Contribution du Dr Arab Kennouche – Les quatre échecs du plan Gaïd-Salah



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Par Dr Arab Kennouche – Depuis l’avènement du mouvement contestataire en Algérie, le 22 février 2019, et la programmation d’une élection pour le 12 décembre prochain, il faut reconnaître que le plan de Gaïd-Salah pour contrecarrer le soulèvement contre un mandat éternel de Bouteflika, véritable responsable ultima ratio du clan, et un retour à la normale dans la société algérienne, n’ a pas obtenu les effets escomptés. S’il fallait décrire les points principaux du plan de reconquête de l’opinion publique algérienne et les soumettre à un examen radical de la situation réelle que vit le pays aujourd’hui, on parvient à un écart entre les attentes politiques du vieux général et les réponses fournies par le Hirak depuis plusieurs mois. Quels ont été les axes stratégiques par lesquels le clan Gaïd-Salah s’attendait à un retour inévitable à la normale et qui prévoyaient de remettre en selle le système corrupteur actuel par d’autres moyens ?

Quatre axes en échec

Tout d’abord, et c’est le point essentiel, le pouvoir militaire a tablé sur une normalisation contre une véritable transition politique. C’était l’axe stratégique majeur du clan Gaïd-Salah définissant un retour à la normale progressif des éléments les plus perturbateurs du Hirak, en les ciblant en personne comme des intrus et des provocateurs dont la société algérienne en général n’était prétendument pas encore consciente. Gaïd-Salah et ses conseillers ont tablé sur un phénomène d’usure dans le temps et d’essoufflement du mouvement contestataire comme étant inévitable. Il en fut complètement autrement car, depuis le 22 février, le Hirak n’a jamais cessé de gagner en volume et en audience au point où, aujourd’hui, sa résonnance est internationale autant que purement nationale. Première erreur grave d’appréciation du clan au pouvoir qui, à la veille des élections, se retrouve encore à devoir gérer un mouvement profond de revendication politique qui ne se laisse pas affaiblir.

Deuxième axe majeur du plan Gaïd-Salah : la lutte contre la corruption et l’emprisonnement de personnes symboliques du clan Bouteflika à la veille des élections. Mais cet anesthésiant non plus n’a pas fonctionné pour plusieurs raisons évidentes. Tout d’abord, le peuple, n’ayant pas la mémoire courte, se souvient encore du soutien indéfectible de Gaïd-Salah au cinquième mandat de son mentor et de l’impossibilité logique de condamner des politiques de second rang ou des intermédiaires, sans que les deux personnages principaux du système politique ne soient inquiétés. Les Algériens ont vite compris la manœuvre et ne se sont pas laissé attendrir par la rhétorique de la «’issâba». L’échec est aujourd’hui total dans le domaine de la justice réparatrice à laquelle les Algériens ne font plus confiance.

Troisième axe en échec du plan Gaïd-Salah, l’intimidation et l’épreuve de force voilée par les services de sécurité. La multiplication d’arrestations ciblées, l’emprisonnement de jeunes contestataires et la condamnation à de sévères peines n’ont pas eu, non plus, l’effet attendu d’un étouffement du Hirak. Nous observons aujourd’hui une détermination inébranlable des jeunes et des moins jeunes qui ne craignent plus de s’exprimer malgré la fermeture du jeu politique. Sur ce volet, l’échec est patent au vu de l’ampleur médiatique du Hirak qui est parvenu à obtenir l’estime de l’opinion publique internationale contre les gouvernements occidentaux qui, dans leur attentisme prudent, l’avait abandonné.

Enfin, dernier axe stratégique en échec total, la «kabylisation» forcée du Hirak. Gaïd-Salah et ses conseillers ont cru bon de vouloir jouer une fois de plus la régionalisation du conflit contestataire en l’assimilant à du «berbérisme antinational». La stigmatisation des citoyens de la Kabylie aurait dû servir à diviser le Hirak et tout le mouvement antisystème en pointant du doigt une «trahison» de cette région qui serait «indigne du combat libérateur de 1954». Encore une fois, la jeunesse algérienne a vite saisi la manœuvre et même l’intrusion forcée d’islamistes ou d’éléments du MAK visant à discréditer le Hirak fut mise en échec par la population. Le clan Gaïd-Salah s’est vu opposer une fin de non-recevoir sur la «kabylisation» politico-médiatique forcée du Hirak, surtout dans un contexte sensible et survolté où toute la nation s’informait des liens de connivence avec les Emirats arabes unis du clan présidentiel au détriment des intérêts nationaux.

De quoi l’après-12 décembre sera-t-il fait ?

Il est évident que sur ces quatre axes, c’est le Hirak qui a remporté une large et nette victoire. Une question essentielle nous vient donc à l’esprit : qu’adviendra-t-il de ce mouvement après l’élection factice du 12 Décembre ? Comment poser le problème post-élections du 12 décembre ? Il est certain que la contestation ne faiblira pas et ne rentrera pas dans l’ordre, mais, dans le même temps, le prochain Président se voit obligé de trouver une solution afin que les manifestations cessent. On ne peut, en effet, concevoir un nouveau chef de l’Etat qui soit encore hué et conspué chaque mardi et vendredi. Si un tel scénario continuait de se produire, la situation politique risquerait de s’aggraver car elle mettrait dans l’obligation le président de la République de fournir des preuves de son autorité politique et de sa compétence à régler tous les problèmes sociaux en suspens, alors que, dans le même temps, fort de sa victoire, le Hirak n’est prêt à aucune concession qui ne soit pas légitime et légale en même temps. Autant dire que le nouveau Président fera face à une situation inextricable, voire aporétique. Il faut tout de même évaluer les chances des principaux candidats à résoudre l’insoluble.

Soit le clan Gaïd-Salah considère que l’option «commandement militaire» doit prévaloir car les risques de débordement sont énormes. Dans ce cas, le candidat le plus malléable et effacé serait Mihoubi qui obéirait au doigt et à l’œil à un agenda militaire qui préserverait les intérêts du clan. L’option Mihoubi a un autre avantage, celle de donner l’impression d’une main tendue et d’une cure de jouvence en phase avec le Hirak. Malléabilité extrême et impression de transition feront le jeu des militaires aux aguets. Cependant, Azzedine Mihoubi risque de ne pas pouvoir tenir face au Hirak et ne pas se montrer à la hauteur, vu l’ampleur du mouvement.

Le danger d’un Président faible et influençable peut pousser les militaires à écarter cette option. Soit que les militaires considèrent que la partie est désormais très volatile et que seul un resserrement sécuritaire du jeu politique à contre-courant du Hirak peut sauver l’Algérie, contre une dernière tentative d’apaisement avec Mihoubi, alors, Tebboune, symbole des années Bouteflika, viendrait prendre le pouvoir. Cependant, cette option doit être considérée comme hautement dangereuse face au Hirak qui ne pardonnerait pas un retour éhonté du bouteflikisme, même si elle peut servir à tuer toute la contestation dans l’œuf.

Enfin, le commandement militaire peut se décider à sacrifier certains de ses éléments les plus controversés et opter pour un retour de Benflis. Une certaine rupture avec l’ère Bouteflika entamerait un nouveau processus de réhabilitation des institutions nationales. Mais ce scénario n’est pas non plus sans risques, accentuant les divisions entre pro-Bouteflika coriaces et adversaires de l’ancien Président. Et il est peu probable que l’ancien clan Bouteflika se décide pour un tel candidat qui, déjà par le passé, s’était retourné contre eux.

A. K.

 


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