Pr Chelghoum Abdelkrim. Président du Club des risques majeurs

«Il y a un véritable problème de prévention contre les risques majeurs chimiques et industriels»



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– Beyrouth vient de vivre une horrible catastrophe. Nos villes sont-elles protégées contre de pareils risques ?

Non. Je dois dire qu’étant un pays pétrolier, l’Algérie, plus que le Liban, est concernée par un risque majeur technologique. On peut y recenser 4 zones rouges de déflagration. Il s’agit d’Oran-Arzew, Alger-Blida-Boumerdès, Skikda-Annaba et la zone de Hassi Messaoud-Hassi R’mel.

Avant l’incident de Beyrouth, il y a eu l’explosion survenue le 19 janvier 2004 au complexe pétrochimique GNL1K, dans la zone industrielle de Skikda. Elle a fait plus d’une centaine de morts, des blessés et quelque 3 milliards de dollars de dégâts.

Et c’était un petit incendie qui s’est propagé à travers les canalisations. Le même incident est survenu également à Arzew quelque temps après.

En plus de ces installations pétrochimiques et gazières, il y a d’autres installations toutes aussi dangereuses en plein milieu urbain. Prenant en considération tout cela, nos villes ne sont nullement protégées contre ces risques chimiques et industriels. Il y a un véritable problème de prévention contre ce type de risques majeurs.

– Y a-t-il un recensement de ces installations à risque dans le milieu urbain ?

Oui, mais il doit être réactualisé. Le premier recensement a été fait par le ministère de l’Environnement le 31 mai 2006. Il a été officialisé par le décret exécutif n°07-144, du 19 mai 2007, fixant la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement.

Les installations ont été classées par catégories, soumises à des autorisations et autorités selon leur degré de dangerosité. En gros, il a été recensé 60 installations à hauts risques majeurs de déflagration.

Nous avons 6 complexes de gaz liquéfié (GNL), 9 unités de production d’engrais et fertilisants, 8 installations pour le stockage de produits pétroliers, dont deux à Alger (Hussein dey et Caroubier), 4 raffineries de pétrole, dont une à Baraki, 3 complexes de traitement de minéraux, 4 complexes de production de gaz industriel, dont un au Caroubier, et 4 centres enfûteurs, dont un Chéraga et un autre à Hussein Dey.

Les plus dangereuses sont les unités de production du chlore au nombre de 2, dont une à Baba Ali, et les 18 centrales électriques, dont une à El Hamma et une autre à Bab Ezzouar.

Ce sont des centrales à gaz, prohibées aux Etats-Unis. La plupart de ces infrastructures, pour ne pas dire toutes, sont dans le milieu urbain.

Exemple : sur une distance de 2 kilomètres, nous avons la centrale électrique à gaz gérée par la Société de production de l’éléctricité (SPE), filiale de Sonelgaz, à El Hamma, un centre enfuteur de bouteille de gaz, le centre de fabrication de gaz liquéfié, un dépôt de pétrole et la station de dessalement d’eau de mer.

A quelques encablures, il y a la Grande Mosquée d’Alger installée sur le lit de l’oued El Harrach. En cas d’incendie, le résultat serait plus catastrophique que Beyrouth.

– En plus des plans Orsec, l’Algérie a-t-elle un plan de prévention contre ces risques majeurs, notamment chimiques et industriels ?

Les plans Orsec sont des plans d’intervention post-catastrophe. Nous avons besoin de plan de prévention. Il y a une loi qui permet d’asseoir une stratégie de prévention contre ces risques majeurs. C’est la loi 04-20 du 25 décembre 2004, relative à la prévention des risques majeurs.

Bien qu’elle ait été votée par les deux Chambres, cette loi est restée lettre morte. Depuis son adoption, aucun texte d’application n’a été signé par le président de la République pour être adopté et mettre à exécution le contenu très riche de cette loi.

Pour les risques chimiques et industriels, les stratégies de prévention sont spécifiques à chaque complexe. On ne gère pas un incendie dû au chlore comme on en gère un dû au gaz ou au pétrole. Cette stratégie est sous-tendue de deux segments.

Le premier est le plan organisationnel intérieur (POI). Ce sont des plans de gestion au moment de la catastrophe en interne. Le 2e segment est le plan particulier d’intervention (PPI), qui est en fait une série de mesures qui doivent être placardées un peu partout dans le complexe afin que les travailleurs sachent quoi faire en cas d’incendie et ainsi éviter le pire.

La préparation de chaque intervenant doit se faire à l’interne en faisant des scénarios catastrophes en simulation au moins 2 fois par an. Le but est d’apprendre à agir de la meilleure manière en cas d’incendie.

– Que faut-il faire aujourd’hui ?

Il faut officialiser la stratégie de prévention en adoptant les textes d’application de la loi 04-20 liée à la gestion des risques majeurs. Il est impératif aussi d’actualiser le recensement des sites à risques majeurs et des installations en zones sismiques et à risque.

Il est aussi urgent de former des agents, ingénieurs, architectes et autres, spécialisés dans la prévention des risques majeurs, et même inclure les journalistes afin qu’ils apprennent les techniques de communication en cas de catastrophe.

Il faut aussi acquérir le matériel d’intervention, contrôler mensuellement ces établissements à risques, multiplier les exercices de simulation et sensibiliser les populations résidant non loin de ces édifices à risque quant à la conduite à tenir en cas de scénario catastrophique.

Pour la totalité des risques, il est impératif de créer un observatoire des risques majeurs rattaché directement au président de la République. 


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