Pr Nadji Khaoua .Économiste, chercheur et consultant international

«L’entrepreneuriat, y compris féminin, ne peut être la panacée qui recouvre les échecs répétés des pouvoirs publics»



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La parité homme- femme dans les affaires est une problématique qui revient au-devant de l’actualité nationale, car les femmes peinent encore à s’imposer sur l’arène des entrepreneurs et des créateurs d’entreprises. Alors que la tentation et les capacités entrepreneuriales sont à peu près identiques chez les femmes que chez les hommes. Serait-ce, selon vous, du fait du manque, voire de l’absence, de synergie entre le dialogue politique et économique entre les parties prenantes ?

Je dirai que le discours ambiant sur les opportunités offertes pour booster la création d’emploi et dynamiser la croissance de l’économie nationale recourt à des mythes répétés à profusion dans, en particulier, les médias ainsi que les universités du pays. Un de ces mythes est celui de l’entrepreneuriat à travers l’amélioration de la parité homme-femme. L’entrepreneuriat, tel qu’avancé par le discours politique et administratif dominant en Algérie, suggère implicitement que l’Etat se désengage de ses missions économiques et renvoie ses missions vers la population. Cette dernière et ses catégories sociales en quête d’emplois et de revenus pour vivre doivent patienter jusqu’à ce qu’elles soient capables de créer leurs entreprises et donc leurs propres emplois qui leur permettraient de disposer de revenus réguliers pour vivre et survivre.

Ces discours disent que la construction du système économique dans ce pays riche en ressources diverses, disposant d’un territoire de plus de 2,3 millions de kilomètres carrés et de plus de 42 millions d’habitants en 2019, dont 70% ont moins de 35 ans, est de moins en moins de la responsabilité pleine et entière des pouvoirs publics. Ces pouvoirs publics monopolisent pourtant la décision de gestion et d’affectation des ressources. Ils ne se gênent aucunement dans la monopolisation stricte de l’usage et de la consommation sans contrôle indépendant de ces ressources. Ils ne se gênent pas davantage dans leur répartition sans aucun contrôle de la population. Les exemples sont disponibles publiquement à foison de cette surdétermination politique de l’économie.

Voudriez-vous dire qu’en général, l’ascension des femmes dans l’entrepreneuriat n’est pas ou ne doit pas être nécessairement associée au rythme de la richesse et du développement économique de leur pays  ?

Effectivement, l’analyse de l’économie non développée, ou en retard, comme celle de l’Algérie, démontre et indique que seul l’Etat et ses agents ont la capacité et le devoir de mobiliser les moyens disponibles pour créer l’emploi et développer une économie productive pour la croissance, une croissance dont la finalité est l’élévation du niveau de vie de la population.

Même dans les pays les plus capitalistes et ceux dont le libéralisme est le plus enraciné, comme le Canada, les USA ou le Japon et la Corée du Sud, les pouvoirs publics veillent toujours à lutter contre le chômage et la pauvreté. Dans un pays économiquement et socialement pauvre, comme l’Algérie, l’entrepreneuriat, y compris féminin, ne peut être la panacée qui recouvre les échecs répétés des pouvoirs publics en matière économique et sociale.

Dans les faits, l’entrepreneuriat, tel que présenté, n’est qu’une action de survie pour des catégories sociales marginalisées et négligées par les politiques publiques. Un 2e exemple frappant est celui des diplômés universitaires: plus de 300 000 sortant diplômés des universités, dont au moins 180 000 sont des femmes, ne trouvent pas d’emplois en rapport avec leurs formations et leurs diplômes.

C’est à se demander pourquoi l’Etat en Algérie a mis en place une carte universitaire comprenant plus de 70 établissements répartis sur l’ensemble des 48 wilayas du pays, s’il n’est pas capable de mettre en place une politique économique qui puisse créer des emplois suffisants, en rapport avec la masse des diplômés que produisent chaque année les universités du pays ? Ne parlons pas de la situation des centaines de milliers exclus sans qualification ni formation chaque année par l’éducation nationale. Ne parlons pas également de l’offre négligeable de formation professionnelle par rapport à la massivité des besoins sociaux et économiques.

En fait, le discours mensonger sur «l’entrepreneuriat» et sur l’objectif de «parité homme-femme» dans l’accès aux concours des pouvoirs publics est en partie une des raisons obscures dans les discours publics, de la mise en avant de politiques trompeuses, telles que celles de «l’entrepreneuriat» et de «la parité homme-femme» dans l’accompagnement de ces soi-disant «entrepreneurs» par les organismes de l’Etat (banques, administration locales) : camoufler les échecs des politiques économiques publiques, détourner les responsabilités de l’Etat vers le citoyen qui, s’il n’arrive pas à réussir dans l’entreprise qu’il a créée, ne doit s’en prendre qu’à lui-même. L’analyse objective et politiquement neutre des réalisations le montre amplement.

Les données publiées par la Banque mondiale ainsi que plusieurs autres institutions économiques internationales restent, quant à elles, têtues : si on prend uniquement la région de l’Afrique du Nord, la création et le nombre d’entreprises est de loin la plus faible en Algérie, comparativement à ses voisins le Maroc et la Tunisie.

Pourtant, les facteurs matériels (capitaux, ressources humaines, ressources naturelles, territoires) de développement économique et d’évolution de l’entrepreneuriat existent en Algérie, sans commune mesure avec ceux dont disposent le Maroc ou la Tunisie.

 


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