Qualité des institutions et lutte efficace contre la corruption



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L’ampleur de la corruption, sa généralisation à tous les secteurs et institutions et son emprise sur le monde politique ont ruiné l’économie algérienne et ont accentué sa dépendance vis-à-vis de l’extérieur et des hydrocarbures.

L’enracinement de la corruption dans la société est devenu une menace sérieuse à une évolution sociale et économique saine, équilibrée et honnête.

En effet, l’enrichissement rapide et sans cause a détruit la valeur travail et dévalorisé le savoir, la compétence, le sérieux et la qualité dans tout ce qui est entrepris. Ces valeurs universelles ne sont plus considérées comme une référence.

La lutte contre la corruption en Algérie a été toujours liée à des contextes politiques conjoncturels, sans continuité et sans remise en cause du système ayant engendré ce fléau.

Dans ce contexte, peut-on espérer, un jour, voir la mise en place une véritable politique de lutte contre la corruption permanente et fondée sur des principes mondialement admis et sur des outils ayant démontré leur efficacité ?

En 2016, la norme ISO 37001 a été confectionnée sur la base des expériences qui ont donné des résultats en matière de prévention et de lutte contre la corruption. Elle s’applique aux différents types d’institutions et organismes, aux entreprises, au personnel, aux relations avec les différents partenaires commerciaux…

Le but de cette norme est d’instaurer un système de management anti-corruption qui favorise la prévention. Elle retient une méthodologie et définit les exigences de la mise en place d’un tel système.

Le respect de l’ensemble des dispositions de la norme transforme la lutte contre la corruption en une pratique quotidienne et continue.

Pour instaurer un système de management anti-corruption qui permet de prévenir et détecter les actes de corruption, la norme ISO 37001/2016 a défini les étapes à suivre et les conditions à réunir.

Parmi les exigences retenues par la norme ISO 37001, nous citons : l’existence d’une véritable politique de lutte contre la corruption, la détermination et la délimitation des responsabilités, l’élaboration de procédures, la formation et la sensibilisation, l’élaboration d’une cartographie des risques, l’amélioration continue, l’audit interne, le contrôle, les objectifs planifiés, l’existence d’un dispositif d’alerte, la vigilance permanente, la communication interne et externe…

Cette norme, comme l’ensemble des normes ISO, repose sur le principe d’amélioration continue (le PDCA).

L’application du dispositif du management anti-corruption suppose des conditions minimales d’organisation, de cohérence des politiques et une volonté politique indéfectible.

Face à ces exigences, peut-on affirmer que nos institutions, entreprises, banques et autres organismes, avec leurs carences, dysfonctionnements et insuffisances sont capables d’asseoir un tel système ? Est-ce qu’il n’y a pas une certaine incompatibilité entre les exigences de la norme et l’état de nos organisations et modes de gestion ?

Dans l’appréciation des systèmes politiques et économiques, nous constatons que les instituts spécialisés dans la notation privilégient des critères qui déterminent la bonne gouvernance, la qualité des institutions et l’efficacité des politiques suivies, notamment les critères qui facilitent la prévention de la corruption et la lutte contre tous ses aspects, la transparence dans l’acte de gestion, le respect du droit, l’existence de procédures clairement établies, l’audit, le contrôle, la responsabilité et l’obligation de rendre compte…

L’indice de perception de la corruption (Transparency International) classe l’Algérie au 105e rang sur 180 nations avec une note de 35 points sur 100 (zéro fortement corrompu, 100 : très peu corrompu). La note ne varie pratiquement pas depuis quelques années, 36 points en 2015. Ce qui démontre que les mesures et options de lutte contre la corruption étaient inefficaces.

En outre, le Doing Business classe l’Algérie en 2019 au 157e rang, (Turquie : 43e, Maroc : 60e. En 2017, le classement était de 156. Les choses se détériorent. L’Algérie est à la 37e place sur 51 pays africains. Il y a de quoi être déconcerté.

Le classement par critère est plus inquiétant. Dans le critère «Facilités de faire des affaires », l’Algérie est 150e, obtention d’un permis de construire : 129e, raccordement à l’électricité : 106e, transfert de propriété : 145e, obtention d’un prêt : 178e, protection des actionnaires minoritaires : 168e, exécution de contrat : 112e, impôts et taxes : 156e, création d’entreprise 150e.

En matière de liberté économique, l’Algérie occupe le 159e rang sur 162 nations étudiées, avec une note de 4,7 sur 10 (classement Fraser institute).

L’Algérie possède beaucoup de handicaps structurels qui bloquent toute initiative de réformes et d’amélioration.

Face à ses insuffisances, peut-on mettre en place un management anti-corruption selon la norme ISO 37001/2016 ?

