Sellal demande à ce que l’ancien président soit cité comme témoin

«Bouteflika savait tout !»



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Après une longue bataille de procédure, le procès des ancien Premiers ministres, Abdelmalek Sellal et Ahmed Ouyahia, ainsi que les ex-ministres de l’Industrie, Abdessalem Bouchouareb (en fuite), Youcef Yousfi, Mahdjoub Bedda, et les hommes d’affaires, Ahmed Mazouz, patron du groupe éponyme, Hacene Arbaoui, patron de KIA Motors Algérie, Mohamed Bairi, patron de Ival Motors, Ali Haddad, patron du groupe ETRHB, et de nombreux autres prévenus, dont des cadres du ministère de l’Industrie, l’ex-PDG de la BNA et l’ex-wali de Boumerdès, Nouria Zerhouni. En tout, 23 inculpés, dont 17 en détention, comparaissent, depuis hier, pour entre autres, «octroi d’indus avantages», «trafic d’influence», «abus de fonction», «blanchiment d’argent», «financement occulte de la campagne électorale».

Très affecté, amaigri, mais toujours plein d’humour, Abdelmalek Sellal  a réussi à ramener le juge à l’amère réalité du pays. D’emblée, il explique qu’en tant que Premier ministre, il ne faisait qu’exécuter le programme politique du Président, après son adoption par les deux Chambres de l’APN. «Je ne gère pas. Je ne fais que coordonner. Cette affaire est purement politique. S’il y a quelqu’un qui doit être ici, en tant que témoin, c’est bien le président de la République. Il savait tout», lance Abdelmalek Sellal.

Il rappelle les «moments difficiles» qu’il a traversés pendant que «le Président était absent», puis s’écrie : «Les gens me connaissent comme un homme d’Etat et non pas un homme de pouvoir !» L’ex-Premier ministre  évoque ses 45 années passées au service de l’Etat, puis exprime son «regret» devant ce qu’il qualifie d’«agression» contre sa dignité. «Je ne suis pas un corrompu. Je préfère mourir que d’entendre ce genre d’accusation. La maladie de notre pays est dans la nature du régime, ou plus exactement le système qui a annihilé l’existence des trois pouvoirs.»

Le juge le ramène aux faits et l’interroge sur ce cahier des charges relatif à l’activité du montage automobile, élaboré par Abdessalem Bouchouareb, ex-ministre de l’Industrie, mais Abdelmalek Sellal répond : «Je n’ai pas nommé ce ministre. J’ai demandé son limogeage à plusieurs reprises, mais je n’ai jamais eu de réponse. Je n’avais pas de pouvoir sur lui. Comment fallait-il faire pour le coincer ?» Le juge : «Avec une simple décision.» Le prévenu : «Il est nommé par décret présidentiel. Je ne peux signer de décret exécutif sans accord du Président.»

Le juge : «Dans ce cas-là, pourquoi n’avez-vous pas démissionné ?» Sellal lâche un  «awaaah» et le président lui dit : «Croyez-vous que c’est aussi facile pour nous, en tant que magistrats d’exercer notre mission ?» Sellal : «Un haut responsable a dit des choses ouvertement, il a été humilié, jeté à la vindicte populaire, avant que son fils ne soit jeté en prison. C’est cela la réalité de notre pays. Dieu merci, après avoir mangé des lentilles et des haricots avec nous à Serkadji, la justice l’a relaxé.» Les éclats de rire brisent le silence de l’audience et tout le monde a compris que l’ex-Premier ministre parlait du président Abdelmadjid Tebboune et de son fils.

Pour Sellal, la politique du gouvernement de l’époque était de limiter les dépenses de l’Etat en devise, après la chute des revenus pétroliers, et de préserver en même temps les emplois, créés par l’activité du montage automobile. «Les études ont montré qu’on allait vers la production de 136 000 véhicules par an, ce qui est absurde et excessif pour le marché algérien. On a décidé d’arrêter les autorisations sans accord du CNI (Conseil national de l’investissement). La décision a été entérinée par une résolution de ce Conseil, composé de 11 ministres. Nous n’avons pas privé l’Andi (Agence nationale de développement de l’investissement). Bien au contraire, c’est elle qui étudie les dossiers et les présente au CNI. Pour moi, il fallait arrêter, surtout après les dérapages du ministre (Bouchouareb).»

