Vive polémique sur les réseaux sociaux



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Grosse polémique sur les réseaux sociaux suite à la diffusion, mardi soir sur France 5, du documentaire Algérie, mon amour. Les commentaires sur les réseaux sociaux étaient très hostiles après la diffusion du film réalisé par Mustapha Kessous, journaliste au Monde.

Le réalisateur est accusé pêle-mêle d’être à l’origine d’une «vaste fumisterie», d’avoir «fait l’impasse» sur les revendications du hirak, ou encore de défendre les «agendas perfides de la France coloniale», «complice du pouvoir d’Alger».

«Le documentaire de France 5 sur le hirak sans le hirak. Sans intérêt !!!» constate Amar Mohand Amar sur sa page Facebook, le soir de la diffusion du documentaire suivi d’un débat. «Ce n’est qu’un faux haineux, écœurant et perfide, il est insipide et traître. Ce n’est en fait qu’une grosse manipulation», tranche la moudjahida Louiza Ighilahriz.

Le documentaire, précédé par une campagne de promotion «élogieuse», était attendu de ce côté-ci de la Méditerranée.

L’angle choisi par son réalisateur pour raconter une séquence exceptionnelle de l’Algérie a fortement déplu : trop de clichés qui ne rendent pas compte des revendications fondamentales des Algériens sortis le 22 février 2019. «Je m’attendais à mieux…

Ma déception a été grande. Le documentaire raconte ou insinue que le problème en Algérie est entre un pouvoir qui s’éternise et une certaine jeunesse privilégiée, citadine, avide d’une certaine liberté. Les préoccupations sociales, politiques, économiques ne sont pas analysées, ou à peine effleurées», relève Mejdoub Klifa.

Le réalisateur Hocine Redjala estime que le reportage «non documenté et détourné» «rabaisse les aspirations d’un peuple en marche».

«Dans cette composition d’images qui risquent de mettre les jeunes qui ont témoigné fougueusement dans de mauvaises situations, vu la sociologie implacable de la société, démontre que ceux qui ont pensé ce film, l’ont fait pour faire mal et rabaisser en déstructurant ce mouvement révolutionnaire sobre et insaisissable.

Pour un réalisateur qui avait une file interminable d’intervenants dans le générique, il parle bien de nous sans nous. Nous sommes, en fin de compte, devenus des étrangers à nos situations intimes. Les haltes qui font les articulations du film sont survolées de la façon la plus vile possible.

A titre d’exemple, aucun traître mot sur les mouvements et les manifestations précédents qui ont abouti à cette prise de conscience incroyable.

La corruption et ses ramifications internationales sont minimisées, le survol du squat de l’indépendance est décevant, le silence flagrant sur les détenus dénote de l’implication de la maffia en place dans la supervision du film…», détaille Redjala.

D’autres internautes, polémiquant à fleurets mouchetés avec les premiers, ont défendu le documentaire, son réalisateur et les jeunes intervenants.

«Je viens de visionner le documentaire Algérie, mon amour, diffusé hier sur France 5. C’est le portrait de 5 jeunes Algériens qui ont décrit le hirak tel qu’ils l’ont vécu. Ni plus ni moins. Je ne vois absolument aucun élément choquant là-dedans !

Au contraire, eu égard aux réactions hostiles, je m’attendais à ce que des sujets tabous soient évoqués, approfondis. C’est là ma seule déception. Je note juste que comme toujours, notre histoire continue d’être filmée et documentée par la France, et c’est ce qui a, je crois, blessé plusieurs de mes ami(e)s», regrette Amar Kessab.

«Regard de l’Autre»

Regrettant une «hystérie» générale, et un «lynchage en règle» des jeunes hirakistes, des Facebookers estiment que les Algériens «oublient qu’ils polémiquent sur un  »produit made in France » et destiné en premier à des téléspectateurs français», «avec parfois les clichés horribles sur les habitants de l’ancienne colonie».

Riadh Touat estime que la polémique a prouvé une chose : «Le manque flagrant de contenu algérien autour du hirak pendant cette révolution historique, puisque nos propres médias ont d’abord choisi de se taire (quasiment aucun média public n’a pipé mot entre le 22 et le 24 février 2019), puis ont couvert les manifs de manière timide, avant de se transformer en tribune pro-système, et certains d’entre eux osent maintenant se la ramener en disant que ce doc ne les représente pas  »lol ». Sans blagues ? A qui la faute ? On paye votre silence.»

Réalisateur de documentaire, Malek Bensmail constate à raison : «On se regarde à travers le regard de l’Autre, alors comment se débarrasser de l’Autre qui nous regarde ? Problématique non réglée.» Fait regrettable : des attaques contre les intervenants, certains auraient été obligés de fermer leurs pages, ou même d’apporter des précisions sur leur «participation», à l’instar de la jeune Sonia Siam.

«Le marketing de ce film s’est surtout axé sur le hirak (ce qui explique les vives réactions, mais n’en justifie en aucun cas la violence), le produit fini n’est peut-être pas à la hauteur des ambitions des uns ou des espoirs des autres, et j’estime que ce n’est pas à moi de le défendre, ou de le fustiger», relève-t-elle.

Et de conclure : «Pour finir, j’aimerais rappeler à certains que même si je ne suis à pas l’image qu’ils veulent donner de l’Algérie, ou que je ne ressemble pas à l’idée de la femme algérienne qu’ils se font, je suis tout aussi algérienne que vous. Hebbitou wella krahtou.»

D’autres internautes dépités par la tournure prise par la polémique ont voulu recadrer le débat et évoquer des questions autrement «plus actuelles». «Pendant ce temps, la loi de finances passe comme une lettre à la poste», «Pendant ce temps, la demande de liberté provisoire pour Khaled Drareni est refusée», poste coup sur coup Jugurtha Abbou sur sa page. 


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