Repère

Le patriotisme dont Drareni est le prénom



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Ou pourquoi, à mon sens, Sid-Ahmed Drareni, moudjahid et père du journaliste, n’a pas renié son fils au tribunal de la vie.

J’emprunte ici au titre que mon confrère, Saïd Djafer, avait donné en mars de cette année à une chronique pour Radio Corona Internationale et intitulée «Le journalisme dont Khaled Drareni est le nom», alors que celui-ci était incarcéré aux «Quatre hectares», nom par lequel la légende urbaine d’Alger a désigné la prison d’El Harrach du fait de sa superficie.

Dans ce texte à chaud marqué néanmoins par la sagesse familière à Saïd Djafer, il reprenait une déclaration de Khaled Drareni suite à l’un de ses interrogatoires : «La seule véritable violence que j’ai subie est qu’on remette en cause mon patriotisme alors que nous étions à une centaine de mètres de la rue Mohamed Drareni.»

Saïd Djafer précisait : «Il (Khaled) a un nom de martyr, Mohamed Drareni, son oncle mort au combat… C’est son héros, un homme ouvert et déterminé. C’est son héros intime, son modèle.»

Certes, il n’existe pas de transmission biologique du patriotisme. L’histoire de la résistance algérienne, du mouvement national et de la guerre de libération – et l’on peut remonter ainsi jusqu’à l’Antiquité – nous en fournit tant d’exemples, le plus classique étant celui de ces harkis ou bachaghas inféodés au colonialisme dont les rejetons n’ont pas hésité à rejoindre la cause nationale.

En revanche, il est indéniable qu’une éducation familiale bien assumée peut inculquer des valeurs sincères et les enraciner profondément dans l’esprit d’un enfant.

Je n’ai pas eu encore l’honneur, comme Saïd Djafer, de devenir un ami de Khaled Drareni, mais l’ayant croisé quelques fois, notamment lorsqu’il travaillait à la télévision, j’ai pu lors de brèves mais riches discussions découvrir qu’il avait une parfaite éducation. «Awled familya», comme l’on dit chez nous, «gendre idéal», comme l’on dit ailleurs.

Et cette impression m’avait laissé penser qu’il y avait derrière sa personne toute l’éducation affectueuse et attentive d’une famille algérienne cultivant l’algérianité.

De plus, comme l’anthroponymie de notre pays, si riche et si instructive, me passionne, je lui avais demandé à notre première rencontre s’il avait un lien avec le martyr Mohamed Drareni.

Cet homme admirable, je m’y étais intéressé auparavant, comme d’autres dont je désespère souvent de lire le nom sur une plaque de rue ou une enseigne de collège sans rien savoir d’eux.

Né en 1928 à Bologhine, dans la famille nombreuse d’un ouvrier, il avait obtenu le certificat d’études primaires à la fameuse école Sarrouy de La Casbah, pépinière de nationalistes. Terminus obligé des études, il deviendra en 1944 télégraphiste et syndicaliste de la section CGT des Postes.

En 1950, il est élu à l’Union départementale de ce syndicat. Il est aussi un des piliers des Scouts musulmans algériens et, avec l’historien Mahfoud Kaddache et Mohamed Salah Louanchi, il crée la section des anciens scouts, les Routiers.

Après la Deuxième Guerre mondiale, il milite au PPA-MTLD (Parti du peuple algérien, Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques). Dès son adhésion au FLN, il joue un rôle très actif dans l’organisation, en contact direct avec des dirigeants comme Benyoucef Benkhedda ou Abane Ramdane.

Il participe aux contacts d’étudiants français catholiques réunis par le Pr Pierre Chaulet, l’initiative visant à la mobilisation de nombre d’Européens dans la lutte pour l’indépendance.

Mais il est surtout un des artisans essentiels avec Aïssat Iddir de la création, le 24 février 1956, de l’Union générale des travailleurs algériens, quelque jours après celle des messalistes (USTA) qui périclitera vite.

Entré en clandestinité, activement recherché par l’armée française durant la grève des Huit Jours de janvier 1957, il échappe plusieurs fois à son arrestation.

Mais l’étau se resserre et il rejoint les maquis de la Wilaya VI, où il fut un remarquable commissaire politique. En janvier 1957, âgé de 29 ans, il meurt au champ d’honneur, les armes à la main, à Aïn Boucif, près de Sour El Ghozlane.

Khaled Drareni m’apprit donc que ce martyr était son oncle direct. Je me souviens de la fierté qui ressortait de sa brève réponse, mais une fierté sobre, de l’ordre de l’évidence, quelque chose qui, sans le dire, disait qu’il pensait simplement naturel et juste le fait de défendre sa patrie.

Il ne revendiquait pas cette parenté à son profit, comme certains chez lesquels la gloire des aïeux peut glisser vers le faire-valoir personnel.

«Oui, c’était mon oncle, Allah irrahmou» et c’était dit en cinq mots, toute l’intensité des propos logée dans le ton et le regard. Aussi, quand Saïd Djafer affirme que pour Khaled, cet oncle était un «héros intime et un modèle», je le crois volontiers pour l’avoir fortement ressenti.

Dès lors, je ne peux imaginer que Khaled ait pu trahir la mémoire de son oncle, ni l’éducation de ses parents, car il lui eut fallu passer par là pour «porter atteinte à l’unité nationale».

Je suis même persuadé que s’il en avait été ainsi, son père, Sid-Ahmed, discret mais bien connu, n’ayant de cesse d’honorer son frère et tous les moudjahidine à chaque occasion, conférences ou célébrations, aurait renié son fils.

Dans sa lettre au président de la République, ce vieux moudjahid affirmait : «Khaled a grandi dans une famille de chouhada et de moudjahidine, toute son éducation et sa conduite en sont profondément marquées».

La géographie urbaine est parfois cruelle. Arrêté une fois à une centaine de mètres de la rue baptisée au nom de son oncle, Khaled a été condamné entre la rue Abane Ramdane et celle de la Liberté ! J’oubliais la raison de mon titre. Le nom de guerre du martyr Mohamed Drareni était Si Khaled.


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