, proche de Said Bouteflika de les imposer à travers l’octroi de ce juteux marché en gré à gré à la Sonatrach… En quelques coups de fil, l’affaire été bouclée.

Voilà comment se réglaient les affaires à plusieurs dizaines de millions de dollars pour quelques nantis en République algérienne, sans appel d’offres et sans respect pour ses lois régissant les marchés publics.

Atos, le géant européen des services du numérique, spécialiste du Cloud, de la cybersécurité et du paiement sécurisé en ligne pour les entreprises, a été créée en 1997.

Elle emploie 120.000 personne dans le monde et dégage un chiffre d’affaires annuel dépassant les 13 milliards d’euros en 2017.

Le groupe ATOS, présidé par l’ex-ministre français des finances, Thierry Breton, s’est associé aux frères Oulmi au sein d’Atos Bull Algérie.

Thierry Breton

Amine Djerbou siège en qualité de cogérant au côté de Mourad Oulmi au sein de leur société commune Data Numeric System qui détient 51% des parts d’Atos Bull Algérie.

Il y a lieu de rappeler que le groupe français Bull, présent en Algérie depuis les années 50, a été rachetée par Atos France en 2014 avant d’être rebaptisée Atos Bull Algérie.

En 2015, sous la direction de Yacine Belkessam, cette filiale avait raflé un très sensible contrat avec la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN), dirigée alors par Abdelghani Hamel, pour un système de sauvegarde de données clé en main. Un secteur stratégique.

Au sein de cette entreprise encore, Amine Djerbou était chargé d’exercer un lobbying efficace grâce à sa proximité avec le conseiller et frère de l’ex Président algérien, pour tenter de récupérer le fameux projet de déploiement du progiciel de gestion d’entreprise de la Sonatrach, que Bull avait perdu en 2018 face à la China National Petroleum Corp (CNPC) et Huawei, retenus par Sonatrach sur ce marché évalué à 100 millions $. Un chiffre qui attire bien évidemment les prédateurs de tous bords.

Alors que l’ensemble de ses activités sont en Algérie, Amine Djerbou décide à la fin de l’année 2018 d’ouvrir, en compagnie de Hayet Chekiri, une entreprise en Angleterre.

Hayat Chekiri est associée avec Amine Djerbou dans l’agence de communication : Everest Event. Elle est également propriétaire de la société de communication : Caramba Communication et revendique sur le réseau social professionnel Linkedin le titre de Directrice de développement commercial dans le secteur de la pharmacie.

Les deux associés décident de nommer leur société britannique : Lifecheck Group Limited et la dotent d’un capital d’un Millions de livres, soit l’équivalent d’1,125 Millions d’Euros !

Comment Amine Djerbou et Hayet Chekiri peuvent-il disposer d’une telle somme à l’étranger ? Ont-ils déclarés ces sommes au fisc algérien?

Nous avons envoyé nos questions à Amine Djerbou par mail. Elles sont restées sans réponses.

Comment peut-on expliquer qu’un concessionnaire auto qui n’a aucune compétence en Informatique ou en forage minier puisse s’accaparer avec une telle facilité de précieuses licences d’exploitation minières ou se voir faciliter des joint-ventures avec de grands groupes étrangers ?

L’argent, le pouvoir, la prédation et l’absence morale. C’est certainement ce qui a failli détruire notre Algérie.

Tout comme les oligarques qui ont honteusement détournés la manne publique à leur profit pour s’enrichir durant le règne de Bouteflika, Amine Djerbou doit s’expliquer devant la justice sur les privilèges dont il a pu jouir et justifier l’origine de sa fortune estimée en dizaine de millions de dollars.


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