HIRAK

quo vadis ?



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Une année après, quel bilan et, surtout quelles perspectives pour le Hirak ? Apparu spontanément, comme un immense cri du cœur sorti des entrailles de ce peuple qui subissait passivement le cycle ravageur des mandats présidentiels à répétition, le Hirak restera comme le moment fort de notre histoire de ce début du XXIe siècle. Il a surgi sans préparation, ni plan d'action, loin des partis, de la société civile et de tout ce que le pays compte comme forces politiques et sociales éclairées. Le mouvement du 22 février est une réaction fondamentalement populaire ; il s'inscrit dans la lignée des révoltes pacifiques portées par le mouvement citoyen en Kabylie et dans d'autres régions du pays. Il fallait faire confiance au génie populaire : le Hirak opta pour le pacifisme et refusa de se laisser aller aux confrontations avec les forces de l'ordre et autres formes de violence aux retombées toujours négatives. Il rejeta d'emblée les mots d'ordre à caractère politique et limita ses revendications à un seul objectif : le refus du cinquième mandat ! Clair, net et précis. Rappelons-nous : les chasseurs de voix ou les groupuscules partisans, notamment ceux qui reviennent avec des slogans qui rappellent l'ère sombre du FIS, sont chassés des marches (mais ça, c'était avant ! Maintenant, ils sont là). Le peuple réalisait que les partis tentaient de profiter de l'aubaine pour une réhabilitation qui n'était nullement au programme des marches, comme il redoutait que les rivalités partisanes ne divisent le Hirak. 
Une année après, ne faut-il pas aussi, et le plus objectivement du monde, relever le rôle positif de l'armée dans l'accompagnement du Hirak ? Et même si nous n'avons pas été toujours d'accord sur tout, nous réaffirmons avec fierté que l'ANP n'a pas failli à sa mission républicaine. Beaucoup de pêcheurs en eau trouble l'attendaient au tournant et voulaient la piéger en lui suggérant de prendre en main les affaires d'une manière directe. Cela aurait suffi pour déclencher les interventions étrangères alors que l'exemple soudanais, qui envoyait des signaux rouges en parallèle, nous indiquait clairement les dangers mortels de cette voie. L'intelligence de l'armée fut de diriger cette phase délicate sans s'exposer. Il n'est pas coutumier d'entendre dire que, dans tel pays où le peuple est sorti 52 fois par an, et parfois dans une atmosphère électrique, aucune balle n'a été dirigée vers les manifestants ! Il ne faut pas en faire une banalité. Par contre et nous l'avions critiquée en soulignant son caractère contreproductif, la vague d'arrestations qui toucha le mouvement populaire fut une fausse note qui alimente toujours le débat public car beaucoup de têtes d'affiche continuent de croupir en prison. Un mauvais calcul, une précipitation, un signe d'énervement ? Certainement que l'urgence et la nécessité de l’élection présidentielle, vue par les décideurs comme la solution idoine au flou constitutionnel, ont eu pour effet de précipiter le recours à ces méthodes d'un autre âge. Mais nous ne pouvions, en aucune manière, les tolérer ! Et nous le disions en tant qu'amis de l'armée, car nous savions que ses ennemis allaient exploiter ces excès pour soulever la colère populaire, ignorant que le peuple avait non seulement compris la démarche de l'ANP, mais aussi et surtout exprimé son soutien et sa solidarité aux forces armées dès les premiers jours. 
Le Hirak peut se targuer d'avoir récolté une belle moisson d'acquis qui marquent nettement le  début d'un changement positif dans les mœurs de la République. Avec l'aide de l'armée, le peuple a d'abord réussi à mettre un terme à l'aventure du cinquième mandat en chassant le «Président à vie». L'autre grande victoire qu'il ne faut pas minimiser fut la mise hors d'état de nuire de l'oligarchie prédatrice. Ce ne fut pas une mince affaire et notre peuple peut être fier de cette véritable révolution à nulle autre pareille. Et même s'il reste quelques poches de résistance et des noms décriés par l'opinion et encore libres, la victoire populaire sur l'oligarchie est une voie nouvelle dans la révolution des peuples en ce XXIe siècle imprégné par l'hégémonie des forces de l'argent.
