La contre-campagne des étudiants



...

Les étudiants ont manifestement à cœur de profiter de cette sortie pour exprimer une nouvelle fois leur rejet de la «fumisterie électorale» du 12 décembre.

Alger, 19 novembre. 39e marche hebdomadaire des étudiants. La manif rituelle de la communauté universitaire a la particularité de tomber, ce mardi, en pleine campagne électorale. Et le contexte a forcément déteint, comme il est aisé de l’imaginer, sur le contenu politique de cette action. On note d’emblée qu’il y a plus de monde, plus d’intensité, au démarrage de la manif, et le contexte électoral justement n’y est sûrement pas étranger.

Les étudiants sont rejoints, comme toujours, par des contingents de citoyens «lambda» sur la place des Martyrs. Les protestataires ont manifestement à cœur de profiter de cette sortie pour exprimer une nouvelle fois leur rejet de la «fumisterie électorale» du 12 décembre. Un homme incite les non-étudiants à se mettre derrière les premiers concernés en laissant le soin aux jeunes des campus de diriger le cortège.

Une femme riposte : «Il faut mettre les femmes au premier rang, comme ça, si la police s’avise d’arrêter les étudiants, on sera là pour les protéger.» Avant même d’entonner Qassaman comme à l’entame de chaque marche du mardi, des voix ont commencé à marteler : «Makache intikhabate yal îssabate !» (Pas d’élections avec la bande).

10h35. Après l’hymne national, le cortège se déploie sous un temps couvert. Il fait froid. Notre smartphone indique 13°C. «Dawla madania machi askaria !» (Etat civil, pas militaire), «Makache intikhabate ya el îssabate !» scande la foule.

La tendance anti-élection est appuyée par ce refrain : «Isqate el vote wadjb watani» (Faire échec aux élections est un devoir national). Un leitmotiv suivi de ces mots : «Elli y voti khayen watani !» (Celui qui vote est un traître à la patrie).

Le thème de la libération des détenus intervient très tôt dans le répertoire des mots d’ordre formulés. Les étudiants et leurs supporters scandent ainsi dès les premiers pas : «Harrirou el moutaqaline !» (Libérez les détenus).

«Makache el vote !»

A hauteur du marché de la Basse-Casbah, un jeune prend la parole : «La bande qui est partie va revenir. Il y aura un autre Bouteflika et un autre Saïd qui vont les remplacer», lance-t-il en haranguant la foule.

La procession enchaîne par l’un des chants de prédilection des dernières manifs : «Ahna ouled Amirouche, marche-arrière ma n’ouellouche, djaybine el houriya !» (Nous sommes les enfants de Amirouche, pas de marche arrière, on arrachera la liberté). Les étudiants du peloton de tête se mettent ensuite à clamer : «Sahafa horra, adala moustaquilla» (Presse libre, justice indépendante). Une large banderole est déployée : «La volonté populaire triomphera du pouvoir despotique. Victoire».

Lorsque le cortège s’engouffre dans la rue Bab Azzoun, la foule est déjà très dense. Les clameurs font vibrer les façades des vieilles bâtisses alentour, adossées à des échafaudages. Les concerts de voix donnent des frissons. Ils sont joyeusement rythmés aux percussions d’une derbouka et sont accompagnés de youyous et de salves d’applaudissements. Les manifestants répètent à tue-tête : «Dégage Gaïd Salah, had el âme makache el vote !» (pas de vote cette année), «Les généraux à la poubelle wel Djazaïr teddi l’istiqlal» (et l’Algérie accèdera à l’indépendance). Les protestataires font un tonnerre en s’écriant : «Makache el vote !» (Pas de vote).

Près du Tantonville, un homme, grisé par la force des images, lâche en kabyle : «D’Izmawen !» (Ce sont des lions). Au carrefour qui relie la rue Abane Ramdane à la rue Ali Boumendjel, les marcheurs crient : «Sahafa horra, adala moustaquilla !» Les magistrats sont pris pour cible aux cris de «Qodhate Sidi M’hamed yaâbdou fel Gaid» (Les juges de Sidi M’hamed idolâtrent Gaïd Salah).

Des étudiants martèlent aussi : «Libérez les détenus !» Des voix lancent : «Siyada chaâbiya, marhala intiqaliya !» (Souveraineté populaire, période transitoire). Sur la rue Larbi Ben M’hidi, les étudiants qui mènent la danse improvisent ce chant : «Rahi bayna masrahiya, ital’oû Tebboune lel Mouradia !» (La comédie est flagrante, ils veulent porter Tebboune au palais d’El Mouradia). D’autres chantent : «Makache el khamssa ya bouâlita, djibou el BRI ou zidou essaîqa !» (Pas de 5e mandat, ramenez la BRI et les forces spéciales).

