Que deviendrait-on sans les Chinois ? Par Aziz Benyahia



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Pour le bâtiment, nous sommes allés les chercher pour construire nos logements, nos immeubles, nos routes, nos barrages. Nous n’étions pas suffisamment compétents en nombre et en qualité pour le faire nous-mêmes. Nous pensions que dans l’intervalle, nous allions mettre en formation nos architectes, nos ingénieurs et nos ouvriers du bâtiment, pour créer des emplois et économiser des devises. Las. Nos jeunes ont préféré s’orienter vers l’informel, les combines, les activités pas nettes, le gain rapide et le bras d’honneur aux impôts. Faut-il les condamner, les moquer, les excuser ? Rien de tout cela. Ceux qui nous gouvernent ont donné le mauvais exemple en laissant faire la corruption, l’enrichissement foudroyant, bref l’argent facile qui n’oblige pas à passer par la case Etudes et Education. Le reste est sans commentaires.

 

Pour la santé, nous avons cru bon d’appeler dès l’indépendance des médecins bulgares, cubains, indiens et d’autres de pays amis pour combler le déficit du manque de médecins ; le départ des médecins français ayant laissé le pays quasi exsangue. Nos médecins qui ont pris la relève étaient des cadors pour avoir été formés à l’école de la médecine française. On nous les enviait. Ils ont relevé le défi, ont formé des générations de bons médecins. Le reste on connaît. Ils ont été découragés. La relève n’a pas été assurée, la formation a baissé inéluctablement en qualité et en nombre. Aujourd’hui on va en Tunisie pour se soigner les dents et au Maroc pour les yeux, alors qu’à l’indépendance, leurs étudiants venaient se former chez nous.

 

Qu’en est-il aujourd’hui ?

 

La presse nous apprend que nous avons encore eu recours à nos amis Chinois pour soigner dans les régions de l’intérieur, dans un désert médical qui n’attire plus de médecins nationaux qui préfèrent le Nord. Faute donc de médecins algériens ? Pas si sûr, quand on sait que certains hôpitaux français ne peuvent fonctionner sans la présence de médecins algériens. Encore une autre anomalie !

Le 27 novembre 2016 une étude du Conseil National de l’Ordre des Médecins français souligne que plus de 10.000 médecins algériens exercent dans les hôpitaux de France.

Il y aurait donc comme une anomalie, n’est-ce-pas ? L’explication tombe sous le sens. Si nos médecins exercent en France, ce n’est pas pour les salaires qui restent relativement modestes. C’est pour les conditions de travail, les conditions de vie, la reconnaissance de leurs statuts, le respect de leur sacerdoce, l’avenir de leurs enfants et la qualité de vie tout simplement. Là-bas, l’hôpital est un sanctuaire, les malades n’ont pas besoin de piston, les médecins et les infirmiers ne volent pas le matériel, la hiérarchie médicale est respectée et le médecin est protégé dans sa profession, à l’intérieur et à l’extérieur de l’hôpital. Ce qui n’est pas le cas chez nous. Il faut avoir le courage de le dire et de le reconnaître.

 

Nos amis chinois sont donc invités à nous construire nos maisons, à s’occuper de notre santé. Après le corps il restait l’âme. Qu’on se rassure. Il suffit de jeter un œil du côté du chantier de la « Troisième Grande Mosquée du Monde ». Arrêtez-vous un moment en allant faire vos courses du côté d’Ardis. Vous verrez beaucoup d’hommes aux yeux bridés. Ils y sont par milliers. Nous avons été les chercher pour construire la maison de Dieu pour nous aider à sauver nos âmes après avoir accepté de revenir encore une fois pour sauver nos corps.

Des bruits courent que nous allons encore solliciter nos amis chinois pour nous apprendre à produire des clémentines, des oranges, cueillir des olives, labourer la terre et élever des poules pondeuses, et peut-être prendre en main l’organisation du pèlerinage à la Mecque et la Omra parce qu’il semblerait que de ce côté-là aussi il y aurait des problèmes.

 

Que faut-il répondre à nos enfants s’ils nous demandent pourquoi les maçons et les médecins ont les yeux bridés et qu’ils parlent une langue qu’on ne comprend pas ? Faut-il leur mentir encore une fois ? Peut-être que nos responsables et ceux qui nous gouvernent dans l’ensemble, pourraient nous suggérer des réponses auxquelles nous n’aurions pas pensé ? Histoire de ne pas rougir encore une fois de honte et d’éviter de passer pour des ratés ou pour des parents indignes.

 

Aziz Benyahia


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