L’Exécutif de Sellal doit s’expliquer



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Les hommes d’affaires mis en cause aujourd’hui ne pouvaient «agir» et s’emparer des marchés, et ce, souvent dans des conditions contestables, sans le concours, l’appui et le laxisme de l’ancien gouvernement. Fin et suite. Les révélations en cascade sur les conditions d’attribution des grands marchés publics à une poignée d’hommes d’affaires organisée autour du président du Forum des chefs d’entreprise (FCE) Ali Haddad – principal bénéficiaire – posent l’inévitable question de la responsabilité politique. Comment un groupe restreint d’entrepreneurs privés a réussi à faire main basse sur l’économie du pays en un temps aussi rapide ? Comment des projets gigantesques aux coûts élevés sont confiés à un trust structuré essentiellement au sein du FCE. Travaux publics, bâtiment, routes, rails, hydraulique, énergie, infrastructure portuaire, automobile et agriculture. Le tout est financé par les banques publiques. La gestion de l’ancienne équipe gouvernementale est directement mise en cause par Abdelmadjid Tebboune dès le lendemain de sa nomination au palais Docteur Saadane. L’ex-ministre de l’Industrie et des Mines, Abdessalem Bouchouareb, lui aussi est ouvertement accusé par son successeur de «grandes failles dans l’élaboration des cahiers des charges» relatifs notamment aux usines de montage de l’automobile. D’autres départements ministériels sont également impliqués dans l’octroi des marchés dans des conditions douteuses. C’est tout un système opaque qui a été mis en place dans une collusion d’intérêts entre le gouvernement et les hommes d’affaires. «Le gouvernement Sellal a mobilisé les ressources publiques au seul service de quelques hommes d’affaires», accuse un membre de l’actuel Exécutif. Rien ne pouvait être refusé aux influents «investisseurs» du FCE. En tout état de cause, le cinglant réquisitoire de l’actuel Premier ministre interpelle frontalement son prédécesseur. Abdelmalek Sellal, qui a dirigé le gouvernement pendant cinq années, se mure dans un silence assourdissant. Son ministre de l’Industrie, Abdessalem Bouchouareb, lui aussi n’a pas réagi aux lourdes accusations portées contre lui.  S’il est vrai que l’obligation de réserve les empêche de s’exprimer publiquement pour se défendre, il n’en demeure pas moins que l’ampleur des scandales exige une explication. L’opinion publique est en droit de savoir. Si Abdelmadjid Tebboune veut réellement donner du crédit à son action d’«assainissement», il doit réclamer des comptes, car il s’agit de capitaux appartenant à la collectivité nationale qui ont été siphonnés. L’indignation ne suffit pas à elle seule pour réparer les dégâts occasionnés. L’économie nationale en a trop souffert et la crise pèse surtout sur les couches sociales vulnérables, déjà trop accablées. Les accusations portées contre le précédent gouvernement doivent être accompagnées de l’obligation de rendre des comptes. La responsabilité politique de l’ancien Exécutif est totale. Du moins les secteurs directement impliqués dans les affaires mises sur la place publique par le gouvernement. L’Exécutif de Abdelmalek Sellal doit s’expliquer, car les hommes d’affaires mis en cause aujourd’hui ne pouvaient «agir» et s’emparer des marchés, et ce, souvent dans des conditions contestables, sans le concours, l’appui et le laxisme de l’ancien gouvernement et de l’administration centrale. Ces hommes d’affaires sont également mis en demeure de s’expliquer. La brèche ouverte par le n°2 de l’Exécutif dans le mur infranchissable des «affaires» ne peut être vite bouchée. Cette parenthèse ne doit pas être fermée de sitôt. En tout cas pas avant de révéler les tenants et les aboutissants du grand détournement qu’a connu l’économie du pays. Il y va de la crédibilité de l’Etat, dont l’image est sérieusement écornée. M. Tebboune doit avoir le courage de s’affranchir des «interférences et autres interventions» qui peuvent avoir lieu, mais surtout il est tenu de franchir le pas, de passer à l’étape supérieure. Il ne suffit pas de «corriger» et tourner cette nouvelle page sombre dans le registre étoffé des scandales nationaux. L’actuel Premier ministre qui se dit avoir «le soutien du Président et des autres services de l’Etat» a le devoir de mener à terme cette opération de «sauvetage».      


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