Arezki Berraki. Ministre des Ressources en eau

«Le réseau d’AEP subit des agressions récurrentes»



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Dans cet entretien, le ministre des Ressources en eau, Arezki Baraki, revient sur les dernières perturbations qu’ont connues plusieurs régions du pays. S’agissant de l’enquête lancée par ses services suite aux incidents signalés durant l’Aïd, il indique que «des changements vont être opérés à la lumière des premières conclusions apparues, pour apporter les correctifs qui s’imposent, et des sanctions administratives vont tomber dans le cas de défaillances ou négligences avérées dans la prise en charge du service public de l’eau.»

– Plusieurs régions du pays ont connu durant l’Aïd El Adha de fortes perturbations dans l’alimentation en AEP. A quoi est due cette situation ?

Précisons d’abord les choses : contrairement à ce qui a été rapporté par certains médias, nous n’avons pas eu de perturbations à l’échelle d’une région où même d’une commune toute entière. Beaucoup de généralisations ont été faites : ainsi, à Aïn Benian, une micro-perturbation de quartier s’est transformée en coupure pour toute la commune !

Un journaliste a même poussé le bouchon en «annonçant» dans le titre de son article que toute la wilaya d’Alger, pas moins, a passé un Aïd sans eau ! Attention ! en disant cela, je ne cherche nullement à minimiser la réalité des désagréments subis par certains de nos concitoyens, et je le déplore.

Malgré les efforts réels consentis par l’ensemble des équipes des établissements sous tutelle, malgré leur dévouement sur le terrain, la situation enregistrée est loin d’être satisfaisante, je suis le premier à en convenir. Ceci dit, nous avons procédé à une évaluation du rendement des gestionnaires sitôt l’Aïd terminé ; cette évaluation couvre cette fête proprement dite, mais également les mois qui précèdent.

Des changements vont être opérés à la lumière des premières conclusions apparues pour apporter les correctifs qui s’imposent, et des sanctions administratives vont tomber dans le cas de défaillances ou négligences avérées dans la prise en charge du service public de l’eau.

Vous allez peut-être me poser la question : pourquoi avoir attendu jusqu’à maintenant pour prendre des mesures ? Je vous rappellerais que ma prise de fonction à la tête du secteur couvre en gros l’apparition, puis l’extension de l’épidémie de la Covid-19. Je ne me cherche pas d’excuses à tout prix, je veux simplement dire que, durant des mois, nous avons fonctionné avec seulement 50% de nos effectifs.

Et, paradoxalement, cela ne nous a quand même pas empêchés de réduire la moyenne des coupures par rapport aux années précédentes ! Il me semblait important de signaler ce fait à vos lecteurs.

Pour en revenir à votre interrogation, l’Aïd El Adha est une occasion exceptionnelle où la consommation d’eau est démultipliée : nous consommons en moins de 5 heures l’équivalent de 24h de consommation  habituelle.

Si, en général, et durant toute l’année, il y a surconsommation en Algérie, on peut qualifier le jour de l’Aïd d’état d’hyperconsommation. Maintenant, des «experts» préconisent des infrastructures supplémentaires pour faire face à telles situations.

Mais nos concitoyens doivent savoir ce que ce genre de solutions signifie. Idéalement, nous aimerions tous avoir un système capable de prendre en charge tous les scénarios de consommation possibles et imaginables, mais pour l’avoir, il faudrait surdimensionner nos infrastructures.

Investir là où il y a des perturbations juste le jour de l’Aïd coûterait bien plus que ce qu’il faudrait pour garantir un accès équitable à l’eau à tous les Algériens, y compris dans les zones éparses, sans parler du foncier nécessaire à libérer en milieu urbain particulièrement dense et déjà saturé.

Les moyens disponibles dans le secteur doivent d’abord être consacrés à soulager les citoyens qui n’ont pas encore accès à l’eau. En plus d’être un choix stratégique, dicté par des obligations morales et constitutionnelles, c’est un engagement électoral du président de la République.

Maintenant, il faudrait effectivement s’atteler à trouver toutes les autres solutions possibles et imaginables pour aider les citoyens à accomplir ce rite du sacrifice dans des conditions dignes ; je pense par exemple à l’idée d’organiser l’abattage collectif dans des lieux autorisés.

