Mères célibataires

Condamnées sans recours



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Certaines femmes, en dépit de tout, décident d’élever seules leur enfant, d’autres se battent afin de le garder. L’une des tares de la législation algérienne : rien n’oblige le géniteur à reconnaître son enfant. Malika la trentaine. Elle tombe enceinte. Son fiancé disparaît après dix ans de relation. Elle est contrainte, après mille déboires, d’abandonner l’enfant. L’histoire de Malika, racontée par le réseau Wassila, est la même que celle vécue par des centaines d’Algériennes de tous âges, de toutes conditions et de tous milieux, qui, faute d’alternative, sont jetées dans l’opprobre et la précarité. «Oui, le sujet est délicat et tabou. Mais il est urgent de regarder la vérité dans les yeux et d’arrêter de se voiler la face. Les cas sont là et, qu’on le veuille ou non, l’Etat et la société doivent se rendre à l’évidence que ‘cela’ existe et qu’il est aujourd’hui impératif de mettre en place des moyens et des structures afin que le moins de femmes possible se retrouvent dans cette situation», plaide le réseau Wassila/Avife, qui a organisé, hier, une rencontre sur les mères célibataires et sur l’impératif d’une reconnaissance sociale et juridique de ces femmes. Elles seraient ainsi des milliers – par choix et parce qu’elles n’avaient pas le choix – qui ont donné naissance à un enfant en dehors du mariage. Il est évidemment impossible de savoir réellement combien elles sont ; les chiffres officiels ne se basent que sur les enfants abandonnés et nés sous X, occultant totalement les femmes qui se battent, contre vents et marées, afin de garder leur enfant. «Le ministère de la Santé estime qu’ils sont 5000 enfants abandonnés, tandis que celui de la Solidarité nationale donne le nombre de 3000», précise Yamina Rahou, chercheure sociologue au Crasc d’Oran, auteure d’une recherche socio-anthropolique sur les femmes qui décident, en dépit de tout, d’élever leurs enfants. Ces femmes, pour la plupart dotées d’un capital scolaire important, sont actives, quitte à travailler à des postes en deçà de leurs qualifications afin de survivre. «Elles sont toutes conscientes d’avoir transgressé les interdits et, bien qu’avoir un enfant ne soit pas un choix, elles en assument les conséquences», explique-t-elle. Elle écarte d’un revers de la main l’argument religieux usé pour condamner ces femmes. «J’ai eu à prendre en charge une diplômée en sciences islamiques qui m’avait tout simplement répondu que ‘la faute est humaine’. Mais l’argumentaire religieux omet le fait qu’anciennement, les enfants nés hors mariage, de concubine ou d’esclave, étaient reconnus héritiers», souligne-t-elle. Ce qui est d’ailleurs le paradoxe de la société algérienne, dans laquelle les hommes fuient leurs responsabilités de géniteurs. «Où sont les hommes ?» «D’un côté, nous sommes dans l’ancienne logique patriarcale, sans pour autant que la gent masculine assume pleinement toutes ses filiations. Nous ne sommes toutefois pas dans une logique autre, puisque ces femmes, seules responsabilisées, ne jouissent d’aucune protection légale et leurs enfants n’ont aucune reconnaissance et aucun droit», s’indigne Yamina Rahou. Ce qui fera dire à Fatma Oussedik, sociologue et membre du réseau Wassila, que c’est l’un des problèmes majeurs de la société. «Pour être femme, anthropologiquement parlant, il faut qu’il y ait un homme. Mais dans tout cela, où sont-ils, les hommes ? Ils abandonnent leur enfant parce qu’ils ont peur de la réaction de leurs parents ou de leur entourage, tandis que les femmes, elles, doivent l’affronter», déplore-t-elle. «Et si la femme va vers la responsabilité, c’est qu’elle est sommée de le faire, tandis que tout est fait pour que l’homme ne prenne pas les siennes», conclut-elle. Car c’est aussi l’une des tares de la législation algérienne : rien n’oblige le géniteur à reconnaître son enfant. «La mère ne peut ainsi en aucun cas exiger la reconnaissance de la paternité, et ce, même dans le cas où le père est connu et que des témoins peuvent l’attester», insiste Dalila Djerbal, sociologue et membre du réseau Wassila. «Et même si le géniteur reconnaît la paternité, il n’a aucune obligation vis-à-vis de l’enfant ou de sa mère. Toutefois, cela n’affranchit pas et ne responsabilise pas entièrement la mère, puisque, à la moindre occasion, une autorisation paternelle lui sera exigée, même si le père n’assume aucune des obligations», ajoute-t-elle. «L’institutionnel freine les changements» Il y a toutefois, selon les intervenantes, un semblant de changement, ne serait-ce que dans le rapport que les femmes ont à leur grossesse et à leur vie. «Il y a une différence générationnelle entre celles socialisées dans les années 1970, qui étaient en quête de réhabilitation sociale et qui ont fait le deuil du mariage, tandis que les plus jeunes sont dans une logique de reconstruction et de poursuite de leur vie», analyse Mme Rahou. D’autant plus que la société trouve des solutions détournées afin de faire reconnaître l’enfant et l’intégrer à la famille. «Les parents ont changé dans leur relation avec leurs enfants et ils œuvrent, individuellement, à la prise en charge de ces grossesses hors mariage. Mais l’institutionnel freine toutes ces adaptations», estime-t-on. Des solutions qui pourraient être plus aisées si les autorités et la société intégraient la donnée «vie sexuelle hors mariage» comme un «étant» de l’Algérie et permettraient ainsi de se prémunir contre ces situations. «Il n’y a aucune notion d’éducation sexuelle, les femmes célibataires n’ont pas accès à la contraception ou à la contraception d’urgence et l’interruption volontaire de grossesse est illégale. Tout concourt donc à condamner des milliers de femmes, seules responsabilisées et comptables de ces grossesses», dénoncent les intervenantes à cette conférence. 


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