Enquête – Petrofac dans la tourmente, quel impact sur Sonatrach ?



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La principauté de Monaco avait annoncé, au début de l’année 2016, que des dirigeants d’Unaoil avaient été entendus dans le cadre d’une enquête britannique sur une « vaste affaire de corruption aux ramifications internationales mettant en cause de nombreuses sociétés étrangères actives dans le secteur pétrolier ».

L’organisme chargé de lutter contre la délinquance financière au Royaume-Uni, le SFO, a annoncé en mai 2017 avoir élargi une enquête visant la société pétrolière monégasque Unaoil aux activités du groupe britannique d’ingénierie pétrolière Petrofac

Petrofac est une société britannique d’ingénierie, de technologies et de la réalisation de projets dans les domaines du pétrole, du gaz et de la pétrochimie. Le chiffre d’affaires de ce groupe qui emploi plus de 11500 employés dans le monde, a dépassé les 5,8 milliards de Dollars en 2018.

Pourtant, le co-fondateur de cette prestigieuse compagnie pétrolière a été accusé à titre posthume d’avoir participé à un stratagème visant à verser des pots-de-vin de plusieurs millions de dollars pour garantir des contrats.

Maroun Seeman

Les allégations du Serious Fraud Office (SFO), agence du Gouvernement du Royaume- Uni dépendant du ministère de la justice, contre Maroun Semaan, décédé il y a deux ans, ont été révélées dans le cadre d’accusations portées devant un tribunal contre David Lufkin, ancien haut dirigeant de Petrofac.

L’autre cofondateur de la multinationale Petrofac est Ayman Asfari, homme d’affaires britannique d’origine syrienne qui est également un important bailleur de fonds du parti conservateur anglais, auquel il a fait don avec son épouse une somme de près de 800 000 £ depuis 2009.

Aymen Asfari

Actuellement propriétaire et dirigeant de la société, Ayman Asfari a été arrêté et interrogé sous caution en mai 2017 par le SFO avant d’être libéré sans inculpation pour le moment.

Enquête sur un recours à des intermédiaires.

Le SFO avait débuté l’enquête sur Petrofac dans le cadre d’une enquête plus large sur Unaoil, un cabinet de conseil pétrolier et gazier basé à Monaco.

Petrofac a déclaré qu’elle s’attendait à ce que ses cadres supérieurs soient interrogés dans le cadre de cette enquête. Suite à l’enquête, le cours de l’action de la société est passé de 9 £ à 3,47 £. Plus tôt cette année, le cours était remonté, mais il est depuis retombé à 4 £.

Lors de la première poursuite résultant de l’enquête, David Lufkin, l’ancien responsable des ventes de Petrofac, a plaidé coupable de 11 chefs de corruption devant le tribunal de première instance de Westminster, à Londres, le 6 février 2019.

Le Britannique, âgé de 51 ans, a reconnu avoir offert de faire des versements frauduleux pour obtenir des contrats d’une valeur de 3,5 milliards de dollars en Arabie saoudite et de 730 millions de dollars en Iraq.

Les actions de Petrofac ont chuté de plus d’un quart après l’annonce de son plaidoyer.
Le SFO allègue que Semaan était complice de six chefs d’accusation de corruption présumée.

Selon les procureurs, Semaan aurait agi avec Lufkin et d’autres pour offrir des incitations financières aux dirigeants irakiens et saoudiens entre octobre 2011 et février 2013.

Alors que Seeman prenait sa retraite en juillet 2013, Asfari avait déclaré : « Depuis que nous avons cofondé Petrofac International en 1991, le secteur a connu une croissance phénoménale, renforçant ses capacités et élargissant sa portée géographique de sorte que Petrofac ait désormais l’un des plus grands noms mondiaux des services pétroliers. » et «Une grande partie de cette croissance est directement imputable à Maroun, qui, avec son équipe, a continué de défendre l’éthique d’excellence opérationnelle, d’innovation et d’engagement pour les valeurs du groupe.»

En Mai 2017, Le Directeur Général des Opérations du groupement Petrofac, Marwan Chedid, a été suspendu par le conseil d’administration de Petrofac suite à l’enquête du SFO.

L’enquête qui n’est pas encore finie, vise plusieurs autres pays, entreprises et dirigeants de pays étrangers qui selon le SFO semblent impliqués dans un vaste réseau de corruption et de blanchiment d’argent.