– Votre département a annoncé avoir déposé une plainte auprès des services de sécurité pour l’ouverture d’une enquête afin de déterminer les responsabilités concernant l’arrêt, le jeudi 30 juillet, de la station de dessalement de Fouka (Tipasa). D’autres incidents ont été signalés à travers plusieurs régions du pays, faisant réagir la présidence de la République qui a exigé une enquête sur les ruptures d’approvisionnement en eau. Un commentaire ?

Effectivement, nous avons déposé une plainte auprès des services de sécurité, car quand certains incidents se répètent dans la même wilaya, de manière répétitive et parfois à la veille de rendez-vous importants pour le peuple algérien, comme ce fut le cas pour cet Aïdel Adha, il y a de quoi se poser des questions.

L’enquête en cours déterminera s’il y a eu sabotage ou négligence, ou peut-être les deux en même temps, et précisera les responsabilités.

Quant aux autres incidents à travers le territoire national, je dois dire que certains d’entre eux sont devenus récurrents. Le réseau subit continuellement des agressions à travers des actes malveillants et des piquages illicites.

Certains citoyens ne sont pas conscients qu’en cassant une conduite ou en effectuant un piquage, ils privent d’eau des quartiers entiers et qu’ils enfreignent la loi.

Nous faisons tout ce que nous pouvons pour protéger nos installations avec la collaboration des services de sécurité. Mais, en fin de compte, je considère indispensable de réactiver la Police de l’eau, dont c’est la raison d’être de veiller à la sécurité du réseau et de protéger ses usagers.

Ce corps spécialisé, prévu dans la réglementation, bénéficiera, dans le cadre de la nouvelle «stratégie Eau 2030» que nous venons de finaliser, d’un nouveau statut juridique lui permettant d’agir plus efficacement contre les contrevenants.

– Les réserves en ressources hydriques disponibles peuvent-elles satisfaire les besoins de l’Algérie en eau potable durant les prochains mois, sachant que la pluviométrie a été faible cette année ?

Je l’ai déclaré à plusieurs reprises, nos réserves sont suffisantes pour couvrir nos besoins. A l’issue de la dernière saison des pluies, fin avril, nos barrages étaient remplis à plus de 60%, et les nappes phréatiques disposaient d’une confortable réserve.

Les quantités emmagasinées suffisent largement aux besoins de consommation et nous autorisent même à dégager un appoint pour l’irrigation céréalière.

Il convient également de se rappeler que les ressources conventionnelles (barrages et nappes) ne sont pas les seules sources où nous puisons : le dessalement est là, qui assure 17% de notre consommation globale.

Je rassure donc nos compatriotes sur le fait que nos réserves nous permettront d’arriver confortablement jusqu’à décembre, avec la nouvelle saison de pluies, inchallah. Là aussi, nous devons faire la différence entre disponibilité de la ressource et l’alimentation continue en eau potable.

Il y aura toujours ça et là des coupures, dues à des pannes ou incidents techniques ou, exceptionnellement, à des endommagements des conduites, comme on vient de le déplorer à Mila, suite au dernier séisme qui a frappé la région. Cela ne signifie en aucun cas qu’il y aurait un manque d’eau en réserve.

Nous avons actuellement 4 milliards de m3 de réserves et notre consommation annuelle est de 1,8 milliard de m3, le calcul est donc simple à faire. Toutefois, la disponibilité de la ressource ne doit pas être une incitation au gaspillage.

– Plusieurs wilayas du pays souffrent de pénuries prégnantes, surtout durant l’été. Pourquoi une telle situation et comment votre ministère compte-t-il y faire face ?

Pour être précis, actuellement 558 communes sur les 1541 connaissent une distribution irrégulière, variant d’un jour sur deux à plus d’une semaine.

Les raisons sont diverses, parfois c’est l’insuffisance de la ressource et dans d’autres cas c’est l’absence de l’infrastructure. 417 communes sont toujours gérées par des régies communales qui dans leur majorité n’ont ni les moyens ni le savoir-faire.

Depuis le début de l’année et malgré les contraintes liées à la crise sanitaire qui a entravé nos mouvements, nous avons quand même réussi à faire passer 108 communes de plus au stade de la desserte quotidienne en eau : c’est un plus !

