Rabah Lounici. Chercheur en histoire à l’université d’Oran

«Une revendication clairement exprimée tous les vendredis…»



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L’Organisation nationale des moudjahidine (ONM) a réitéré son exigence de dissolution du FLN. Pour son secrétaire général, Mohand Ouamar Benelhadj, conformément à la loi de 2001 ou celle de 1990, «nul n’a le droit d’utiliser les anciennes appellations de parti…» Un commentaire ?

Effectivement, la loi sur les associations de 1990 interdit l’utilisation des anciennes appellations. C’est en application de ce texte que l’agrément a été refusé au Parti du peuple algérien (PPA) lancé par les messalistes, le nom ancien ayant été utilisé en 1937. Mais le texte en question n’a pas été appliqué à deux organisations : l’Association des oulémas musulmans algériens (AOMA), du fait qu’elle est une association religieuse et non politique, et le FLN. Ce parti a disposé de beaucoup d’avantages comparativement aux autres formations politiques. Par exemple, il n’a pas été exigé un agrément à ce parti, qui a gardé l’appellation qui était celle du FLN de la guerre.

Le sigle FLN est utilisé comme capital symbolique pour tromper les Algériens en soutenant que cette organisation a libéré l’Algérie, en omettant de dire que la plupart des fondateurs du FLN historique de 1954 s’étaient retirés de ce parti pour fonder d’autres formations, à l’instar du FFS d’Aït Ahmed, du MDA de Ben Bella, du PRS de Boudiaf. C’était le cas de Mahsas et de Benkhedda… Ce qui est intéressant dans l’appel de l’ONM, c’est qu’il émane d’une organisation composée de moudjahidine qui étaient engagés dans le combat libérateur, et ont donc en toute logique la latitude de lancer cet appel après l’exploitation de ce sigle qui appartient à tous les Algériens. Djemai et d’autres n’ont qu’à répondre à cette demande.

Justement, selon un communiqué du FLN, le secrétaire général par intérim de l’ONM «sert des agendas cachés qui se croisent avec d’autres appels qui ont des prolongements à l’étranger, dans l’objectif de réaliser ce que le colonisateur français n’a pas pu faire»…

Les Algériens sont lassés de ce discours. Après le dénigrement de grands moudjahidine en 1962, nous voyons maintenant que des membres de l’ONM sont accusés d’être des «traîtres et à la solde de l’étranger» ! Les détracteurs de l’ONM font l’amalgame entre le FLN historique (1954-1962) et le FLN post-indépendance utilisé comme couverture pour la dilapidation, la rapine et comme moyen pour bénéficier de la rente. Je pense que ce sont ces gens-là qui continuent d’utiliser le symbole FLN pour des objectifs inavoués. Personne ne veut mettre le FLN «à la poubelle» ou effacer sa glorieuse histoire. Les Algériens demandent à restituer le symbole. Ils veulent le mettre au musée pour le protéger contre les profiteurs qui portent atteinte à la Révolution, comme le font ceux qui utilisent l’islam.

Ceux qui sont contre l’exploitation du symbole FLN et de la religion à des fins politiques sont en réalité leurs défenseurs acharnés. Moi, je ne sais pas comment on peut porter atteinte à notre Révolution en mettant le FLN au musée. Abandonner le nom de FLN est-il une atteinte au combat des moudjahidine ? L’interdiction du PPA a-t-elle porté préjudice à l’histoire du Mouvement national indépendantiste dont sont issus l’OS et plus tard le FLN du 1er Novembre qui a libéré le pays ?

Le mouvement populaire a appelé à «dégager» le FLN et le RND. Pourquoi, selon vous ? Cela est-il lié uniquement à la gestion des affaires du pays ?

La demande de dissolution du FLN et du RND est antérieure au hirak. C’est une revendication clairement exprimée tous les vendredis. Les Algériens savent que ces deux partis sont les béquilles du régime et une couverture pour la rapine, la prédation et le trucage des élections et l’endroit idéal pour tous ces opportunistes qui veulent se partager la rente. La dissolution du FLN sans le RND serait une faute grave. Il faudrait les dissoudre en même temps et interdire à l’avenir au régime de constituer son propre parti. Nous savons tous comment le RND a remplacé le FLN après la tentative de Abdelhamid Mehri de se libérer du régime.

Certains disent que l’«exclusion» du FLN doit se faire par les urnes. Qu’en pensez-vous ?

C’est un piège. Le FLN et le RND étaient des instruments de la fraude dans le pays. Particulièrement le FLN qui a utilisé le symbole du FLN historique comme le font les islamistes de la religion. Il faut impérativement interdire l’exploitation de ce symbole de notre Révolution et les composantes de l’identité nationale comme l’islam. Nous estimons que la plus grande erreur commise en Algérie après 1988 est de n’avoir pas dissous le FLN. Beaucoup ont considéré que ce parti était fini ; il est réapparu quelques années après avec l’appui du régime. Si ce dernier n’avait pas toléré les partis construits sur une base religieuse, historique ou ethnique, notre pays serait devenu une démocratie.


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