Les entreprises fortement impactées par la crise sanitaire

L’état appelé à la rescousse



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Alors que la région de Blida entame sa deuxième semaine de confinement total et que neuf autres wilayas ont rejoint Alger pour un confinement partiel, la baisse de l’activité économique se fait de plus en plus ressentir.

Cette baisse a commencé bien avant que les mesures arrêtées pour limiter la propagation du virus ne soient annoncées et s’est accentuée par la suite. Les entreprises se retrouvent ainsi dans une situation complexe et les travailleurs s’inquiètent pour leurs salaires.

Et ce d’autant que cette situation de crise vient alourdir les difficultés financières des entreprises. Certes, certaines ont arrêté des plans d’urgence en concertation avec les salariés. Entre congé annuel avancé, reliquat et télétravail (quand c’est possible), d’autres ont forcé leurs travailleurs à prendre des congés sans soldes faute de moyens pour assurer les salaires. Quel que soit le cas, la situation n’est guère aisée à gérer et les perspectives s’annoncent des plus moroses pour les prochains mois. Ce que les chefs d’entreprises appréhendent justement en l’absence de mesures d’appui pour dépasser cette période exceptionnelle.

«Mesurettes» à défaut de plan d’attaque

En effet, si sous d’autres cieux où le coronavirus continue à se propager, un paquet d’aides massives a été arrêté en appui aux entreprises et aux personnes sont revenus (les journaliers notamment), en Algérie ce genre de décisions se fait toujours attendre. Ce qui suscite de fortes inquiétudes chez les patrons mais aussi chez les familles à revenus limités.

La peur d’un lendemain incertain est de plus en plus palpable. Parallèlement, pas de mesures apaisantes du côté des pouvoirs publics. Dans ce cadre, faudrait-il rappeler qu’à l’issue du conseil des ministres du 22 mars dernier, il y a juste la révision à la baisse de 30 % du budget de fonctionnement de l’État, sans toucher aux salaires des fonctionnaires et l’annonce lors de la prise en charge, lors de l’élaboration de la loi de Finances complémentaires, des pertes subies par les opérateurs en raison de la propagation du coronavirus.

De même que le conseil des ministres a décidé l’accélération du recouvrement des impôts et taxes ainsi que les crédits octroyés par les banques publiques. Ce que les chefs d’entreprises ont très mal accueilli estimant une telle démarche «paradoxale et inconcevable» dans le contexte actuel. «Il n’y a qu’à voir ce qui se fait ailleurs face à cette crise», nous dit à ce sujet un opérateur du secteur des services. «Les temps sont vraiment durs», ajoutera-t-il, rappelant la situation traversée en 2019 avec la perte de confiance vis-à-vis de l’administration qui a engendré une baisse de l’activité économique.

Le vice-président du Forum des Chefs d’entreprise (FCE), Djaoued Salim Allal abonde dans le même sens. «Il y va de la sauvegarde des emplois», nous dira-t-il. Et d’expliquer : «Le FCE s’est montré solidaire en lançant de nombreuses actions dans ce contexte de crise sanitaire. Les membres du forum ont, par exemple, mis à la disposition du secteur de la santé des hôtels et des cliniques privées et ont pris d’autres mesures sans en préciser lesquelles. «Ce qui est du devoir des patrons», dit-il. «Mais, le problème de fond, c’est comment assurer des salaires sans activités ? Ce n’est pas une mince affaire pour des entreprises déjà en difficultés».

Car, pour l’heure, une bonne partie des activités est à l’arrêt, à l’exception des industries agroalimentaires et pharmaceutiques. «Dans le numérique par exemple, nous n’avons plus de plans de charge, nous ne pouvons pas approcher les entreprises pour leur proposer nos services», ajoutera M. Allal qui nous précisera : «Dans les services technologiques, 70% des travailleurs ont été mis en congé anticipé. Ils ont accepté par solidarité.»

Une question de sauvegarde pour les Patrons

De telles mesures ne sont pas suffisantes de l’avis du numéro un d’ADEX Technology qui emploie une quarantaine de personnes. Des personnes qui ne cherchent qu’à être rassurées sur leur avenir professionnel. D’où la nécessité, selon M. Allal, d’une intervention urgente de l’Etat. Il proposera dans ce sillage l’exonération du paiement de trois mois des charges fiscales et parafiscales, l’ajournement des échéances bancaires. Le représentant du FCE demande même de décréter les cas de force majeure «Que l’Etat prenne des décisions économiques. On ne veut pas de discrimination entre le public et le privé.

Ce n’est pas une question de partage mais de sauvegarde» plaidera-t-il. Car «si la crise dure, les conséquences seront désastreuses. Ce sera l’effondrement. Il ne faut pas oublier que 70% des emplois économiques sont dans le privé», rappellera notre interlocuteur. «L’Etat doit mettre la main dans la poche», estime également Hassan Khelifati, PDG d’Alliance Assurances, pour qui «les entreprises sont rentrées dans la rétention de la trésorerie». Cela dit, il faudra s’interroger sur des entreprises dont certaines largement aidées ces 20 dernières années et qui annoncent un désastre en moins d’un mois de crise sanitaire !

L’après-corona : crise en perspective

«Il y a surtout lieu de penser à l’après-crise», nous dira-t-il. Un sondage est d’ailleurs en cours d’élaboration pour évaluer la situation et voir les mesures à prendre. Le gouvernement a même été sollicité à cet effet. Un signal fort est attendu de ce côté via l’injection de l’argent pour voler au secours des entreprises en difficultés et des familles sans revenus. «Celui qui a volé doit payer, n’oublions pas qu’il y a des hommes d’affaires sains au FCE qui ne cherchent qu’à sauvegarder les emplois», fera remarquer le numéro deux du FCE.

Un cri de détresse également lancé par d’autres opérateurs économiques qui estiment insuffisante les mesures mises en œuvre par le gouvernement. Car, jusque-là, seule l’administration a été autorisée à libérer 50% de son personnel, en plus des femmes ayant des enfants à charge, sans impact sur leurs salaires. Là encore, il y a eu des mesures discriminatoires appliquées par les chefs d’entreprises.

Zones d’ombre

Dans de nombreux cas, des travailleurs ont été mis en congés «forcés» sans soldes. «Nous avons été obligés de prendre des congés sans pouvoir être indemnisés», nous confie une réceptionniste d’un grand hôtel à Alger. Dans d’autres cas, des plans B ont été adoptés. «Nous avons opté pour le travail par alternance, c’est-à-dire par équipe, pour éviter tout chamboulement», nous dit pour sa part un directeur de laboratoire d’analyses médicales où l’activité a également baissé. «Les gens ont peur d’être contaminés, ils sont rares ceux qui viennent pour les prélèvements. Si, la situation perdure, nous allons fermer.

Cela dit, nous pourrons encore faire face aux charges pendant quelques mois.» Mais les conditions ne le permettent pour toutes les entreprises dont l’activité est perturbée ou à l’arrêt en cette phase de confinement. Donc, au final, qui supportera les salaires de ceux qui devraient continuer à être versés ? Quid des charges sociales et des impôts ? Quels moyens de survie pour les journaliers ? Quelles mesures appliquer pour les restaurateurs, cafetiers, artisans et autres. Ce sont autant de zones d’ombre à éclairer en attendant que l’Etat mette la main à la poche.

> Dossier réalisé par   Samira Imadalou


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