Détention provisoire

Les cas de Nekkaz, Ghediri et de nombreux activistes intriguent



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Des détenus attendent indéfiniment leurs procès que les différentes juridictions ne sont pas pressées de programmer. Pourquoi ?

L’homme politique, Rachid Nekkaz, emprisonné depuis près d’une année à la prison de Koléa, vient de remettre au-devant de la scène la problématique de la détention provisoire.

Dans une lettre adressée, avant-hier, au ministre de la justice, Belkacem Zeghmati, il soulève un précédent grave dans la pratique judiciaire nationale : la prorogation par effet rétroactif de son mandat de dépôt. «(…) Aujourd’hui, c’est à mon tour en novembre 2020, d’être victime d’une injustice flagrante.

En effet, lors de ma demande de mise en liberté, un juge de la chambre d’accusation de la cour d’Alger a violé la loi, notamment l’article 128 du code de procédure pénale qui interdit de prolonger un mandat de dépôt de façon rétroactive avec 24 heures de retard.

Le renouvellement de ma détention provisoire devait avoir lieu dans un délai de quatre mois à partir de la date de mon incarcération le 4 décembre 2019. Ce mandat de dépôt de renouvellement a été signé le 5 avril 2020 alors qu’il aurait dû être signé le 4 avril 2020», écrit-il dans cette lettre.

Et d’ajouter : «Conformément à l’article 128 du code de procédure pénale, ma détention est illégale. Je suis arbitrairement et injustement détenu, depuis 8 mois, au centre pénitentiaire de Koléa situé dans la wilaya de Tipasa». Rachid Nekkaz demande ainsi sa libération.

Ce fait, révélé au grand jour aujourd’hui, est qualifié par l’ancien magistrat et avocat, Abdellah Heboul, «d’une honte pour la justice algérienne». «Cette affaire est un scandale au sens propre du terme. C’est un cas de détention arbitraire avéré. La loi algérienne interdit l’application de décision par effet rétroactif», souligne-t-il.

Comme Rachid Nekkaz, le général à la retraite, Ali Ghediri et des dizaines de détenus d’opinion voient leur liberté mise entre parenthèse des mois durant. Et cela en raison de ce qui est qualifié par les avocats d’«abus de la détention provisoire».

Ces détenus attendent indéfiniment leurs procès que les différentes juridictions ne sont pas pressées de programmer. Pourquoi ? Selon Me Abdellah Heboul, plusieurs paramètres ont favorisé cet abus. «Il y a d’abord le problème de la mentalité des magistrats qui refusent de comprendre la valeur de la liberté du justiciable», explique-t-il.

Mais, ces derniers, ajoute-t-il, agissent également à leur guise et sans aucun contrôle. «Les magistrats qui abusent de la détention préventive ne sont pas tenus de rendre des comptes à leur hiérarchie», souligne-t-il, rappelant que l’institution judiciaire et intimement liée au régime politique. «Un régime peu soucieux du respect des libertés démocratiques ne peut produire une justice libre et indépendante», regrette-t-il.

Poursuivant, Me Heboul relève aussi l’existence de dispositions de lois anticonstitutionnelles qui encouragent les magistrats à recourir aux mandats de dépôt. Il cite dans ce sens l’article 339 bis 6 du code de procédure pénale, amendé en 2015.

Des dispositions de lois anticonstitutionnelles

Cet article stipule que : «Le tribunal peut, lorsqu’il décide de renvoyer l’affaire et après avoir entendu les réquisitions du parquet, le prévenu et son conseil prendre l’une des mesures suivantes : laisser le prévenu en liberté ; soumettre le prévenu à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire prévus par l’article 125-1 de la présente loi ; placer le prévenu en détention provisoire.

Les ordonnances rendues par le tribunal conformément à cet article ne sont pas susceptibles d’appel». Cette disposition, précise l’avocat, est en contradiction avec l’article 59 de la Constitution.

Celui-ci précise que «nul ne peut être poursuivi, arrêté ou détenu que dans les conditions déterminées par la loi et selon les formes qu’elle a prescrites.

La détention provisoire est une mesure exceptionnelle dont les motifs, la durée et les conditions de prorogation sont définies par la loi. La loi punit les actes et les faits d’arrestation arbitraire». «L’article 339 du code de procédure pénale est en totale contradiction avec la Constitution.

Dans nos plaidoiries dans les affaires des détenus du hirak, nous avons demandé aux juges de saisir le Conseil constitutionnel sur cette question. Mais en vain», déplore-t-il, dénonçant, au passage, l’interdiction de faire appel de la décision du tribunal consacrée par cette disposition.    


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