Hadj Ali Allali. Propriétaire d’une société de pompes funèbres

«Nos ambulances ne s’arrêtent plus»



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Depuis le début de la pandémie, Hadj Ali Allali, propriétaire d’une société de pompes funèbres, s’est fait connaître dans le milieu hospitalier en offrant ses services aux morgues mais aus si aux familles, pour prendre en charge les dépouilles Covid. Dans cet entretien, il parle de cette activité méconnue dans un pays où la culture du cercueil s’est imposée en raison de la pandémie.

– Comment avez-vous pu offrir vos services alors que les familles algériennes en général n’ont pas pour tradition de faire appel aux services des pompes funèbres et encore moins à mettre leurs morts dans un cercueil ?

Lorsque la société a été créée en 2008, on travaillait principalement avec les étrangers. On organisait les rapatriements des dépouilles mortelles dans les deux sens, c’est-à-dire recevoir les dépouilles d’Algériens décédés à l’étranger et se charger de les transporter jusqu’au domicile familiale et, en même temps, organiser le rapatriement de celles de ressortissants étrangers décédés en Algérie, en mettant à leur disposition des cercueils et en assurant toutes les formalités de leur transfert vers leur pays.

A l’étranger, les procédures d’inhumation sont réglementées. Le cercueil est une obligation. Chez nous, un décès obéit à tout un rituel et suscite une large solidarité parmi les proches, les voisins, les collègues, etc.

De plus, il y a tout ce rite, lié à la toilette, au linceul, à la prière du mort, qui doit se faire en groupe et avec un maximum de personnes.

L’apparition de la pandémie a tout chamboulé. Pour des raisons de sécurité, les autorités sanitaires ont obligé les familles à mettre la personne décédée par la Covid dans un cercueil scellé, mais aussi à annuler le rituel mortuaire et les regroupements. Les gens avaient très peur et ne savaient pas comment agir.

Certains hôpitaux, avec l’aide de l’EGPFC (Etablissement de gestion des pompes funèbres et cimetières), mettaient à leur disposition les cercueils et parfois même des ambulances pour transporter la dépouille. Celle-ci est escortée par les services de police et l’enterrement était assuré en présence de quatre personnes de la famille, pas plus.

De temps en temps, certains établissements hospitaliers nous sollicitaient. Nous avons acheté des équipements de protection et mis nos ambulances au service des familles endeuillées. Pour nous, ce n’était pas du tout commercial.

Le prix était symbolique. Il ne dépassait pas 3000 DA, et souvent lorsque la famille est démunie, nous n’encaissons rien. A aucun moment nous n’avons laissé un mort derrière nous faute de paiement. Dieu nous a donné une force qui nous a permis d’aider les gens sans avoir peur du risque encouru.

Les dix ambulances et leurs chauffeurs étaient affectés aux dépouilles Covid. C’était très difficile pour nous certes, mais nous pensions surtout à la douleur des proches. Nous aidions beaucoup les hôpitaux.

Ce sont nos services de rapatriement qui nous rapportent le plus et nous permettent d’offrir nos prestations aux familles endeuillées par la Covid. Nous fabriquons nous-mêmes les sacs hermétiques pour les morts Covid et plusieurs modèles de cercueils destinés aux ressortissants étrangers.

Nous compensons nos pertes par notre activité avec les rapatriements des dépouilles des ressortissants étrangers et des Algériens qui meurent à l’étranger aussi bien de la Covid ou autre. Nous assurons le transport de ces derniers, dans les conditions de respect des mesures sanitaires, depuis l’aéroport jusqu’à leur lieu d’enterrement.

– Y a-t-il des familles qui vous sollicitent directement ?

C’est rare que les familles nous sollicitent d’elles-mêmes. Elles sont dirigées vers nous lorsqu’elles arrivent aux services des morgues pour récupérer leurs proches. S’il y a indisponibilité des cercueils, ou d’ambulance pour le transport mortuaire, on les dirige vers nous.

Mais depuis quelques semaines, nous n’arrêtons pas. Nos ambulances ne s’arrêtent plus. La charge de travail est plus importante…

– Voulez-vous dire que le nombre de morts a augmenté ?

Je peux dire que nos interventions au niveau des hôpitaux sont de plus en plus nombreuses comparé à avant. Nos journées sont pratiquement pleines. Il ne faut pas voir cette activité sous l’angle commercial.

Un cercueil dont le prix de revient est à 10 000 DA est cédé à 5000 ou 6000 DA, et même au prix symbolique de 3000 DA, sans compter que, souvent, il y a des cas où nous ne prenons aucun dinar lorsque la famille n’a pas les moyens. Depuis quelque temps, les gens n’ont plus peur de la pandémie.

Petit à petit, ils ont commencé à ne plus avoir peur. On les voit dans les cimetières et ailleurs. Toute l’organisation qui était avant a été bousculée rapidement par un nombre de plus en plus élevé de décès.

Du coup, les cercueils et les ambulances ne suffisent plus. Les sociétés de pompes funèbres sont sollicitées. Il y a même des malades Covid qui meurent chez eux. Nous sommes passés d’une moyenne de 5 à 6 morts Covid par jour, à une quinzaine quotidiennement.

Les hôpitaux et l’Etablissement public de gestion des pompes funèbres font tout ce qui est possible pour assurer une prise en charge des morts Covid, mais les capacités restent en deçà. Il faut que les gens sachent que la pandémie est très dangereuse. Il faut se protéger et protéger les personnes vulnérables.

Il faut arrêter d’aller aux enterrements, de se regrouper et respecter la distanciation et le port du masque. Moi-même j’ai perdu ma mère, non pas à cause de la Covid, mais j’ai tout fait pour que les gens ne viennent pas chez moi. C’était dur de le faire. Mais je l’ai fait malgré moi pour protéger les proches et les amis.


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