Au lendemain de l’arrestation de Saïd Bouteflika, Toufik et Tartag.. Le Hirak continue



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L’on est loin de la fin du mouvement du 22 février, ou d’une réponse définitive aux revendications du peuple.

Au lendemain de l’arrestation des trois puissants hommes de l’ancien régime, à savoir Saïd Bouteflika, frère cadet de l’ex-Président Bouteflika, les généraux Athmane Tartag, dit Bachir et Mohamed Mediene, alias Toufik, respectivement ex-coordinateur de la Direction des services de sécurité (DSS) et ex-patron du DRS (Département du renseignement et de la sécurité), rien ne semble changer pour le Hirak. La sotie des étudiants, hier dans la capitale, pour revendiquer le changement radical du système, est la preuve que ces arrestations, bien qu’elles soient spectaculaires, ne sont pas de nature à pousser les algériens à rentrer chez eux. L’on est loin de la fin du mouvement du 22 février, ou d’une réponse définitive aux revendications du peuple. Certes, au 11e vendredi des manifestations, les citoyens ont réclamé, à travers certaines banderoles et pancartes, la tête de ce qui est désormais désigné comme étant «la bande» (la Issaba), en l’occurrence Saïd Bouteflika. Mais, force est d’admettre que cela ne suffit pas.
En attendant ce qui adviendra de ces trois personnes, interpellées et mises sous mandat de dépôt, la campagne qui a mis en prison et emmené devant la justice des hommes d’affaires, ainsi que l’ancien Premier ministre, Ahmed Ouyahia, et l’ex-patron de la police, Abdelghani Hamel, pose des interrogations sur les intensions de l’état-major de l’armée dans la lutte contre la corruption. Et pour cause, d’abord le flou qui entoure ce qu’a qualifié hier le journal gouvernemental El Moudjahid, d’«opération Mains propres», et puis le maintien en parallèle de la voie constitutionnelle comme seule issue à la crise que traverse le pays. À partir de là, les algériens se demandent si le chef d’état-major de l’ANP, Ahmed Gaïd Salah, «ne serait-il pas en train de jouer à un double jeu !». Ils l’ont d’ailleurs exprimé ouvertement lors des marches du vendredi 3 mai, avec des slogans interpellant l’homme fort de l’armée à «éclaircir sa position». Certains sont même allés jusqu’à se demander : «Gaïd, es-tu contre la bande ou protecteur de la bande ?».
En procédant à l’interpellation de ces «têtes» que Gaïd Salah avait accusées dans l’une de ses interventions, d’avoir comploté contre l’armée et le mouvement populaire, le pouvoir réel croit peut-être avoir répondu aux demandes du peuple. Ce n’est pas le cas, car la principale revendication, à savoir le départ du régime en place avec ses symboles, est maintenue. Les algériens, qui promettent de continuer à manifester durant le mois de Ramadhan, vont surprendre quiconque qui aurait misé sur l’essoufflement du mouvement. Tant que les figures de l’ancien régime de Bouteflika sont encore en poste, Abdelkader Bensalah comme chef de l’Etat et Noureddine Bedoui comme Premier ministre, et tant que la voie constitutionnelle à travers les élections présidentielles fixées au 4 juillet est maintenue, on ne peut parler d’avancée. Ce qui est revendiqué, c’est un processus politique qui réhabilite la souveraineté du peuple, à travers une période de transition confiée à des personnalités intègres, avec un gouvernement d’union.
Diversion
Jusqu’à présent, hélas, aucun élément ne plaide pour cette voie pourtant soutenue par tous. L’ancien chef de gouvernement, Mouloud Hamrouche, a dans une contribution, estimé hier que «la Constitution ne recèle aucun instrument ni aucune mécanique de solution de crises ou de conflits». Constatant que «le peuple et l’armée sont seuls», Hamrouche a conseillé qu’«il ne faut pas qu’ils se tournent le dos ni se trouvent face à face», et que «l’armée ne peut aller contre les aspirations du peuple». Ces aspirations, le peuple les a bien définies depuis le début du Hirak. Des aspirations de démocratie, de liberté, de droits de l’Homme, de justice sociale, de gestion transparente, d’indépendance de l’appareil judiciaire, etc.Excepté ces objectifs ô combien fondamentaux, pour l’instauration d’une nouvelle république, tout ce qui est présenté comme «réponses» au Hirak n’est en fin de compte que comédie, diversion, sinon tentative de gagner du temps, pour sauver ce qui reste du régime. Même s’il s’agissait de l’arrestation de Saïd Bouteflika, de Toufik et de Tartag…
Aïssa Moussi


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