Les critères retenus par les institutions internationales et les instituts de notation s’articulent autour des conditions qui déterminent la bonne gouvernance et la qualité des institutions. C’est pour cette raison que nous estimons qu’il est fondamental de procéder à des réformes politiques et économiques pour améliorer la gouvernance et la qualité des institutions. Dans le cas contraire, toute réforme qui ne s’inscrit pas dans ce cadre sera vouée à l’échec et ses actions détournées de leurs objectifs premiers.

Les dernières arrestations de dirigeants et hommes d’affaires importants montrent l’ampleur du fléau qui s’est généralisé à tous les niveaux de l’Etat et de la société. Nous avons atteint un niveau de déliquescence où rien ne peut se faire sans l’appui d’une connaissance ou le versement d’une commission.

Des études sur les économies de l’ex-Europe de l’Est réalisées par la Banque européenne sont très instructives et renseignaient sur les difficultés de création d’entreprise, d’investir, d’accéder à l’information et aux marchés publics.

Ces travaux ont permis d’arrêter une typologie de la corruption. La banque retient trois types de corruption : a)- la corruption dans l’attribution de marchés publics ; b)- la corruption administrative, application arbitraire de la loi et de la réglementation, application au cas par cas ; c)- l’appropriation de l’Etat (influence des politiques, pression dans l’élaboration des lois pour qu’elles soient favorables aux intérêts défendus, tirer des avantages).

Michaela Oana Cozma propose dans sa thèse de doctorat une distinction entre la corruption, politique (des responsables politiques utilisent les structures de l’Etat pour s’enrichir), la corruption législative (les lois sont établies et votées en fonction des intérêts particuliers), et la corruption administrative ou bureaucratique (interprétation et application de la loi en fonction des intérêts privés). L’ensemble de ces types est fortement implanté dans nos institutions.

Rose Ackerman privilégie deux causes essentielles de la corruption : les défaillances de la gouvernance et des institutions et l’absence d’un système démocratique caractérisé par une limitation des libertés, un manque de transparence et une défaillance dans le contrôle.

Vito Tanzi cible, en particulier, la défaillance du processus de décision concernant les dépenses publiques, l’absence de clarté dans les procédures et règlements, un déficit en matière de transparence, l’omniprésence de la bureaucratie, un système fiscal compliqué et lourd.

Les conséquences sont nombreuses : retard dans la croissance économique, impact négatif sur les IDE, inefficacité des services publics, enrichissement sans cause et aggravation des inégalités, dévalorisation du travail, blocage et réorientation des réformes au profit d’intérêts particuliers, mauvaises allocations des dépenses publiques, distorsion du marché et impact sur une concurrence saine…

Les conditions liées à la bonne gouvernance, à la qualité des institutions, au climat des affaires, à la corruption sont-elles réunies pour pouvoir mettre en place un management anti-corruption tel que c’est prévu par la norme ISO 37001/2016 ?

Face à ce fléau qui touche beaucoup de sociétés et de systèmes, des spécialistes proposent des solutions assez profondes.

En effet, Vito Tanzi préconise un changement des structures de l’Etat, la décentralisation, l’implication de la société civile, la transparence, des réformes institutionnelles et économiques, la réforme de la gestion publique.

Rose Ackerman milite pour des réformes structurelles, notamment la séparation des pouvoirs et la réduction du rôle de l’Etat dans la sphère économique, une concurrence entre les services publics, des sanctions optimales, une transformation des procédures de passation de marchés publics, un renforcement du contrôle interne, la déréglementation, une privatisation crédible.

Par contre, Daniel Kaufmann estime que «combattre la corruption par la lutte contre la corruption est une démarche vouée à l’échec». Une gouvernance défaillante qui a donné naissance à la corruption ne peut pas, avec les mêmes institutions, lutter contre la corruption. Il estime que la voie la mieux indiquée est de prendre des réformes profondes et adaptées pour améliorer la gouvernance et la qualité des institutions et les rendre aptes à mener des politiques de prévention ou de lutte contre la corruption efficaces.

Nous constatons que les pays les mieux classés dans la gouvernance, la qualité des institutions, le respect de la réglementation, les libertés de création d’entreprise, l’absence de bureaucratie, sont les pays les mieux protégés contre la corruption.

Par contre, les pays qui accusent un déficit en matière de gouvernance, de qualité des institutions où la bureaucratie, la limitation des libertés, le non-respect du droit sont bien implantés dans la société, ces nations sont victimes de leurs propres insuffisances, incohérences et contradictions.

La décentralisation, la qualité de la réglementation, la volonté politique et sa détermination, la responsabilisation et l’obligation de rendre compte sont des conditions incontournables pour pouvoir lutter efficacement contre la corruption et avoir un dispositif de prévention et d’alerte assez performant. Ce sont ces conditions qui favoriseront la mise en place d’un management anti-corruption conforme aux exigences de la norme ISO 37001 et garantiront certainement son efficacité.

Par Brahim Lakhlef , 

Spécialiste en économie et auteur

email lakhlefb@yahoo.fr


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