Une Achoura flamboyante au 29e mardi des étudiants

Comme un air de «vendredi-bis» pour un soulèvement anti-élections



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Alger, 10 septembre. 29e marche des étudiants. Cela tombe en pleine Achoura et c’est une aubaine pour la jeunesse des campus qui se voit ainsi soutenue massivement, bien plus que tous les mardis précédents, par les autres franges de la population.

Le fait que ce soit jour férié aura, en effet, permis à des milliers de citoyens de se joindre aux étudiants dans leur marche hebdomadaire, donnant aux manifs d’hier des airs de «vendredi-bis». Une véritable démonstration de force citoyenne qui a drainé toutes les catégories sociales : étudiants, enseignants, fonctionnaires, cadres, chômeurs, handicapés, personnes âgées, beaucoup d’enfants aussi.

Dès 10h, la place des Martys grouillait de monde. Pour la première fois, le débat organisé habituellement à l’initiative du Hirak Ettolabi ne s’est pas tenu.

Des voix entonnent : «Makache el vote maâ el issabate» (pas de vote avec les gangs), «En’nehou el issaba maâ ettalaba» (on chassera la bande avec les étudiants). Deux étudiantes qui sont là tous les mardis peaufinent leur pancarte qui donnera ce message percutant : «Cher gouvernement, cher Parlement, vous êtes des intrus dans ce pays, donc je vous prie de prendre vos cliques et vos claques et de dégager de notre Algérie.»

10h35. Une foule immense se met à battre le pavé sous un ciel couvert en scandant : «Les généraux à la poubelle, we Dzaïr teddi l’istiqlal !» (Les généraux à la poubelle et l’Algérie accèdera à l’indépendance), «Asmaâ ya El Gaïd, dawla madania, asmaâ ya El Gaïd, machi askaria» (Ecoute Gaïd Salah, Etat civil, pas militaire), «Wallah ma n’voti, hatta tarahlou» (Je ne voterai pas jusqu’à ce que vous partiez)… Il y avait aussi ce chant sarcastique : «Intikhabate ghir enssahoum, Gaïd Salah dezz maâhoum !» (Oublie les élections, Gaïd Salah !)…

«Le peuple s’est transformé»

On le voit d’emblée : le rejet des élections est très clair au lendemain du Conseil des ministres, dont l’objet était la création au plus vite de l’autorité «indépendante» d’organisation des élections et l’amendement du code électoral. Des mesures qui visent manifestement la tenue «dans les plus brefs délais», selon les instructions d’AGS, du scrutin présidentiel.

Sur les pancartes brandies, la réponse est unanime : «Message du hirak à l’autorité du fait accompli : il n’y aura pas d’élection avec des appareils corrompus» ; «Des élections sans garanties dans les conditions actuelles : un suicide», «L’Algérie est une République populaire, pas une caserne militaire.»

Une manifestante résume : «Pas d’élection, que vous le vouliez ou non». Une dame a écrit : «Rappel : ni idéologiques, ni régionales, ni catégorielles, ni sociales, nos revendications sont politiques : la chute du pouvoir des gangs.» Un citoyen reprend les mots-clés du mouvement populaire : «Non à la fraude, liberté-indépendance, libérez les otages, silmiya civilisée, non à la violence, Magharibia chaîne du peuple, vive l’Algérie.»

Un marcheur défile avec ce message : «Il nous demande deux fois par semaine de rester dans la Constitution et il a oublié que la convocation du corps électoral par le chef d’état-major est en soi une violation de la Constitution.» Un autre proclame : «La volonté du peuple est au-dessus de la Constitution.» Un jeune s’interroge malicieusement : «Ma voix n’arrive pas à la télévision, comment arrivera-t-elle aux urnes ?» Une étudiante constate avec humour : «Le problème est que ceux qui sont chargés de régler le problème du pays sont eux-mêmes le problème.»

Nous le disions : beaucoup ont profité de ce jour férié pour rejoindre les étudiants. Parmi eux Amirouche, 45 ans, fonctionnaire. Il est venu avec son fils de 7 ans. «J’ai profité de l’Achoura pour participer à la manif’. C’est primordial, la poursuite des manifestations. C’est notre seule ‘arme’. Nous n’avons que notre ‘silmiya’», insiste Amirouche. S’agissant des élections, le jeune fonctionnaire estime que les décideurs «ne peuvent pas les tenir tant que le hirak persiste. Ils y tiennent, c’est sûr, ils peuvent même aller loin, opérer d’autres arrestations, mais le système croit à la fonction du nombre. Quand il y a le nombre, ils ne peuvent rien faire. Le nombre fait la force. Aujourd’hui, la donne a changé, le peuple s’est transformé. Il y a des millions de personnes dans la rue. La force est en faveur du peuple, il faut en profiter, il ne faut pas lâcher.» Amirouche croit fermement à un remake du 4 juillet. «Avec la pression du peuple, il n’y aura aucune élection», tranche-t-il.