Alors que les prétendues révolutions d'un faux printemps arabe dirigé de l'extérieur n'ont apporté que ruines et désolation quand elles n'ont pas installé des régimes intégristes, le mouvement populaire algérien s'est distingué par une approche progressiste qui,  une fois la principale revendication satisfaite, s'est alimentée de nouvelles exigences républicaines. Bien que n'ayant pas tranché sur les orientations politiques, le Hirak a mis au premier rang de ses préoccupations la moralisation de la vie politique. Et il a réussi à éliminer les principales forces de l'argent sale. Avec l'appui de l'armée et de la justice, les grands noms de l'oligarchie prédatrice, ces symboles du vol organisé et de la corruption, ont été réduits au silence ! Aucun autre pays de notre environnement Nord et Sud, aucune autre révolution pacifique d'ici et d'ailleurs, n'ont pu déjouer le sinistre complot de la prise du pouvoir par les forces de l'argent. Cela est arrivé, mais toujours au prix du sang et de la terreur ! Les oligarchies sont au pouvoir en France et au Maroc, au Liban et aux États-Unis ; partout où le nouvel ordre capitaliste installe des pouvoirs issus ou proches des grands groupes financiers, des multinationales et des industries militaires. On comprend pourquoi beaucoup de pouvoirs politiques encouragent les conflits armés...
La question fondamentale qui se pose aujourd'hui à tout le monde, au-delà de la nécessaire démocratisation — une véritable ! Pas comme d'habitude... — de notre vie politique, est la position que nous devons adopter face à un pouvoir qui n'a pas certes été élu dans les meilleures conditions, mais qui nous interpelle par ses deux principaux chantiers(*) :
1.- Eliminer totalement l'oligarchie et ses tentatives de retour par la séparation de l'argent et de la politique.
2.- Réduire les inégalités sociales criantes et revenir à une véritable politique de solidarité nationale qui ne saurait se limiter au saupoudrage des dernières années et à un simple soutien passif des prix. Depuis les années 1980, nous avons assisté à la remise en cause progressive de la politique d'égalité et de justice issue de la révolution de Novembre et mise en chantier durant les décennies 60 et 70.
Évidemment, ces tâches peuvent paraître éloignées des appels à la phase de transition et à la Constituante qui continuent d'être portées par les voix des manifestants. Outre le fait que de telles revendications portent la marque de certains partis qui y tiennent par-dessus tout, elles nous paraissent franchement irréalisables au stade actuel. S'il était possible, au début du Hirak, d'influer sur les décisions du pouvoir provisoire et d'imposer ces solutions, il faut reconnaître que beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis. Entre autres, l'élection d'un chef d'État reconnu par le monde entier et marquant, chaque semaine, des points supplémentaires sur le terrain de l'opinion publique, rend pratiquement inexécutables ces exigences.
Aujourd'hui que le Hirak célèbre une année de luttes pour la liberté et la justice et que les images de la belle explosion colorée et festive nous reviennent dans un flot ininterrompu de scènes mémorables célébrant la grande et sereine mobilisation du peuple, il est aussi des questions urgentes auxquelles le mouvement devra répondre. En voici la
centrale : ira-t-il ou pas au dialogue ? Voilà un débat qui n'a pas été tranché. Conficius nous aurait répondu : «Oui, il faut y aller et tout ce qu'on y arrachera, même si ce n'est pas tout ce que nous voulons, vaut mieux que de rien obtenir...» Mais Conficius dort en Chine, pas rue Khettabi...
Enfin, le Hirak devra se méfier du poids grandissant des marcheurs qui reprennent les slogans du début des années 1990. L'union sacrée ne doit pas servir d'alibi au retour du FIS. C'est souvent la naïveté des démocrates et leur passivité qui en ont fait la principale force d'entrée des ouragans obscurantistes. Méfiance donc ! Continuer dans le pacifisme, clarifier les positions et avancer avec force et détermination, voilà ce que nous souhaitons au Hirak, à l'orée de l'an II.
M. F.

(*) Nous avons occulté sciemment la question économique car les avis divergent sur les programmes annoncés. S'agit-il de plans intermédiaires pour réparer en urgence les déséquilibres accumulés ou d'une stratégie à long terme ? Parce que les potentialités phénoménales de l'Algérie et ses légitimes besoins nécessitent une vision autrement plus ambitieuse, notamment dans le domaine de l'exploitation des richesses naturelles et de leur mobilisation au service du développement national. Il faut nécessairement une base industrielle puissante pour transformer ces richesses et offrir ainsi la matière semi-finie et les intrants à l'industrie légère des PME et PMI. Oui, j'y suis toujours accroché : l'industrie «industrialisante» sans laquelle nous resterons prisonniers de l'importation... Exporter nos matières premières en l'état, c'est revenir dare-dare à l'ère coloniale !


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