La fête gâchée par la crise sanitaire

Un Aïd sous confinement



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Comme dans la majorité des pays musulmans, le gouvernement algérien a décidé de limiter drastiquement les possibilités de rencontres familiales, en imposant un «couvre-feu» dès le milieu de la journée, à travers tout le pays.

Un Aïd sans visites familiales, sans sorties festives, sans grandes prières dans les mosquées, sans ces kyrielles d’enfants qui égaient les rues en se pavanant avec leurs habits neufs… C’est ce à quoi doivent se résoudre la plupart des pays musulmans durant ces deux jours de l’Aid El Fitr, fête sanctionnant un mois de jeûne, lui-même passé dans les conditions exceptionnelles imposées par la crise sanitaire sans précédent que connaît le monde entier depuis plus de deux mois.

C’est donc un événement et une expérience en soi que les Algériens sont invités à vivre, ou à subir, en ces deux jours de «fête». Premier paradoxe douloureux de la situation, les retrouvailles familiales, sacralisées par la religion et la tradition sous le principe de «silat errahim» (pouvant se traduire par l’obligation d’entretenir les liens filiaux), sont purement et simplement interdites en dehors du cercle pratiquement unicellulaire de la famille.

Comme dans la majorité des pays musulmans, le gouvernement algérien a décidé de limiter drastiquement les possibilités de rencontres familiales, en imposant un «couvre-feu» dès le milieu de la journée, à travers tout le pays, et en interdisant toute circulation automobile durant ces deux jours de fête. Des mesures inédites et une atmosphère jamais vue qui viennent s’ajouter au grand chamboulement des us sociaux et politiques que connaît le monde depuis l’apparition de ce nouveau coronavirus.

Les Algériens, qui certes ont fait montre d’indiscipline durant le mois de Ramadhan sur le plan du respect des consignes de prévention et des mesures de confinement partiel, devraient puiser dans leurs ressources psychologiques pour vivre cette occasion sans trop céder à la déprime. Tout concourra en effet à accentuer ce sentiment d’angoisse qui plane depuis plus de deux mois, à commencer par cette atmosphère de villes mortes que ne manquera pas d’installer l’interdiction de circuler.

La tentation de braver les restrictions ordonnées par le gouvernement n’est sûrement pas à écarter, mais les autorités, cette fois, préviennent qu’elles seront des plus intraitables. Plusieurs communiqués officiels ont en effet insisté, depuis quelques jours, sur la nécessité d’observer le plan de confinement spécial édicté à l’occasion sous peine de poursuites sévères.

L’attitude des services de sécurité, marquée par une certaine souplesse notamment durant le mois de Ramadhan, pourrait donc changer en l’occurrence, et il est simplement demandé aux citoyens de renoncer au moindre rituel de la fête et de rester cloîtrés durant pratiquement deux jours. L’Aïd El Fitr 2020 s’annonce comme un moment psychologique très particulier qui ne manquera pas de rester dans les mémoires.

En plus de la menace permanente et à grande échelle sur la vie humaine et ses effets économiques désastreux, la crise de la Covid-19 se sera aussi «attaquée» à des constantes culturelles, sociales, spirituelles et autres valeurs refuge, aggravant ainsi le sentiment de vulnérabilité face à l’épreuve. D’autant que pour l’heure, aucune perspective de riposte viable à la pandémie ne pointe à l’horizon.


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