«Y en a marre du discours des casernes»

En traversant la rue Bab Azzoun, la marée humaine scande à tout rompre : «Makache el vote wallah ma eddirou, Bedoui we Bensalah lazem itirou. W’idha b’erressas hebbitou ettirou, Wallah marana habssine !» (Pas de vote, vous ne le ferez pas, Bedoui et Bensalah doivent partir. Même si vous deviez nous tirer dessus, par Dieu rien ne nous arrêtera). La foule répète aussi : «Barakat, barakat, min khitab ethakanate» (Y en marre du discours des casernes), «Had echaâb la yourid, houkm el askar min djadid» (Ce peuple ne veut pas d’un nouveau régime militaire), «Makache intikhabate ya el issabate», «Gaïd Salah-Bensalah tarahlou !» (Gaïd Salah, Bensalah, vous partez ). A l’approche du TNA, un imposant dispositif policier attend les manifestants.

L’accès à la rue Abane Ramdane est condamné à grand renfort de camions de la police, pour empêcher la foule d’atteindre le tribunal de Sidi M’hamed. En passant devant le siège du panel, à la rue Larbi Ben M’hidi, les clameurs redoublent d’intensité : «Les généraux à la poubelle, we Dzaïr teddi l’istiqlal» ; «Makache intikhabate ya el issabate», «Pouvoir assassin !» ; «Karim Younès à la poubelle !»…

Des citoyens arborent chacun un carton rose sur lequel est écrit «Dégage !». Scène attendrissante : un jeune homme qui donne toujours de la voix, un mégaphone à la main, défile avec son fils, qui doit avoir dans les 6 ans, et le petit garçon aussi parade avec un petit mégaphone à la main et harangue la foule, porté sur les épaules de son père. Juste à côté, un autre manifestant hisse lui aussi son fils sur ses épaules. Le papa brandit cette pancarte : «Commission de dialogue, commission de la honte», et son fils soulève un écriteau avec ces mots : «Merci aux étudiants, vous nous avez libérés».

«Le hirak, devoir national !»

Après s’être attardé devant l’immeuble l’Historial qui abrite le panel, le cortège poursuit sa marche.

Les ruelles latérales sont toutes obstruées par des cordons de police. Le dispositif est renforcé au seuil de la rue qui jouxte la librairie du Tiers-Monde, et que les manifestants avaient empruntée mardi dernier pour foncer sur l’APN. En passant devant ces cordons de police, les marcheurs s’en prennent avec véhémence aux éléments des forces de l’ordre en criant : «Entouma âssou alihoum wahnaya en’nahouhoum» (Vous, protégez-les, et nous, on les chassera). On pouvait entendre aussi : «Ya lil âre, assima tahta el hissar !» (Quelle honte ! La capitale en état de siège). Les médias sont à leur tour rageusement conspués : «Sahafate echiyatine, lehhassine rangers» (presse lèche-bottes). A proximité du Milk Bar, la foule s’écrie : «Djoumhouria, machi caserna» (Une République, pas une caserne).

Quelques pas plus loin, nous croisons Mustapha Bouchachi emporté par la crue humaine. La procession enchaîne sur l’avenue Pasteur. Une partie du cortège descend le boulevard Khemisti avant de prendre le boulevard Amirouche, mais le gros des manifestants reste sur Pasteur, puis bifurque vers la Fac centrale par la rue du 19 mai 1956. Le cortège descend la rue Sergent Addoun, traverse le boulevard Amirouche, remonte par Mustapha Ferroukhi avant d’arriver à Audin. Devant les arrêts de bus, les étudiants répètent : «El hirak, wadjeb watani !» (Le hirak, devoir national).

La manif se poursuit dans une ambiance folle, encadrée par une haie d’éléments des forces antiémeute. Un long drapeau, composé de plusieurs emblèmes collés les uns aux autres, est déployé tout au long de la rue Abdelkrim Khettabi. Des manifestants exaltés chantent une version algérianisée de Bella Ciao. Un étudiant parade avec ce slogan poétique : «L’optimisme est la foi des révolutions». Sur l’autre face de sa pancarte, il ajoute : «Je suis de retour, la révolution est mon asile». Dont acte !


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