L’immense fortune et les privilèges en milliards pour Ali Haddad

tout le monde savait et plusieurs dirigeants complices sont encore en liberté



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Au mois de juin 2019, Algérie Part avait révélé en exclusivité l’ampleur incroyable des crédits bancaires accordés généreusement par les banques étatiques algériennes à Ali Haddad, la deuxième fortune du pays et patron du groupe ETRHB. Algérie Part avait découvert au cours de ses investigations que les engagements des entreprises d’Ali Haddad au niveau des Agences de la Banque Nationale d’Algérie (BNA) dépassent l’imaginaire. En effet, jusqu’au 31-12-2018, le montant des crédits autorisés par la BNA au profit d’Ali Haddad et de ses entreprises ont atteint les 42 milliards de DA, soit l’équivalent de 400 millions de dollars. Mais Ali Haddad avait obtenu de nouveaux crédits bancaires jusqu’à la même date auprès des autres banques algériennes notamment publiques comme le CPA, BDL, BEA ou BADR. Selon les documents consultés par nos soins, ces crédits bancaires contractés auprès des autres banques algériennes atteignent les 52 milliards de DA, soit l’équivalent de 500 millions de dollars.

La totalité des crédits bancaires autorisés par les banques étatiques algériennes au profit d’Ali Haddad et de ses entreprises comme l’ETRHB est évaluée à 94 milliards de Da, soit l’équivalent de 900 millions de dollars ! A cette époque-là, les services de sécurité n’avaient toujours pas avancé dans leurs investigations dans ce dossier épineux des crédits bancaires débloqués au profit des milliardaires algériens alliés du régime Bouteflika. Il aura fallu attendre ce lundi 27 janvier 2020 pour que le quotidien francophone El Watan aborde ce dossier et confirme clairement les révélations faites par Algérie Part 6 mois auparavant.

El Watan a appuyé nos révélations et apporte de nouveaux éléments concernant l’enquête des services de sécurité sur l’immense fortune de Haddad et les facilités bancaires dont il avait bénéficié. Ainsi, on nous apprend que le groupe ETRHB a bénéficié de 124 marchés publics (dont la plus grande partie entre 2012 et 2018), d’un montant de 78 410 milliards de centimes. Le secteur des travaux publics occupe la première position avec 99 marchés, pour une enveloppe de 56 430 milliards de centimes, suivi de l’hydraulique avec 23 marchés d’un montant de 21 719 milliards de centimes, puis de l’énergie et des mines avec 2 marchés de plus de 261 milliards de centimes. Pour les enquêteurs, le statut de privilégié accordé à Ali Haddad n’a été possible que grâce à sa relation assez solide avec Saïd Bouteflika, frère du Président déchu. Un statut qui va lui permettre de bénéficier de 452 crédits auprès des banques, pour un montant de 211 000 milliards de centimes, dont 167 000 milliards de centimes, soit 83%, ont été accordés par des banques publiques, à leur tête le CPA (Crédit populaire d’Algérie), avec 73 000 milliards de centimes, soit 43% des montants prêtés.

Les chiffres sont, certes, astronomiques et font très mal au coeur. Mais cette réalité n’était un secret pour personne. Le nouveau Président Abdelmadjid Tebboune connaissait parfaitement cette situation catastrophique lui qui était ministre dans le pouvoir de Bouteflika pendant de longues années. Le défunt Chef d’Etat-Major de l’ANP, Ahmed Gaid Salah, connaissait lui-aussi parfaitement le coût financier énorme des privilèges accordés par le régime Bouteflika à Ali Haddad comme aux autres oligarques algériens. Mais durant de longues années, personne n’avait voulu bouger le petit doigt pour dire non à ce vol caractérisé des richesses nationales et de l’argent public. Il aura fallu que le Hirak éclate le 22 février 2019 pour que le pouvoir algérien se fissure et l’institution militaire se réveille de sa torpeur.

Ceci dit, si Ali Haddad est en prison, plusieurs de ses alliés et anciens partenaires au sein du pouvoir algérien ne sont pas inquiétés. A titre d’exemple, l’ancien Wali d’Alger, Abdelkader Zouk avait accordé à Ali Haddad de nombreuses assiettes foncières dans des conditions troublantes à Alger. Le milliardaire Ali Haddad obtient 9 terrains, tous octroyés par l’ex-wali, Abdelkader Zoukh, dans les communes de Bab Ezzouar, Bir Mourad Raïs et Dar El Beïda. Six d’entre eux ont une superficie de 41 502 m2, octroyés dans le cadre de l’Agerfa et le Calpiref. Abdelkader Zoukh a été convoqué à maintes reprises par la Cour Suprême et le tribunal de Sidi M’hamed. Il ressort toujours libre et demeure seulement sous contrôle judiciaire alors que pour beaucoup moins que ça, d’autres hauts responsables de l’Etat ont été placés en détention provisoire à la prison d’El-Harrach.

L’ancien ministre de l’Agriculture Abdelkader Bouazghi est un autre acteur oublié des scandales d’Ali Haddad. C’est ancien ministre qui va attribuer un terrain agricole à Ali Haddad d’une superficie de 50 000 ha à El-Bayahd. Officiellement, cette immense surface agricole devait servir pour abriter l’élevage de 200 000 vaches. Il s’avère que ce projet n’a jamais vu le jour et Ali Haddad n’a jamais exploité comme il se doit ce foncier agricole qui fait la taille d’un petit pays européen ! Abdelkader Bouazghi a été lui aussi épargné et oublié par les magistrats en charge des dossiers d’Ali Haddad.  

Les résultats de l’enquête menée en ce moment par les services de sécurité et la justice algérienne sur les marchés obtenus par Ali Haddad a montré également que de nombreux contrats stratégiques pour l’ETRHB ont été signés entre 2012 et 2014, et ce malgré l’austérité imposée par le gouvernement en raison de la baisse des revenus pétroliers, ces mêmes contrats ont connu. Il s’avère que durant cette période, l’homme qui dirigeait le secteur des Travaux Publics au gouvernement algérien était un certain… Farouk Chiali qui avait succédé à Amar Ghoul au ministère des travaux publics au mois de septembre 2013. Certains proches de ce ministre racontent, au contraire, que Farouk Chiali aurait tenté de contenir l’influence d’Ali Haddad sur le secteur des Travaux Publics. Mais cette résistance n’a pas pu durer longtemps. Quoi qu’il en soit, Farouk Chiali a été l’un des témoins de l’ascension immorale d’Ali Haddad. Au lieu d’être convoqué par la Justice algérienne, le Président Tebboune le rappelle en janvier dernier comme ministre  des Travaux Publics.  

Plusieurs autres anciens walis, directeurs de wilayas ou dirigeants militaires et civils ont été épargnés par la lutte contre la corruption. De simples omissions ou s’agit-il d’une impunité que le pouvoir algérien veut offrir à ces dirigeants dont il a toujours besoin pour exécuter certaines missions ?

 


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