Ce que le Maroc trame pendant que l’Algérie s’affaire à changer de régime



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Par Tarek B. – Au moment où l’Algérie traverse une situation politique interne tout à fait particulière, le Maroc semble vouloir saisir les évolutions en cours pour étendre son influence dans l’équation régionale et faire avancer, par la même occasion, ses thèses colonialistes au Sahara Occidental. Eclairage.

Jamais au cours de la récente période, l’appareil diplomatique du voisin marocain n’a semblé aussi emballé sur plusieurs fronts. S’il est vrai que l’échéance onusienne du mois d’avril y est grandement pour quelque chose, renouvellement du mandat de la Minurso oblige, force est de relever que cet activisme inhabituel semble voir dans la séquence interne délicate que connaît l’Algérie une fenêtre d’opportunité inédite pour reprendre des galons sur un échiquier régional longtemps perçu comme inaccessible à ses ambitions, du fait du rôle prépondérant de l’éternel voisin mais non moins «rival de l’Est» dans les processus régionaux.

C’est sous cet angle que doivent être interprétées les différentes initiatives marocaines visant à se frayer un rôle dans les dossiers libyen et sahélien, malgré le handicap de la géographie et de l’influence. Dans cette entreprise, toutes les démarches, même symboliques, semblent bonnes à entreprendre, à commencer par le repositionnement en Libye, où le Maroc saisit le regain de violence à Tripoli pour se présenter, assez prétentieusement, comme une courroie de transmission des requêtes du gouvernement d’entente nationale à qui de droit. Agissant en qualité de sous-traitant de son protecteur français, qui a pris fait et cause pour le maréchal autoproclamé Khalifa Haftar – tout comme l’administration Trump – dans la conduite de l’offensive militaire contre Tripoli, le Maroc ne cesse d’agiter le papier de Skhirat, alors que les Libyens savent parfaitement que, compte tenu de sa collusion avec Paris qui a bel et bien choisi son camp malgré ses dénégations puériles, la diplomatie marocaine ne peut guère être crédible.

L’autre initiative qui consiste à «réanimer» la Communauté des Etats sahélo-sahariens (CEN-SAD), tombée en désuétude depuis la disparition de son fondateur, Mouammar Kadhafi, s’inscrit également dans ce cadre. Même si la promesse faite en 2013 d’abriter un sommet de cette organisation au Maroc ne s’est toujours pas concrétisée, le royaume chérifien compte toujours imprimer son agenda à cette organisation. Il vient d’ailleurs d’obtenir un poste de secrétaire exécutif-adjoint, à l’occasion du dernier sommet à N’Djamena le 15 avril 2019. Il y a, également, les différentes actions marocaines visant à acquérir un poids géostratégique au Sahel, faites d’initiatives correspondant à ses moyens limités, à l’image du champ spirituel de Paris sur des enceintes à la plus-value douteuse, comme le G5 Sahel, ou bien d’un double-jeu in situ qui a déjà fait couler beaucoup d’encre.

Plus offensive est encore l’actuelle démarche du Makhzen au sujet du Sahara Occidental. A l’approche du renouvellement du mandat de la Minurso, le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, tente non pas de «fidéliser» ses alliés traditionnels – ce qui passe par le rappel de son rôle sécuritaire à ses partenaires, voire même à travers l’annonce d’une contribution financière pour la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris (un comble pour un pays occupant le bas du classement en matière d’IDH) – mais d’élargir le champ des sollicitations à de nouveaux partenaires.

Les récentes interviews accordées par le chef de la diplomatie marocaine à des médias russe et sud-africain sont révélateurs de cette orientation, dictée par la crainte du vote, au sein du Conseil de sécurité de l’ONU au niveau duquel siègent les deux pays courtisés, d’une résolution défavorable à ses thèses. L’inconsistante criarde des arguments développés dans ces entretiens est révélatrice de la profondeur des enjeux pour le Maroc. C’est peu dire que d’affirmer que des finasseries prétextant l’«éloignement géographique» d’une crise pour ne pas s’y intéresser sont à l’antipode de convaincre, surtout lorsque le défi posé par le ministre marocain de trouver des «résolutions onusiennes qui qualifient la présence du Maroc au Sahara comme une occupation» relève du jeu d’enfant – deux résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies A/RES/34/37 du 21 novembre 1979 et A/RES/35/19 du 11 novembre 1980 qualifient expressément la présence marocaine au Sahara Occidental d’«occupation» – et que l’argument selon lequel il ne serait pas possible de comparer le cas sahraoui avec d’autres situations de colonisation n’a aucune consistance. Et il n’y a qu’à consulter la longue liste des citoyens sahraouis, brimés, agressés, torturés et embastillés pour délit politique, pour réaliser que les Palestiniens subissent exactement les mêmes exactions de la part de l’occupant israélien.

Quant à l’appel à une «neutralité» invoquée par le chef de la diplomatie de Mohammed VI dans ces interviews, celui-ci cache une frustration découlant du fait qu’aucun Etat au monde ne reconnaît la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental, pas même son plus fidèle allié français pourtant habitué aux manœuvres dilatoires au sein du Conseil de sécurité de l’ONU, en particulier lorsqu’il s’agit de ménager son vassal maghrébin sur la question des droits de l’Homme – objet de préoccupations particulières de la part du secrétaire général de l’ONU dans son rapport du 1er avril 2019, demandant un monitoring indépendant et global et repris dans le premier projet de résolution circulé par la représentation américaine – et sur la question de la semestrialité du mandat de la Minurso.

Une périodicité courte et contraignante, synonyme d’épée de Damoclès qui pèse sur le Makhzen et que les Etats-Unis ont voulue comme catalyseur pour accélérer le processus de décolonisation du Sahara Occidental et que ni l’intransigeance marocaine qui essaye de vendre un faux «compromis» à travers son «offre d’autonomie», ni les résultats des deux tables rondes organisées à Genève et, encore moins, les manipulations sémantiques marocaines autour de son format – pourtant clairement défini dans les différents rapports onusiens : 2 parties + 2 voisins – ne peuvent et ne doivent justifier son abandon. Surtout que l’objectif inavoué d’une telle manœuvre réside dans les craintes que suscite l’activisme de l’envoyé personnel, Horst Köhler, dont l’ambition de parvenir à un règlement conforme à la doctrine et au droit onusiens inquiète profondément Rabat, d’autant que les efforts de l’émissaire onusien bénéficient d’un très large soutien au sein de la communauté internationale.

T. B.


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