Sur la question des 127 projets d’investissement de Boumerdès, Sellal rappelle qu’en 2010, il y a eu la création d’une commission nationale du foncier agricole et une autre technique, qui ont travaillé sur de nombreux projets qui ont nécessité le déclassement des terres agricoles pour accueillir les projets industriels à utilité publique. Le juge l’interroge sur la société de son fils, Farès. Il répond : «Le tort de mon fils est d’avoir pour père un Premier ministre. Il était en Grande-Bretagne, bien  »peinard », et je lui ai demandé de rentrer et de travailler en Algérie, mais pas avec les sociétés publiques. Il s’est associé, grâce à son expertise, avec d’autres privés pour créer la société Jamal, qu’il gérait.» Sellal dément avoir en contrepartie aidé Ahmed Mazouz : «Il avait obtenu deux autorisations de l’Andi, la première en 2008 et la seconde en mars 2018, alors que j’avais quitté le gouvernement. Montrez-moi comment j’aurai pu l’aider et avec quel document !»

«La carte blanche de Bouchouareb était illégale»

Très affecté, il éclate en pleurs lorsqu’il évoque son fils : «J’ai pleuré lorsque j’ai vu mon fils avec moi au tribunal de Sidi M’hamed, sortir les mains menottées. Nous ne sommes pas des corrompus. J’aurais  aimé que la terre s’ouvre sous mes pieds et que je disparaisse à tout jamais pour ne pas vivre ce moment-là.» Un moment d’intense émotion, vite balayé lorsque le juge demande à Sellal de parler du financement de la campagne électorale du 5e mandat du Président déchu.

Il explique qu’il a été désigné en tant que directeur de campagne, cela n’a duré que 18 jours et sa mission était plus organique et politique. «C’est le candidat, à l’époque le Président, qui est responsable devant la loi. J’ai ouvert un compte, mais je ne savais pas qu’il y en avait un deuxième. J’ai désigné un trésorier, en la personne de Chaïb, après je n’ai plus eu de nouvelles», déclare Sellal, en précisant qu’il conteste la notion de financement occulte de partis politiques puisque ce sont le RND, le FLN, Taj et le MPA qui ont soutenu la candidature du Président pour un 5e mandat. Le juge évoque les 24 milliards de dinars de préjudice causé par le groupe Mazouz, qui travaillait sans cahier des charges, et Sellal affirme : «A mon époque, je n’ai traité que deux dossiers. Ceux de Sovac et de Hyundai, qui sont passés par l’Andi et le CNI.»

Il s’offusque et lance : «Les avantages pour lesquels je suis poursuivis sont les mêmes que les 5 gouvernements, qui se sont succédé depuis 2000 à ce jour, accordaient. Pourquoi ne sont-ils pas ici aujourd’hui ?» Le juge : «Parlez-nous de Bouchouareb et sa carte blanche…» Sellal : «Cette carte blanche est illégale. Je l’ai déjà dit. On m’a dit : on refait. On a décidé l’élaboration d’un cahier des charges. J’ai tout fait pour que les choses changent. Allah ghaleb (Dieu m’en est témoin).» Le juge : «Pourquoi n’avez-vous pas démissionné ?» Sellal : «Si je le pouvais, je l’aurais fait. Je suis resté dans un  »souk rachi » (un marché ). Je me sentais fier en rencontrant les grands de ce monde comme le président américain, Barack Obama, le Premier ministre britannique et le président chinois, mais une fois au pays, je me sentais tout petit, incapable de signer un décret exécutif, avec un Bouchouareb qui creuse la terre sous mes pieds. C’est ça l’Algérie. Nous ne pouvons pas sortir notre pays de l’oppression, si nous ne donnons pas l’indépendance aux trois pouvoirs qui incarnent l’Etat de droit.»

