Union africaine

comment le Maroc cherche à instrumentaliser une retraite du CPS



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Par Tarek B. – En convoquant la 12e retraite du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine (UA), qu’il abrite du 24 au 26 juin à Skhirat, le Maroc orchestre, sans état d’âme, sa conspiration préméditée contre un organe majeur de l’Union africaine, et plus particulièrement contre la personne du commissaire à la paix et à la sécurité, Smail Chergui, dont la nationalité algérienne suffit à donner l’urticaire au ministre Bourita et aux membres de son appareil diplomatique.

Ce pays tente désespérément de mettre à profit cette retraite, somme toute régulière et banale, du CPS pour faire la promotion d’un soi-disant projet de réforme de cet organe qui cache mal le dessein inavoué de le décrédibiliser, alors que cet organe est réputé pour être le fleuron d’actions panafricaines probantes et efficaces, sous la houlette d’un commissaire reconnu pour son engagement dévoué en faveur du rétablissement de la stabilité et de la sécurité à travers le continent, particulièrement dans les zones de tension. En total déphasage avec cette réalité et occultant le fait que le thème de la retraite n’est pas la réforme du CPS mais la prévention, la gestion et le règlement des conflits en Afrique, y compris la reconstruction post-conflits, le Maroc officiel, par la voix de son ministre délégué chargé de la Coopération africaine, Mohcine Jazouli, estime que «la réforme du CPS doit être guidée par des paramètres fondamentaux qui doivent se baser sur l’impératif de la restitution du CPS à l’appropriation de ses Etats membres».

Il faudrait interpréter en filigrane ces propos à la lumière des intentions marocaines, clairement affichées depuis sa décision d’adhérer à l’Union africaine, en janvier 2017, d’amoindrir le rôle de cet organe stratégique, qui plus est présidé par un Algérien, dans la seule optique de se prémunir de son rôle actif en matière de décolonisation, sujet auquel le Maroc ne peut être insensible puisqu’il est le seul détenteur du statut de colonisateur dans le continent noir, par son occupation du territoire du Sahara Occidental.

C’est pour cette raison d’ailleurs que le ministre chargé de la Coopération africaine, Jazouli, a demandé, lors de l’ouverture des travaux de cette retraite, de clarifier la relation entre la Commission de l’UA et le CPS afin, selon lui, d’apporter une «précision nécessaire sur le rôle de la Commission, en étant au service des Etats membres du CPS et permettre ainsi d’éviter toute confusion ou équivoque inutile». Cette proposition saugrenue vise clairement à exclure l’UA et ses organes de tout rôle politique dans le processus de décolonisation du Sahara Occidental, sous l’excuse fallacieuse d’une compétence exclusive des instances onusiennes compétentes. Un argument qui se heurte à la double incohérence que le Maroc n’a jamais contesté un quelconque rôle à l’UA dans la résolution des autres crises et différends dans le continent mais aussi, et surtout, par le fait qu’il avait lui-même accepté cette médiation africaine en 1980 avant de se retirer de l’OUA en 1984.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le Maroc est le seul pays, parmi les 55 Etats membres de l’UA, à proposer cette trompeuse et insistante réforme du CPS, érigée en seul élément de langage de sa diplomatie depuis son élection au sein de cet organe, en marge du 30e Sommet de l’UA en janvier 2018, alors même que d’autres questions plus cruciales sont à l’ordre du jour, notamment pour la mise en œuvre du Protocole du CPS. D’ailleurs, des sources bien au fait du dossier soulignent qu’il se dégage une unanimité des membres du CPS, au cours même de la réunion de Skhirat, pour dire que le Protocole instituant cet organe est complet et n’a pas besoin de refonte mais a plutôt besoin d’une réflexion mûrie pour réussir sa mise en œuvre optimale.

Si cette retraite de Skhirat ne restera pas dans les annales du panafricanisme, force est de relever qu’elle matérialise les craintes déjà suscitées depuis l’adhésion du Maroc à l’UA sur les intentions de ce pays, qui, à défaut de parvenir à exclure la RASD, continuera son œuvre destructrice visant à déconstruire un joyau de cette organisation continentale au nom de ses ambitions et de sa nature expansionniste.

T. B.


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