Le hirak et la contre-révolution



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Par Aziz Ghedia – Au début du mouvement citoyen ou ce qu’on appelle communément «hirak», les tenants du pouvoir étaient abasourdis, tétanisés, ne sachant pas comment réagir devant l’ampleur de la déferlante humaine. En effet, personne n’avait anticipé ces événements qui n’étaient pourtant ni spontanés ni ex nihilo. On savait depuis plusieurs mois, peut-être même depuis plusieurs années, que les choses n’allaient pas bien dans la maison Algérie, mais pas au point d’aboutir à une remise en cause du système bouteflikien tout entier.

Du fait des conséquences dramatiques de la décennie noire, sur lesquelles il est très pénible de revenir (et il n’est pas nécessaire de le faire d’ailleurs), le pouvoir algérien, incarné par un président dont l’état de santé oscillait entre la vie et la mort, était rassuré, tranquillisé, pouvant même s’endormir sur ses lauriers – si je puis m’exprimer ainsi. Il ne pensait pas que les Algériens et les Algériennes pouvaient, dans un élan de dignité et de solidarité, oublier ce qui leur est arrivé dans le passé et se mettre à réclamer de façon soutenue, vendredi après vendredi, mais pacifiquement, un changement radical de tout le système qui a prédominé jusqu’ici. D’autant plus que la population, majoritairement jeune, n’avait pas, pour la plupart d’entre-elle, vécu les événements des années 1990 liés au terrorisme islamiste.

Le pouvoir ne pensait pas non plus que le peuple allait briser si facilement le mur de la peur et que les services d’ordre, sur lesquelles il pouvait compter par le passé, seraient complètement dépassés. La maîtrise ou la gestion de la rue, telle que pensée par l’ex-Premier ministre Ahmed Ouyahia, s’était avérée inefficace car, là, on avait affaire à la furie de tout un peuple. Les services de sécurité, tous corps confondus, avaient, durant la décennie noire évoquée ci-dessus, prouvé leur maîtrise et leur efficacité dans la lutte contre le terrorisme islamiste. On en convient. Tout le monde leur reconnaît cette expertise. Mais, là, il s’agissait d’un mouvement citoyen pacifique qu’on ne pouvait pas réprimer sans s’attirer les foudres de guerre de l’opinion publique nationale et surtout internationale.

Ce qui se passe en Algérie est très particulier, de par son ampleur et de par le civisme et le pacifisme des manifestants, si bien que tous les pays du monde nous épient attentivement. Ce qui se passe en Algérie diffère complètement du «printemps arabe» qui avait mené des pays comme la Libye voisine ou la Syrie de Bachar Al-Assad à la ruine et presque à la disparition de la carte géographique. On le savait. Gouvernants et gouvernés le savaient. Et chacun essayait de mettre en garde l’autre. C’est ainsi que l’ex-Premier ministre, Ahmed Ouyahia, avait osé une comparaison, lors de l’un de ses discours, tout à fait au début de ce mouvement citoyen, en disant qu’«en Syrie aussi ça a commencé avec des fleurs», faisant allusion aux jeunes algéroises qui distribuaient des roses aux policiers au niveau de la Grande-Poste, devenue au fil des jours le point nodal, le point de chute de tous les hirakistes.

En fait, cette comparaison n’avait pas lieu d’être car, en vérité, en Syrie, il n’y a jamais eu de distribution de roses ou de fleurs par qui que ce soit à qui que ce soit. Le seul exemple historique connu en la matière est le Portugal où, en 1974, les Lisboètes avaient su conquérir le cœur des soldats du dictateur Salazar en leur offrant des œillets. «La révolution des œillets» avait mis fin à cette dictature sans aucune effusion de sang, après plusieurs jours d’occupation de la rue et des places publiques de Lisbonne et certainement des autres villes du Portugal. Il n’est donc pas exagéré de dire que les citoyens algériens se sont bien inspirés de cet exemple.

La plupart des observateurs algériens, journalistes, hommes politiques, intellectuels ou simples citoyens, s’accordent à dire que la goutte qui avait fait déborder le vase est ce 5e mandat de la honte. Sans cela, les choses auraient pu se passer autrement. Le plus normalement du monde. Si les partis de la coalition au pouvoir (FLN, RND, MPA, TAJ) avaient pu s’entendre sur un candidat commun ou si chacun de ces partis avait proposé son propre candidat aux élections présidentielles qui devaient avoir lieu le 18 décembre dernier, on n’en serait pas là aujourd’hui. Mais avoir opté d’un commun accord pour un candidat qui était entre la vie et la mort dans un service de soins intensifs à Genève alors que, constitutionnellement, ce candidat n’avait aucunement le droit de se présenter pour ces élections, était une erreur monumentale.

En revanche, les vrais patriotes, les Algériens honnêtes et intègres qui voulaient en finir avec le règne d’Abdelaziz Bouteflika voyaient en cette conjoncture historique, en cette candidature insolite et insensée, une aubaine, une chance inespérée de se débarrasser définitivement de tous les symboles du régime. Car on savait que la couleuvre était trop grosse, la supercherie trop criarde pour qu’elles soient acceptées et avalées par le peuple qui commençait à se poser des questions quant à son avenir. «Où allons-nous comme ça ?», se demandait-on.

A. G.

Membre fondateur de Jil Jadid

Ndlr : Les opinions exprimées dans cette tribune ouverte aux lecteurs visent à susciter un débat. Elles n’engagent que l’auteur et ne correspondent pas nécessairement à la ligne éditoriale d’Algeriepatriotique.


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