Hommage

Yemma Gouraya pleure son fils



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Ce texte est la préface inédite du dernier opuscule de Djamel Allam.

 

Pour ce nouvel opus, Djamel nous prend la main pour nous emmener à la découverte de son arbre à miel. Là où est son creuset secret. Là où il met en fusion, avec le talent consommé d’un maître du feu, l’art poétique et le génie musical. Ici, avec les amants du Parnasse, dans cet univers de l’imaginaire, à l’abri du tumulte de la cité et de ses rues bavardes, il nous invite à nous délecter dans des lignes qui parlent, que psalmodient pieusement :

«Fanon, Amrouche, Feraoun

Eux qui avaient appris

A lire dans les ténèbres

Et qui les yeux fermés

N’ont pas cessé d’écrire

Portant à bout de bras

Leurs œuvres et leurs racines»

Il joint sa voix à la leur, et met ses mesures dans les rimes de Kateb Yacine, Aimé Césaire, celles d’Assia Djebar, de Mongo Béti, et beaucoup d’autres qui ont élevé le ton contre ceux qui avaient placé leurs «fauteuils dans le mauvais sens».

L’idée de réunir en un florilège, des poèmes d’auteurs algériens d’expression française, a été murie pendant plusieurs années. Ici, Djamel Allam franchit le pas qu’aucun autre artiste n’avait tenté jusque-là. Il a musicalisé les œuvres les plus marquantes des écrivains parmi les plus flamboyants de notre patrimoine littéraire.

Dans cet exercice de mise en son, l’un des meilleurs mélodistes de la chanson algérienne, qu’il est, s’est appliqué à installer sur le proscenium de sa voix : le poème de combat. Combat pour la liberté, combat pour la vie, pour l’amour, pour le beau. Contre la servitude, contre la haine, la médiocrité, le vulgaire.

Parce que Djamel est comme ça. Il est de ceux qui positivent.

Un jour, pour galéjer, au plus fort des années terribles que l’Algérie a connues dans la décennie 1990 je lui disais :

-Pourquoi ne ferai-tu pas une version actualisée de ta chanson Thella themkant dh gouliw (Il y a une place dans mon cœur), que tu transformerais en «Oulache thamkant dhe gouliw» (il n’y a pas de place dans mon cœur) à l’adresse des intolérants, des rigoristes et des intégristes qui avaient libéré leur abomination contre leur peuple et leur pays. Il me répondit dans un large sourire, ponctué d’un point d’orgue, comme pour mieux réverbérer sa réponse :

– Je ne peux pas. Parce que moi je suis tolérant.

Parce que les poètes ne cultivent pas l’acrimonie et la vengeance, ils ne savent pas le faire. Parce qu’ils fertilisent l’amour et sèment la concorde. Leurs paroles graphiques sont pareilles aux fleurs de pissenlit, aériennes et volages, que le vent emporte et féconde sous d’autres cieux, sur d’autres terres, toujours nouvelles, jamais stériles.

Cette pléiade chamarrée d’auteurs hétérogènes, mêle les écorchures de Z’hor Zerari, les meurtrissures du corps torturé de Bachir Hadj-Ali, la douleur de Djamila Bouhired, l’enfance de Nadia Guendouz, le chant de guerre de Jean-El Mouhoub Amrouche et la passion de Hamid Tibouchi, son pays, qui dit sa Béjaïa natale. Tout comme on rencontrera dans cette agora bien d’autres bâtisseurs d’écrits qui, tous font éclore et s’épanouir, en un torrent versifié, le doux nom de l’Algérie. Le nom, qui jointoie comme les écailles d’une même peau, ces femmes et ces hommes qui entrent déjà dans la légende des poètes.  

 

Par Boukhalfa Amazit

kalafamazit@gmail.com


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