Contribution – Les décideurs militaristes tendent vers la fascisation des discours



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Par Abane Madi – Il semble que nos décideurs sont bornés. En refusant de s’inscrire dans le mouvement de l’histoire, ils continuent à exercer toutes sortes de comportements répressifs et à user de la violence dans le traitement des conflits sociaux. L’Etat, principe que devrait être adopté par toutes les forces de gauche, doit se démilitariser. Les militaristes sont les névrosés de la répression et de la fermeture des espaces d’expression. En usant du fait établi, ils ferment le jeu et acculent le peuple à se droitiser en se rabattant sur les thématiques de droite, que le culturalisme préfère au silence assourdissant auquel veillent les loges sécuritaires et sectaires.

Emprisonner les militants est une pratique coutumière pour les Etats autoritaires. Les libérer pour détourner l’opinion est le sport favori des fascistes. Il se trouve que les décideurs algériens (notamment les militaristes) tendent vers la fascisation des esprits, des discours et des consciences : le cercle des décideurs joue bien le jeu fabriqué par les sécuritistes qui ne peuvent pas penser qu’un jour les masses accèderaient au pouvoir. Qui aurait imaginé que des généraux, des ministres, des chefs de partis, des barons soient recherchés ou mis en prison ? La dialectique est-elle l’essence de l’histoire ?

Les chancelleries occidentales sont gênées par le désir des peuples décolonisés d’accéder au libéralisme ou au socialisme sans que leur quitus soit délivré : empêcher les peuples décolonisés à s’autopenser est l’une des tâches que mènent les espaces de savoir courants. Il faut que toutes les grilles de savoir proviennent d’un Occident qui considère que la pensée est sa propriété. Les militaristes relaient ce procédé et veillent à l’ordre décrété par les disciples des idéologues libéraux. Démilitariser l’Etat, c’est aussi lancer un défi aux impérialistes culturalistes. C’est permettre aux décolonisés de se mettre à écrire le récit du sujet collectif.

Lutter contre la bourgeoise qui s’est introduite dans les institutions ne peut se faire par des campagnes synchronisées avec des luttes interpersonnelles (des règlements de comptes). Mener une campagne contre les corrompus ne peut venir à bout de la corruption, mais entraînerait la multiplication des modalités du crime économique. Si le fascisme peut prendre des formes aussi perverses que variées, je ne pense pas que les modalités de corruption soient contrôlables par le seul réflexe juridiste : il faut que le «morale» collective se répare après de lourds traumatismes inscrits dans le patrimoine psychique national. Faut-il faire une archéologie de la psyché pour refonder l’Etre collectif des Algériens ?

La débureaucratisation des institutions veut dire réconcilier les Algériens avec ceux dont la mission est non pas de s’inscrire dans les verticalités oppressives, mais de rendre l’altérité comptable de ses actes devant la conscience de l’Etre collectif. Or, la bureaucratie algérienne semble incapable de faire son examen de conscience pour faire cesser les logiques bourgeoises. La république des privilèges doit être refondée et ce, pour faire place aux masses laborieuses qui se mettent à édifier les nations. Les bureaucrates sont (ce serait une lapalissade de le dire) au service de l’autoritarisme qui leur garantit une existence purement bourgeoise.

Le travail des élites sur la société algérienne devrait avoir un impact sur le vécu national, sans que ces élites abandonnent les préalables idéologiques et l’exigence d’universalisation du sujet-objet que se met à former la pensée nord-africaine installée dans l’intimité politique des acteurs de l’histoire.

A. M.

 


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