Petrofac soutenue par un lobby très influent en Algérie.

En Novembre 2018, la société britannique Petrofac avait signé un contrat d’ingénierie, d’approvisionnement et de construction d’une valeur de 600 millions de dollars avec la compagnie pétrolière Sonatrach pour le développement du champ gazier de Tinrhert.

Il faut toutefois savoir qu’entre Petrofac et Sonatrach, l’idylle dure depuis une vingtaine d’années, au point qu’en2010, les revenus de Petrofac en Algérie représentaient presque 20% du chiffre d’affaires du groupe !

Petrofac est entrée en Algérie, en 2000, dans le cadre du projet de l’Ohanet dans lequel la compagnie portait le titre d’investisseur.

Le 22 juin 2000, la compagnie australienne BHP Billiton a délégué Petrofac pour la réalisation de toutes les installations de l’Ohanet, dans le cadre du contrat à risque pour le développement du gaz dans cette région.

Le montant forfaitaire de cette prestation était de 1 milliard de dollars. Petrofac détenait 10% de l’investissement de ce projet. Le champ de l’Ohanet a été reversé à la Sonatrach, suite à l’expiration du contrat en octobre 2011.

Projet Ohanet

En 2007, l’association Sontrach/BP/Statoil Sonahess a confié à Petrofac, un contrat de 665 millions de dollars, pour la mise en place d’une compression de gaz à Krechba. Le 6 octobre 2008, Petrofac a été sollicitée pour la réalisation d’études pour le développement des gisements de gaz des champs de Tinrhert & l’Ahnet ainsi que ceux de Menzel Ledjmet.

Le coup le plus spectaculaire a été réalisé le 3 mars 2009, lorsque le groupement Berkine (Sonatrach- Anadarko) a confié à Petrofac, la réalisation en EPC des installations de CPF El Merk, pour un montant de 2.3 milliards de dollars.

Le 11 avril 2011, la société In Salah Gas (ISG), une filiale commune entre Sonatrach (35%), BP (33%) et Statoil (32%), a attribué à Petrofac, le contrat de réalisation en Engineering, Procurement and Construction (EPC), acronyme anglais de clés en main, du projet In Salah Gas pour un montant de 1.2 milliard de dollars.

Ce projet de développement des quatre (04) champs du Sud d’In Salah Gas, en vue de maintenir le plateau de production de gaz naturel à 9 milliards de m3/an.

Le 31 juillet 2013, Sonatrach a signé avec le groupement Petrofac, un contrat de réalisation des installations de séparations et de Boosting Entrée Alrar, région de Stah, pour un montant de 52.878.090.785 dinars, équivalent de 650 millions de dollars.

Projet Elrar - Petrofac Bonatti et Sonatrach

Le 11 juin 2014, le groupement Reggane (Sonatrach/Repsol/Rwe Dea Ag/Edison) a attribué à Petrofac le contrat de réalisation des installations pour le projet Reggane Nord (EPC des Installations de Surfaces, Réseaux de Collecte et de Pipeline d’Expédition), pour un montant de 976 millions de dollars.

En 2013, un lobby très puissant avait tenté d’imposer la création d’un Joint-venture entre Sonatrach et Petrofac. Mais la résistance des cadres du groupe pétrolier algérien avait repoussé cette tentative.

Le casse du siècle a été réalisé par Petrofac lors de l’attaque terroriste de Tiguentourine. La compagnie avait bénéficié d’un contrat juste à la veille de l’attaque. Elle a été dédommagée à coup de centaines de millions de dollars pour l’immobilisation de son personnel.

Contactés, les dirigeants de Petrofac ont confirmé leur communication qu’aucune accusation n’avait été retenue contre Petrofac, ni aucun autre dirigeant ou employé. Ils assurent qu’aucun membre, actuel, du conseil d’administration de Petrofac Limited ne serait impliqué dans des infractions commises par leur ancien employé. Petrofac rajoute enfin qu’en l’absence de toute accusation ou preuve crédible, la société a pour politique de soutenir tous ses employés.

Alors que notre correspondant à Londres avait contacté le SFO pour savoir si l’enquête avait été élargie à la Sonatrach, les agents de l’agence anglaise n’ont pas souhaité répondre à cette question, mais semblent toutefois déterminés à aller au bout de leur enquête.

A suivre.


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