Tichy

Entre hier et aujourd’hui, grandeur et décadence



...

Le présent de la station balnéaire donne des peines aux nostalgiques de la Tichy charmeuse, accueillante et paisible d’antan.

Attablés à la terrasse d’un café et scrutant le flot incessant de véhicules qui peinent à rouler dans cet incommensurable embouteillage quasi quotidien qui empoisonne la vie des riverains, Nadjib et Meziane s’engagent à bâtons rompus dans une longue discussion sur le passé, le présent et le devenir de leur ville natale. Nadjib, trentenaire, au tempérament vif, vit au rythme frénétique. Anti-ronron, il aime le bouillonnement de sa ville en été.

Meziane, les tempes grisonnantes, assume sa soixantaine avec philosophie. De retour à Tichy après une éclipse décennale, il peine à reconnaître le village paisible où il faisait bon vivre.

Il égrène avec nostalgie des souvenirs restés vivaces. Une douleur lancinante au creux de l’estomac le fait fulminer, il crie sa véhémence avec un verbe haut et coloré : «Où sont les majestueux platanes ombrageux qui longeaient la route, les cabanons et les coquettes maisons tuilées à dimension humaine qui s’accordaient harmonieusement avec la mer, et les arbres qui formaient une belle et oxygénante ceinture végétale ?

Pourquoi l’indigne saccage du patrimoine forestier n’émeut personne ? C’est de la non-assistance à nature en danger !» Dans un sentiment d’oppression, il lâche, lapidaire : «Nous aurons de l’ombre, mais pas celle vivifiante et fraîche des arbres !»

Nadjib, qui a trop peu de souvenirs de Tichy d’antan, cite pêle-mêle les réalisations qui ont transformé de fond en comble le tissu urbain de la petite bande côtière : l’élargissement de la RN9 pour répondre au flux ininterrompu de véhicules venant des wilayas limitrophes, la construction de centaines d’appartements sur le peu de terrain existant. Ces cités dortoirs tremplins aux maux sociaux multiformes sont annonciatrices de lendemains épineux. Il est vrai que de nombreuses infrastructures hôtelières ont été édifiées et sont venues renforcer le parc déjà existant.

Ses convictions bien chevillées au corps, Meziane ne se laisse pas émouvoir outre mesure par les satisfecit de son compère. Pour lui, les carottes sont bel et bien cuites. Il évoque l’incompétence, l’irresponsabilité et la démission citoyenne pour expliquer l’état peu reluisant dans lequel se trouve sa commune.

Il convoque encore le passé avec son lot de disparus pour clouer au pilori son vis-à-vis : Dda lmouloud goguenard, épicurien dans son établissement, le lido/golf, trônant magistralement sur son étoile de mer où l’on pouvait déguster un excellent rôti, et papa dans l’ambiance gitane de sa taverne, ammi Lhocine n’Smaïl, avec son éternelle canne à pêche, Joudi Allaoua, jamais rassasié de «cochons de mer» même quand sa felouque prend de l’eau, et l’intarissable Marius et sa célèbre «et cette santé !» qui, avec sa campagne Jo, ressemblent à des personnages pittoresques de Pagnol.

Nadjib ne comprenant pas cette envolée lyrique d’outre-tombe de son ami, lui révèle que la plage est bondée de monde en ce mois de juillet, que l’APC déploie de grands efforts pour assurer la propreté des lieux et que tout va pour le mieux. Meziane préfère parler de déferlement humain avec son flot d’incivisme qui laisse des traces : déchets jonchant tous les espaces.

Tichy tend à devenir le rendez-vous des jeunes, l’exutoire de toutes les frustrations. L’espace d’un fugace été, cette frange juvénile avide et bravant les interdits essaie de combler exagérément, maladroitement et parfois violemment, des soifs profondes. De l’avis de tous et c’est remarquable, les jeunes ont supplanté les familles dans la destination Tichy.

Meziane, qui est resté pensif un bon moment plante sa dernière banderille et promet de se taire. «Allez faire un tour au bord de mer pour voir la transformation radicale des comportements et des mœurs, les maillots de bain n’existent plus, hier, c’était la célébration de beaux corps musclés, bronzés, aujourd’hui avec les burkinis et autres machins, la mode est à ‘‘cachez moi ce corps que je ne saurai voir’’». Pour Meziane, Tichy fut ! Quant à Nadjib, Tichy sera à l’image de ses habitants !


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