Pour l’ex-envoyé spécial onusien au Sahara occidental James Baker

Il y a risque de tensions en Afrique du Nord



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La reconnaissance par le président Donald Trump de la prétendue souveraineté marocaine sur le Sahara occidental risque de créer un climat d’instabilité en Afrique du Nord, dont pourrait profiter Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI) et d’autres groupes terroristes.

C’est ce qu’a indiqué l’ancien envoyé spécial de l’Organisation des Nations unies (ONU) au Sahara occidental, James Baker, dans une tribune publiée jeudi dans le Washington Post relayée hier par l’APS. «La possibilité d’une montée des hostilités entre le Maroc et le Front Polisario» engendrerait une «situation» qu’«Al Qaîda au Maghreb islamique et d’autres groupes terroristes pourraient exploiter».

Pour l’ex-secrétaire d’Etat américain, cette décision «téméraire» et «cynique» pourrait aussi «compliquer» les relations entre les Etats-Unis et l’Algérie, «un important partenaire stratégique». Et d’observer : «La détérioration de nos relations avec l’Algérie, principal défenseur du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination, pourrait affecter l’avenir de nos relations commerciales ainsi que notre coopération militaire et en matière de lutte antiterroriste.» Aussi, il a discerné en la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental «un étonnant abandon des principes du droit international par les Etats-Unis, ainsi que ses propres principes diplomatiques».

Une option qui «aggravera une situation déjà dans l’impasse, celle du règlement du long conflit opposant le Maroc au peuple sahraoui (…)» qui revendique son indépendance.

Il a soutenu que Washington ne doit pas tourner le dos au peuple sahraoui en tentant de rendre meilleures les relations entre ses voisins et Israël. «Dès 1975, lorsque le Maroc a pris le contrôle du Sahara occidental par la force après le retrait de l’Espagne, les Etats-Unis et la plupart des membres de la communauté internationale ont refusé de reconnaître la légitimité de cette revendication (la souveraineté sur le Sahara occidental)», a rappelé l’ancien secrétaire d’Etat. «La reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental par l’administration Trump est un revirement majeur et regrettable dans une politique américaine au long cours défendue aussi bien par les démocrates que par les républicains», a-t-il poursuivi.

A son avis, «les Etats-Unis ont abandonné de manière imprudente leurs principes pour quelque chose qui ne changera rien à la position de la communauté internationale en ce qui concerne la résolution du conflit». En la circonstance, il a appelé le président élu, Joe Biden, qui prendra ses fonctions le 20 janvier, à annuler cette décision.

Entraves

Lundi dernier, un autre ancien émissaire des Nations unies pour le Sahara occidental, Christopher Ross, a affirmé que la décision du président américain de reconnaître une prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental ne change rien à l’approche de la communauté internationale sur ce conflit. Il est «évident que la proclamation du président américain sortant reconnaissant une souveraineté qui n’appartient ni à lui ni au Maroc est insensée, irréfléchie et dangereuse».

Cette «décision ne change rien à l’approche de la communauté internationale sur le dossier du Sahara occidental et à la nécessité urgente d’appliquer les résolutions successives du Conseil de sécurité», a déclaré Christopher Ross, selon l’APS relayant la Radio algérienne Chaîne 3. «On se demande tous pourquoi le président Trump a fait cette déclaration vu que, depuis le début de son mandat, il y avait de fortes voix qui lui disaient qu’il ne fallait pas changer la position des Etats-Unis», s’est-il interrogé. Cette décision «va compliquer l’arrivée à un accord et contribuer à une tension dangereuse et croissante» qui «menace la paix et la sécurité» dans la région.

Christopher Ross a été nommé en 2009 envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental. Il a démissionné de son poste le 6 mars 2017. Sur sa page Facebook, il a écrit dimanche que le Maroc a fait preuve d’un «manque de respect» et a entravé le travail des émissaires de l’ONU. Il a indiqué qu’un autre ancien émissaire onusien, Horst Köhler, n’aurait pas démissionné de son poste pour des «raisons de santé» mais plutôt «parce qu’il était dégoûté par le manque de respect du côté marocain et les efforts déployés pour entraver son travail, comme cela a été le cas pour moi».

Il a affirmé que le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, est actuellement à la recherche d’un autre émissaire pour le dossier sahraoui, mais «tous ceux qui ont été approchés jusqu’ici ont hésité, probablement parce qu’ils savent que le Maroc cherche en réalité quelqu’un qui soit susceptible de devenir son avocat plutôt que de rester neutre».

L’émissaire onusien, l’ancien président allemand Horst Köhler, a réussi à relancer les pourparlers au point mort depuis 2012, en convoquant les parties concernées à deux tables rondes à Genève en décembre 2018 puis en mars 2019. Néanmoins, il a démissionné en mai 2019 «pour raisons de santé».

Le président Trump a annoncé, le 10 décembre, reconnaître le Sahara occidental comme faisant partie du territoire marocain en contrepartie de la normalisation des relations entre le Maroc et Israël.

Le Conseil de sécurité de l’ONU devrait débattre lundi du Sahara occidental, pour la première fois depuis la rupture, il y a plus d’un mois, du cessez-le-feu et la reconnaissance américaine de la souveraineté du Maroc sur ce territoire.


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