Notre engagement est de faire passer le reste des communes en souffrance à une distribution en eau quotidienne vers la fin du premier trimestre 2021. Pour ce faire, 10 projets structurants, dont l’avancement dépasse les 90%, vont être livrés d’ici la fin de l’année.

De même, plus de 700 autres projets, menés à l’échelle locale, apporteront l’amélioration tant attendue pour le reste des communes.

Enfin, autre dossier complexe, l’intégration à l’ADE de 417 communes a repris, en étroite coordination avec le secteur de l’Intérieur et des Collectivités locales et sera parachevé vers la fin de l’année prochaine.

Comme vous pouvez le constater, nous nous sommes engagés sur un grand nombre de projets pour l’année en cours et pour 2021, ces projets avancent malgré toutes les contraintes.

D’ici 2021, il y aura encore des communes en difficulté, mais leur nombre diminuera progressivement jusqu’à l’atteinte de nos objectifs finaux. Je veillerai personnellement à ce que l’information sur nos avancées soit transmise aux citoyens concernés, étape par étape.

– Vous avez annoncé le projet d’interconnectivité des réseaux de transfert. Qu’en est-il ?

L’interconnexion entre les barrages et les grands systèmes hydrauliques a joué un rôle prépondérant dans l’accès équitable à l’eau entre les régions, car il rend possible l’acheminement de l’eau des zones excédentaires vers celles en déficit.

Cet axe est un levier majeur de notre «Stratégie 2030 ». Des études sont lancées pour examiner la faisabilité de certaines interconnexions, Mexa-Tarf avec Aïn Dalia-Souk Ahras et Ouldjet Mellegue-Tébessa.

De même, le système des Hautes Plaines Sétifiennes (HPS) avec le transfert Béni Haroun, et d’autres encore, qui présentent un intérêt en matière d’interchangeabilité ou d’interconnexion. Naturellement, le parachèvement de ces programmes s’opérera d’une manière planifiée et coordonnée et dans le strict respect des prescriptions du «Plan national de l’Eau», tout en tenant compte des capacités de financement du secteur.

– Comment comptent réagir vos différentes directions contre le gaspillage de l’eau, les fuites récurrentes et les piquages illicites ?

Le gaspillage de l’eau est, à mon sens, une conséquence directe de sa quasi-gratuité. Vous savez bien que, de par le caractère social de l’Etat algérien, les transferts sociaux seront maintenus en toutes circonstances, même s’il y a une nécessité d’aller vers plus de ciblages, pour protéger en priorité les couches les plus fragiles et les plus démunies de notre société.

Alors que la révision du tarif de l’eau n’est pas à l’ordre du jour, notre premier levier pour lutter contre le gaspillage c’est la communication, encore et toujours, pour sensibiliser le plus grand nombre et favoriser une nouvelle culture de l’eau en Algérie.

C’est d’ailleurs l’un des axes importants dans notre stratégie, et je lance un appel au mouvement associatif et à toutes les bonnes volontés pour nous aider dans cette tâche. Cela dit, les pertes ne sont pas dues uniquement au gaspillage lors de la consommation. De grandes quantités sont perdues à cause des fuites dans les canalisations, ou à cause des piquages illicites.

Les pertes sur le réseau existent même dans les pays développés. Le problème, c’est que le pourcentage des pertes chez nous avoisine les 50% entre fuites et piquages. Concernant les fuites, nous voulons les réduire de 7% d’ici 2024, ce qui représente un énorme effort vu la taille de nos réseaux.

A partir de 2024, nous resterons sur une cadence de 2000 kilomètres de canalisations réhabilitées chaque année. Maintenant, en ce qui concerne les piquages illicites, nous avons parlé tout à l’heure de la Police de l’eau.

C’est elle qui nous permettra de réaliser des avancées significatives face à ce problème. Aujourd’hui, elle existe, mais son statut ne lui permet pas d’être systématiquement relayée par l’appareil judiciaire. Autrement dit, elle ne jouit pas du statut de police judiciaire.

Nous projetons à travers la proposition d’une nouvelle loi de créer des mécanismes qui vont nous permettre de former des agents au sein des services de sécurité afin qu’ils assurent eux-mêmes le rôle de Police de l’eau.


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