Contribution du Dr Arab Kennouche – Penser l’après-Gaïd-Salah dès à présent



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Par Dr Arab Kennouche – Depuis le lancement des candidatures de Tebboune et de Benflis, il semble acquis que la démarche d’une présidentielle venue d’en haut n’a pas fait mouche et ne s’est pas emballée au point de renverser la donne en Algérie. A cet échec annoncé, plusieurs facteurs explicatifs peuvent être avancés. Le plus probant, l’extrême vigueur du mouvement du Hirak qui ne faiblit pas et gagne en profondeur à mesure que le pouvoir multiplie les arrestations ignominieuses de jeunes militants sur tout le territoire national. L’anti-jeunisme de l’état-major, conjugué à une rhétorique absurde visant à accuser sans fondement a fini par radicaliser le Mouvement de contestation national qui n’attend désormais que le moment venu, la goutte qui ferait déborder le vase, pour passer à la vitesse supérieure et déborder Gaïd-Salah sur tous ses flancs. L’opportunisme d’un Benflis, fâché avec l’histoire, autant qu’une pseudo-revanche d’un Tebboune humilié après quelques semaines de gouvernement, n’auront pas suffi à calmer la grogne, loin s’en faut, si bien qu’aujourd’hui, ces deux candidats n’osent même plus sortir de leurs quartiers, sachant pertinemment que le costume qu’on leur a taillé est bien trop grand et ne sied pas à la circonstance. Alors, comment penser le futur, l’après-Gaïd-Salah ?

Une élection en «selfie» condamnée

Le vieux général a bel et bien tiré sa dernière cartouche en annonçant précipitamment une élection en «selfie» à laquelle personne ne croit véritablement. Gravée comme une loi d’airain, comme un axiome euclidien, toute initiative qui viendrait dorénavant d’Ahmed Gaïd-Salah se solderait par un échec flagrant ; pire, par un approfondissement de la crise dans le sens d’une déstabilisation de la nation. Chacune des manœuvres entreprises par le chef d’état-major depuis le début de la crise n’a jamais véritablement convaincu le bas-peuple qui ne s’est pas laissé manipuler par ce rôle fallacieux de justicier que le haut-commandement s’est attribué.

Gagné par la panique plus que par le souci de bien faire, le chef de l’armée a commis l’irréparable en emprisonnant des personnalités et des jeunes dont l’effervescence et la bonne foi étaient incontestables envers l’Algérie qu’ils aimaient. Jeter l’opprobre sur le peuple tout en prétendant le défendre au pied de la lettre constitutionnelle a été fatale à un Gaïd-Salah forcé de durcir le ton et d’adopter une politique d’un autre temps, celle des années 70, loin d’une réalité hyper-médiatisée, faisant de l’Algérie un village à l’échelle du monde. En tirant deux missiles à partir de deux sous-marins, le vieux général finit pas démontrer l’ampleur du désastre algérien, au-delà d’un ridicule sans égal dans l’histoire de l’Algérie contemporaine. Finalement, ces salves d’honneur ou de déshonneur, retentissent encore comme un aveu de faiblesse d’un commandement militaire dépassé par une donne politique qu’il peine à contrôler.

Devant une telle incurie, il est évident que des fissures vont apparaître dans le bloc de commandement militaire devant l’impossibilité de gérer cette crise. Tabler sur un président «mode Gaïd-Salah», quel qu’il soit, ayant des ramifications plus ou moins avérées avec le bouteflikisme, et l’introniser contre la volonté du peuple feraient figure de garrot mal mis sur la plaie béante d’une société qui désespère d’un changement radical. L’explosion qui s’ensuivrait s’il venait à lâcher serait incontrôlable. Et le pouvoir militaire en est parfaitement conscient, sauf à vouloir jouer avec le feu. Le risque d’un président-garrotage que prétend courir l’actuel chef d’état-major n’a très certainement convaincu que très peu de conseillers au niveau du commandement ; et encore, seulement parmi ceux dont l’allégeance était synonyme de préservations d’intérêts privés, financiers, et familiaux. L’étendue de la corruption en Algérie a malheureusement touché les plus hautes sphères stratégiques liées au pouvoir personnel de Gaïd-Salah. Si l’on rajoute le facteur extérieur du type Emirats arabes unis, le problème devient plus complexe, car un Gaïd-Salah peut en cacher un autre. Si les Emirats de Mohamed Ben Zayed rechignaient à laisser partir Gaïd-Salah d’une manière ou d’une autre, ils pourraient très bien être à la recherche d’un autre candidat d’un même acabit.

L’urgence d’une tête de pont

Sur un autre plan, en considérant que tout l’état-major a trempé dans le miel d’Abu Dhabi, ce qui reste très plausible au vu de la tournure des événements et du peu de réaction de la part des organes de sécurité à apporter des solutions adéquates à la montée en puissance du Hirak, il existe sans aucun doute de grands secteurs de la sécurité nationale et des pans entiers de l’ANP qui, écartés de la planète Bouteflika, n’attendent que le moment opportun pour un redressement national et républicain. C’est cette corporation de militaires déboutés, dégoutés, avilis et humiliés qui a un rôle à jouer afin de sauver l’Algérie. Ils sont, en effet, encore nombreux à ne plus supporter vingt longues années de trahison des intérêts nationaux, pendant lesquelles des officiers de haut rang ont progressivement vu glisser l’ANP d’un statut d’instrument de défense nationale vers celui d’un moyen d’enrichissement au point où l’institution est devenue une plateforme obligée pour le business personnel.

Or, le Hirak national a tout intérêt à faire converger ses intérêts avec ceux de militaires, de politiciens aguerris et de représentants de la société civile. Seul, sans structures de coordination et sans figures de proue uniques, le Hirak se condamne à l’émiettement, à la destruction. Il ne peut plus continuer seul à affronter la bête immonde. Le temps d’une convergence d’action est désormais mûr, d’autant que l’opposition au sein de l’armée gagne du terrain devant l’échec annoncé des élections de décembre 2019. Les chances de réussite d’une telle convergence sont énormes : le Hirak est très largement national et pas régional, il touche tous les segments professionnels de la population. De nombreux partis politiques se sont prononcés contre les élections à venir, toutes tendances confondues. Le Hirak a également une profondeur historique et une légitimité ancrée dans la Guerre de libération nationale. Il fait écho à Novembre 1954 et est soutenu par de nombreux «sages». Enfin, et c’est le principal, le Hirak dispose de relais profonds dans tous les organes de sécurité du pays, jusque dans les hautes sphères de l’ANP. Même si ces relais sont encore virtuels, ils n’attendent que l’action d’une concrétisation au moyen d’un organe unique de commandement et d’interaction.

Alors que le pouvoir aux abois brade dans l’urgence les richesses du pays afin de mettre devant le fait accompli les futurs décideurs, le temps est désormais compté avant que le Hirak ne s’essouffle définitivement ou que celui-ci soit poussé vers des actions contre-nature et improductives de débordement par la violence. C’est le scénario du pire que les puissances occidentales ont jugé nécessaire de prendre en compte dans leurs analyses de la situation algérienne. C’est donc encore au jeu de la procrastination que Gaïd-Salah espère tuer le Hirak, attente sans fin qui verrait l’intervention d’autres acteurs internationaux, pressés d’en découdre avec ce qui reste de l’Algérie nationaliste.

A. K.


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