– Le service d’infectiologie d’El Kettar a rapidement mis ses patients sous chloroquine, suite à la validation du protocole par les experts du ministère de la Santé dont vous faites partie. Quelle évaluation faites-vous ?
Je dois dire qu’avant la validation de ce nouveau protocole, nous avons pris en charge plus d’une dizaine de patients testés positifs au Covid-19 qui étaient asymptomatiques pour la majorité et hospitalisés à notre niveau. Les cas positifs étaient mis en quarantaine au niveau notre structure et sous surveillance. Il en est de même pour les cas suspects pour lesquels on attendait les résultats des tests au niveau de l’Institut Pasteur.
Une fois la durée d’incubation passée, les malades sont autorisés à sortir. En tout 13 patients sont guéris sans traitement spécifique. Suite à la multiplication du nombre de cas de Covid-19 et le passage au stade trois de la maladie, nous avons commencé à recevoir des patients symptomatiques et parfois avec des formes sévères avec des lésions pulmonaires.
Il était donc pour nous important d’adapter d’autres réponses thérapeutiques aux patients. Nous avons suivi de très près ce qui se faisait ailleurs dans le monde, à travers des études chinoises et françaises publiées dans plusieurs revues scientifiques de renom internationales et qui ont montré que la chloroquine avait des résultats satisfaisants chez les patients atteints du Covid-19. Un médicament disponible en Algérie depuis plusieurs années et qui est utilisé.
Ce qui nous a encouragés à le prescrire et les résultats sont là aujourd’hui. 17 patients atteints du Covid-19, dont hommes et des femmes âgés entre 40 et 60 ans, sont sortis ce week-end de l’hôpital et ils se portent bien. Quatorze autre sont à la fin du traitement et nous attendons les résultats de contrôle.
Il est donc prouvé que ce traitement évite aux patients d’évoluer vers des formes sévères plus compliquées. Le Covid-19 évolue très rapidement. Nous avons eu un cas qui était asymptomatique à son arrivée et au bout de quatre jours son état a vite progressé avec des lésions aux poumons. Il a été mis sous traitement et là il se porte bien.
– Est-ce que des patients parmi ce groupe ont présenté des effets secondaires ?
Pas du tout. Deux tiers des patients hospitalisés dans nos trois services ont bien réagi à ce traitement. Nous avons, bien sûr, mis à l’écart les patients souffrant de comorbidités, telles que les maladies cardiovasculaires.
Ceux-là ont été mis sous les antirétroviraux (Lopinavir) pour une durée de cinq jours. D’ailleurs, parmi ces patients, il y a deux femmes souffrant d’un cancer du sein qui ont été traitées. Il est clair que chaque patient est traité selon le profil clinique qu’il présente. Nous étudions au cas par cas l’éventualité de la mise sous traitement.
Plusieurs bilans sont effectués en amont pour s’assurer de l’état de santé réel de chaque malade hospitalisé pour enfin prendre la décision. L’hydroxychloroquine est indiquée en première intention chez un Covid-19 positif, qu’il soit symptomatique ou asymptomatique. Un suivi est assuré au niveau du service, puisque le traitement est autorisé seulement en milieu hospitalier.
Des examens de contrôle sont réalisés. Je dois préciser qu’outre le traitement médicamenteux, la supplémentation en vitamine C, de la vitamine D et du magnésium, pour les patients hospitalisés est préconisée. Ces malades sont sensibilisés à tous les gestes de prévention pour prendre toutes les précautions une fois sortis de l’hôpital.
Le port du masque doit être maintenu encore, car certains n’ont pas dépassé les quatorze jours préconisés pour s’assurer qu’il ne portent plus le virus. Ainsi, aucun cas n’a évolué vers une forme sévère, à l’exception de trois patients souffrant d’autres maladies chroniques et âgés qui ont été évacués vers la réanimation et qui sont décédés. Aujourd’hui, on sait que les personnes âgées sont les victimes potentielles du Covid-19.
– Est-ce que les places en réanimation sont disponibles au niveau des CHU d’Alger ?
Au début de l’épidémie, peu de patients ont nécessité les soins en réanimation. Mais là, la demande se fait de plus en plus importante. De nombreux patients, notamment des jeunes, arrivent déjà avec des signes assez graves, dont la détresse respiratoire aiguë.
Nous évacuons de plus en plus de patients en réanimation. Il est parfois difficile d’y trouver une place, il nous arrive de faire le tour des différents hôpitaux disposant de service de réanimation ou les services d’urgences.
– Eu égard aux premiers résultats obtenus, certains spécialistes recommandent une prophylaxie pour prévenir le Covid-19, voire éviter les formes graves. Qu’en pensez-vous ?
Pour le moment, nous n’avons pas encore assez de recul à ce propos. Il est difficile de s’engager dans cette approche. Il n’y a pour le moment que deux études indiennes publiées à ce sujet. Cela reste insuffisant pour nous.
– L’hôpital El Kettar continue d’accueillir des patients atteints du Covid-19. Pensez-vous que l’épidémie s’accélère ?
Actuellement, nous avons au niveau de l’hôpital trois services (A, B et C) qui accueillent les cas positifs au Covid- 19. Au niveau du service A, 24 lits sont déjà occupés. 12 autres lits sont réservés aux cas suspects et 14 ont été ouverts au niveau du pavillon des urgences en attendant que des lits se libèrent dans le service.
Notre équipe travaille d’arrache-pied jour et nuit, qu’il soit paramédical ou médical. L’administration est également à nos côtés (coordinateur et DAPM) mais malheureusement, certains confrères d’autres spécialités ne nous aident pas beaucoup dans cette situation de crise sanitaire. Il est déplorable que certains déposent des arrêts de travail.
Il faut saluer tous ceux qui se sont mobilisés aujourd’hui pour faire face à cette épidémie et ceux qui ont choisi de travailler et d’être au chevet des patients. Là, nous ne sommes qu’au début de l’épidémie, la situation risque de se compliquer dans les prochains jours. C’est pourquoi, nous demandons le respect strict du confinement qui minimisera les choses. Les prochains dix jours sont décisifs.