Année 2020, casse-toi !



...

Ma chronique sera un peu particulière pour cette semaine. Je m’adresserai à l’année 2020, l’année en cours donc, lui demandant de se casser. De se tirer. De disparaître. De foutre le camp. De déguerpir. De s’effacer du paysage. D’aller au diable. De cacher sa face hideuse. De ne plus montrer sa tête de monstre. Hop, du balai. Donne du bruit à tes pas. Qu’on ne te voie plus. Baisse la tête. Et retire-toi sur la pointe des pieds. Tu en as assez fait. Tu es la pire des années. De toutes les années de ma vie. 
Je n’ai rien à attendre de toi. Habituellement, je faisais semblant d’esquisser un sourire en fin d’année. Et je faisais semblant de me convaincre de prendre de bonnes résolutions. Que puis-je attendre de toi ? Une seule chose : que tu disparaisses de ma vie. Qu’as-tu ramené dans ta besace ? De belles choses ? Du tout, tu as semé, au fil des jours, le désespoir, l’impuissance et la mort. Oui, l’impuissance, la peur, la mort et le deuil. Mourir, la belle affaire ! Je ne sais plus qui est l’auteur de cette sentence ? J’ai la mémoire sens dessus dessous. Mes souvenirs jouent à cache-cache avec moi. Et je n’ai plus la force ni l’envie de cette gestuelle puérile.
Comme tout le monde, je m’attendais à passer une année 2020 studieuse. Lire. Écrire. Relire. Rencontrer du rêve. Rire et espérer (Pourquoi pas ?). Mais enfin, tu aurais pu te contenter de traîner tes guêtres, au jour le jour, donnant à l’un le soupir, à l’autre l’indulgence. Parfois la réussite. Souvent l’attente du jour suivant. Oui, comme les années précédentes. Chacun de nous connaît des fortunes diverses. Je sais que tu n’as rien d’égalitaire dans le partage du temps. Ça fait un sacré paquet d’années que j’expérimente ce souci. Sauf que tu as fait de 2020 une année merdique, au sens propre du terme. 
Tu as gonflé ta poitrine de rancœur. Tu as aiguisé tes crocs de louve affamée. Tu as montré tes biscottos. Oui, tu as fait tout ce cirque. Mais en fait, ce n’était pas que gesticulations d’épouvantail que malmène le vent. Tu as décidé de semer la mort, tout autour de nous. Un volcan aurait soufflé sa lave démoniaque ; il aurait dévoré une contrée ; il aurait rugi quelques jours ; il serait tu, après. Car, il aura calmé sa faim d’ogre. Pareil pour un tsunami. La mer aurait vomi ses entrailles ; elle aurait fauché des vies, sans distinction. Puis, elle se serait retirée d’elle-même. Depuis la nuit des temps, l’homme a accepté ses ruades incontrôlées. Il accepte cette sentence. Et le poids tragique des dégâts. Là, l’homme dans son côté ange, a trouvé la parade. Il se protège. Il apprit à le faire. 
Mais toi, année 2020, de quelle ventre putride es-tu tombée ? Quelle est donc ce ventre qui a pu te porter, au point où ta naissance a semé dans le cœur de l’homme la désolation ? Le deuil. Et une mort sans visage. Aucune frontière ne te résiste. Tu passes partout. Tu sèmes ton fruit vénéneux dans toutes les contrées. Et l’homme, misérable créature, n’a su que se cacher derrière les murs, inutilement, de sa maison. La maison ? Abri superficiel ! Rien d’autre ! 
L’homme nomme toujours, comme pour falsifier sa peur, le danger. Aux tornades, il donne des noms d’êtres humains. Comme 2020 lui donne du fil à retorde, il n’a pas su nommer le mal. Il s’est contenté de le nommer par un nom d’extraterrestre. Le Covid-19 ! Voilà l’enfant empoisonné de cette année. Cet enfant est invisible à l’œil nu. Il prend l’homme par la bouche, les narines et les yeux. Tous les orifices possibles lui permettent de se déployer pour bouffer sa proie de l’intérieur. Pourquoi a-t-il oublié les oreilles ? Et un autre orifice naturel que je ne nommerai pas. L’année 2020 est une sacrée catin ! 
Et l’homme, dans sa fausse supériorité face à cette épidémie, n’en fait qu’à sa tête. Pressé de vivre plus vite que la montre, il gonfle la poitrine, comme s’il était invincible, et se découvre face à un virus, autrement plus dangereux que la stupidité humaine. En chopant cette saleté, il la refourgue à ses proches, ses voisins, voire à des inconnus. En toussant. En postillonnant. En touchant un objet. L’homme n’a pas conscience qu’il met en danger sa vie, et la vie d’autrui. Parce qu’il n’y a aucun traitement efficace, pour le moment. Ce corona me rappelle une autre saleté, le VIH. Jusqu’à la mise en place d’un traitement efficace, les morts se comptaient par milliers. Le seul bouclier efficace était de couvrir ; ce qui est demandé aujourd’hui, face à cette épidémie, c’est de sortir couvert, ou masqué, au choix. 
Une voix intérieure ne cesse pas de me houspiller : «Tu es ridicule avec ton masque. Respire la vie à pleines narines. Montre grandement ton sourire, quand tu es content. Je ne vois rien de toi. Tu es caché. Tu es ‘’bavetté.’’ Puis, si tu meurs, tu ne mourras qu’une fois. ‘’Tu ne mourras plus demain’’», selon la belle expression de Anouar Benmalek. Au fond de moi, je commençais à m’énerver. Même si tu sors du plus profond de moi, tu n’es rien ; tu ne représentes rien ; tu n’es qu’une idée vague, sans consistance ; tu n’es qu’un brin d’air ; tu n’appelles aucune conviction. Alors, ta gueule ! Et comme cette année 2020, casse-toi ! Fais-toi silencieux, tu n’as aucune emprise sur ma volonté. Un peu comme ces tarés du ciboulot qui passent leur temps à opposer un déni à une pandémie. 
Quoi ? Il ne reste pas grand-chose, cette année s’en ira doucement, mais sûrement. Oui, c’est possible. Sauf qu’elle ne met pas la forme, ni le panache. Elle trémousse du derche ; elle nous nargue ; elle donne du temps au temps. Mon problème justement, c’est ce temps qui fait la nique à une humanité démunie. Oh, je ne m’en fais pas pour les puissants de monde, ils ont les moyens de leur politique. Le pouvoir de l’argent est grand. Le pouvoir du pouvoir l’est tout autant. Les puissants ne meurent pas, ils ne font que s’endormir. J’ai en tête l’aveu d’un ami, aujourd’hui hospitalisé, qui me dit dans un souffle à peine perceptible : « Je suis hospitalisé dans un couloir. » Je ne savais pas quoi lui répondre, sinon de lui demander de tenir bon. Vain réconfort ! Et vaine consolation pour ma caboche qui n’arrête pas de flamber. J’aurais voulu affréter un avion médicalisé et l’évacuer sur le plus grand hôpital du monde. Sauf que je n’ai aucun pouvoir ni celui de l’argent ni celui du pouvoir ; je mets seulement ma tête entre mes mains, regarde le ciel dans son immensité, espérant que cette année 2020 se casse le plus vite. Et qu’un laboratoire de là-bas «nous» trouve un vaccin, demain, pour limiter la casse. Au point où ça va, on n’est pas près de sortir de l’auberge du diable.
Youcef Merahi
 


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