Le juge : «Qu’en est-il de votre maison à Constantine et de votre voiture que vous n’avez pas déclarées ?» Sellal : «Je l’ai achetée, puis revendue. Mais la voiture, je vous jure que je l’ai oubliée. Faites en ce que vous voulez. Brûlez-la ou prenez-la.» Des propos qui suscitent un éclat de rire dans la salle. Sellal affirme que Bouchouareb avait été désigné par le Président et qu’il n’avait aucun pouvoir sur lui. Il ne pouvait également pas démissionner, dit-il, parce qu’il refusait de quitter le bateau au moment où il coulait. Ce qui pousse le procureur général à déclarer : «Donc, Ali meurs debout !» Sellal : «Donnez-moi un seul responsable qui ait démissionné. Je dirai des choses importantes en temps opportun, lorsque j’écrirai  mes mémoires.»

En début d’après-midi, c’est Ahmed Ouyahia qui explique avec pertinence son rôle et ses actes, après avoir nié tous les faits qui lui sont reprochés. Il se demande pourquoi il est poursuivi, alors qu’il n’est pas gestionnaire mais uniquement coordinateur. Lui aussi revient sur la politique du montage automobile – dont l’importation a atteint 6 milliards de dollars en 2014 – que le gouvernement a voulu réglementer pour éviter les rushs qu’ont connus les filières lait et cimenterie.

Selon lui, c’est la loi qui a accordé les avantages et non pas lui, en tant que Premier ministre. «En à peine trois ans, on accuse cette politique d’échec et on me poursuit. Les mêmes avantages sont accordés aujourd’hui pour préserver les emplois. Je suis un exécutant. Mon rôle est d’encourager l’investissement. Comment puis-je être accusé de corruption sans que les autorités ne puissent pas être au courant ? J’avais les gardes avec moi en permanence, j’habite à la résidence d’Etat et tous ceux qui viennent dans mon bureau doivent enregistrer leur identité sur un registre», lance-t-il.

Le juge lui demande pourquoi n’avoir pas déclaré le compte bancaire, contenant la somme de 300 millions de dinars, et il répond : «Je n’ai pas menti. J’ai juste oublié. Si c’était l’argent de la corruption, l’aurais-je placé dans une banque publique ? Cette somme n’a aucun lien avec mes activités. Mon fils a créé une société dans le cadre de l’Ansej, il n’a jamais bénéficié de marchés publics. J’ai informé le Président non pas parce que c’est la loi qui le prévoit, mais juste par fidélité. Je ne l’ai pas fait par écrit en raison de la confiance qu’il y avait entre nous. C’est la conjoncture qui a voulu qu’aujourd’hui on soit poursuivis. Je ne faisais qu’appliquer le programme du Président. J’ai essayé de réparer des dysfonctionnements dans le secteur.»

Le juge insiste sur l’absence d’agrément, d’autorisation de prolongation de délais, d’exonération des droits et taxes et de l’obligation du partenaire étranger. Ouyahia : «Ces agréments étaient donnés à des groupes déjà actifs sur le terrain, qui avaient des usines dont les pièces étaient déjà importées et qui attendaient dans les ports. Après étude, le ministre de l’Industrie a demandé de prolonger de 6 mois, j’ai dit : on prolonge d’un an pour donner plus de temps aux concessionnaires pour régler leurs problèmes. La liste des 40 ne comportait pas uniquement les véhicules utilitaires, mais aussi les camions, les tracteurs, les grues et les engins agricoles.»

Le procureur général lui demande d’expliquer ce versement de 11 milliards de centimes sur le compte de son épouse, et Ouyahia affirme  que cet argent «n’a aucun lien avec ses activités». Mais le parquetier précise : «Savez-vous que vous aviez fait l’objet d’une déclaration de soupçons de la part de la CTRF (Cellule de renseignement financier) ? Votre compte à la BDL est un compte courant pas commercial et il contenait 30,94 milliards de centimes ?»

Ouyahia : «Je l’ai oublié parce qu’il n’a rien à avoir avec mes activités.» Le juge : «Vous avez par la suite gelé les activités de la Ctrf en la privant de toutes ses prérogatives.» Ouyahia éclate : «La loi sur la corruption a été faite en 2005, et en 2009, il y a eu introduction de certaines clauses sur le blanchiment. Moi-même, lorsque le Président a voulu, en début 2000, élaborer ces lois, je lui ai conseillé de les médiatiser, il a refusé. Cette guerre menée contre la corruption, nous l’avions menée avant. La différence, entre les deux opérations, c’est que la première était loin des médias.» 


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