«Non au retour du Bouteflikisme»

Sur les pancartes brandies défilent ces messages : «Persévérants. Ou bien l’indépendance, ou bien l’indépendance. Liberté», «Le peuple veut la libération des détenus d’opinion», «Liberté à nos frères otages», «La décision du peuple de changer le système est irrévocable. Yetnahaw ga3 !»… Un monsieur qui n’a raté aucun mardi arbore un montage photo montrant Boutef entouré de ses 5 «enfants» – comprendre les 5 candidats. Et ce message : «Les bébés de mère Boutef. C’est qui le père ?»

Dans le même esprit, un manifestant écrit : «Non au retour du bouteflikisme». Un autre hirakiste arbore cette pancarte lyrique : «7+8. Un pays riche et magnifique, un peuple digne et pacifique. Un pouvoir pourri et diabolique. Et cela donne une révolution historique.» «Les soldats sont les enfants du peuple», écrit un autre. Une jeune femme brandit cet écriteau : «Le feuilleton des années 1990 ne reviendra pas en 2019». Un citoyen affiche sa détermination à travers ces mots : «Le hirak contre vents et marées, le combat continue».

Un des piliers du mouvement a composé une petite tribune aux accents pamphlétaires où il dit : «Aux juges, aux députés gangrenés par la corruption, vous n’êtes que des bourreaux, des lèche-bottes soumis. On n’est pas un Etat fédéral pour (avoir) ces jugements contradictoires. Et vous, les décideurs, pourquoi les élections alors que vous avez déjà élu votre Président à vie le 14 novembre 2019 à l’APN : sa majesté le pétrole ? Arrêtez d’insulter notre intelligence.»

Un monsieur d’un certain âge charge à son tour le pouvoir en place en notant : «Un pouvoir illégitime usant de répression et d’atteinte aux libertés n’est pas crédible pour mener des élections».

Autre panneau à charge : «Le peuple est libre de choisir son avenir. Non aux élections poubelles imposées par la junte militaire avec la participation des lèche-bottes et des cinq mercenaires à la solde des généraux.» Les médias ne sont pas épargnés : «Presse de la honte ! Dieu merci il y a le VAR (assistance vidéo à l’arbitrage, ndlr)» assène un manifestant.

«Chaque jour une marche de 16h à 19h»

Il est presque midi. Le temps s’est gâté. Des gouttes de pluie commencent à tomber. Devant la statue de l’Emir, les étudiants ont une nouvelle pensée aux prisonniers du Hirak: «Houria lil massadjine» (Liberté pour les détenus), répètent-ils. Un carré lance un peu plus loin : «Barakat, barakat, min khitab ethakanate !» (Y en a marre du discours des casernes).

On pouvait entendre aussi : «Echaâb yourid isqate Gaid Salah !» (Le peuple veut la chute de Gaïd Salah). Le cortège traverse l’avenue Pasteur sous la pluie. Il tourne ensuite par la rue du 19 Mai 56. Devant la Fac centrale, une dame scande toute seule : «Assa, azekka, tamazight thella, thella !» (Aujourd’hui, demain, tamazight sera toujours là). La marée recoupe la rue Didouche, descend la rue Sergent Addoun avant de bifurquer vers le boulevard Amirouche. La marche se poursuit en traversant la rue Mustapha Ferroukhi puis tourne vers Audin.

Forte pensée pour le peuple palestinien aux cris de : «Falastine echouhada !» (Palestine martyre). Un peu plus loin, la foule promet : «Koul youm massira, maranache habssine !» (Tous les jours une marche, on ne s’arrêtera pas). A hauteur de la Fac centrale, un nouveau slogan fuse en forme de proposition : «La grève générale yasqate ennidham !» (La grève générale et le régime tombera).

Un autre slogan suggère : «Chaque jour une marche de 16h à 19h !»  Deux figures du mouvement étudiant hissées sur les épaules de leurs camarades prononcent un mot pour réaffirmer la solidarité du peuple algérien envers la Palestine et pour exprimer le soutien indéfectible du mouvement aux détenus du hirak, avant d’inviter l’assemblée à chanter Qassaman. Il est 13h35. Fin officielle de la manif.

Un hirakiste, la cinquantaine, peste : «Il ne faut pas se disperser. Ettasîd, ettassîd ! (l’escalade, l’escalade !). Le mardi et le vendredi ça ne suffit pas, il faut sortir tous les jours !»


Lire la suite sur El Watan.

Publier des annonces gratuites

Autres sites

Sciencedz.net : le site des sciences
Le site des sciences en Algérie


Vous cherchez un emploi? Essayer la recherche d'emploi en Algérie
Babalweb Annonces Babalweb Annonces
Petites annonces gratuites