Indépendance et capacité d’indépendance économique



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Avec la chute du bloc socialiste, l’économie mondiale est entrée dans une nouvelle ère de doctrines et de pratiques économiques. Beaucoup d’anciennes conceptualisations furent vite abandonnées par les nouveaux convertis aux mécanismes de l’économie de marché.

On a pratiquement mis de côté ce qui est utile et ce qui est superflu dans les conceptualisations des économies socialistes. Parmi de nombreux concepts vite mis au placard demeure celui de l’indépendance économique. A l’époque de l’ère socialiste, l’indépendance économique recouvrait de nombreuses conceptualisation et pratiques. On devait être en mesure d’assurer sa survie et l’essentiel de sa croissance de plus en plus sur des bases internes et devenant de moins en moins dépendant de l’extérieur quitte à être un peu moins efficient. Mais cette manière de voir est de plus en plus rejetée jusqu’à très récemment.

C’est en fait la pandémie de la Covid-19 qui a permis à de nombreux décideurs et analystes de reconsidérer leurs positions. Des pays très prestigieux et technologiquement avancés avaient perdu un temps fou à chercher à s’approvisionner en masques, gants et respirateurs, laissant la pandémie se disséminer rapidement et créer des ravages parmi les populations et décimer l’activité économique. Des pays qui produisaient aisément des fusées, des sous-marins et des avions étaient incapables de produire rapidement des masques pour protéger la population. Voilà ce qu’il en coûte de prendre des positions extrêmes du genre se spécialiser très finement et externaliser toute production qui serait réalisée à moindre coût ailleurs. Il fallait revoir tout simplement la doctrine trop simpliste de la spécialisation à l’extrême.

Implications de la doctrine du commerce international

La classe politique mondiale semble avoir pris au mot les préconisations des théories des échanges internationaux. Ces dernières postulent que l’essor du commerce international est l’un des plus importants déterminant de la croissance économique. Plus vous vous intégrez dans le système de la division internationale du travail, plus votre économie va croître et plus le bien-être s’installe dans le pays. Même si vous avez des avantages en termes de coûts dans certains produits ou services, vous avez intérêt à laisser d’autres les produire et vous focalisez sur ce que vous faites de meilleur (avantages relatifs). Alors, les pays développés ont laissé leur production filer en Asie en prétextant qu’ils feraient beaucoup mieux de produire autre chose de plus sophistiqué, comme les nouvelles molécules médicales, les nanotechnologies et autres. On a carrément évité de penser en termes stratégiques et exclu de cet arsenal de possibilités les produits et les services ayant un impact vital sur le devenir des populations civiles.

Les pays en voie de développement ont suivi le mouvement mondial sans se poser trop de questions sur la signification et les suppositions qui sont faites sur la nature et les mécanismes du commerce international. Les écrits et les doctrines sur la question du commerce international, même s’ils datent de la fin du XVIIIe siècle, font des hypothèses peu vraisemblables pour la situation des pays en voie de développement à l’heure actuelle. Il y a beaucoup de suppositions pour que les conclusions des théories des échanges internationaux soient valides sur terrain. L’une des plus importante relève de la mobilité des facteurs tangibles et intangibles. On suppose que les capitaux, les ressources humaines et la technologie voyagent sans restriction entre les pays qui échangent. On sait que le facteur le plus important qui est le travail (les ressources humaines) ne se déploie pas librement et donc nous avons une entrave sérieuse au développement d’un commerce international, comme préconisé par les théories qui le décrivent.

L’essentiel et le superflu

Mais lorsqu’on oublie de séparer l’essentiel de ce qui ne l’est pas, on risque dans des situations imprévues d’en payer le prix. C’est ce qui est arrivé à de nombreux pays puissamment développés qui se sont retrouvés confrontés à la pénurie de produits d’une importance stratégique vitale mais qui ont été externalisés. Pire encore, on n’avait même pas un plan d’urgence pour remédier au déficit. En théorie stratégique, si on décide de ne pas disposer d’un outil qui risque d’être fondamentalement utile, on aura un plan de contingence pour se le procurer.

Par exemple, pour notre pays, si l’on confectionnait un plan stratégique, il serait sûr de considérer que le blé demeure une denrée stratégique pour notre pays. Donc la première solution la plus importante serait de produire au moins au niveau de l’autosuffisance. Nous ne pouvons pas nous permettre d’externaliser un produit stratégique de ce genre. Cela relève de la sécurité nationale. Alors tout un processus de réflexion stratégique se déroulerait au niveau des institutions stratégiques autour de cette question. L’institut national des études de stratégie globale se pencherait sur la question et trouverait une solution.

Dès lors qu’un produit stratégique est produit à l’extérieur, il nous faudrait un plan de contingence. Qu’arriverait-il si on a une pénurie mondiale sur ce produit vital pour notre population ? En avril 2020, la Russie avait décidé d’interdire toute exportation de céréale mettant en péril le marché international. Si la plupart des pays avaient suivi, que se serait-il passé pour notre population, si la plupart des pays avaient suivi le mouvement ?

En plus des prix qui avaient grimpé de plus de 45%, on aurait eu des pénuries graves pour notre population. Cette planification stratégique ne doit exister que pour les produits vitaux pour la population. Et peut-être qu’elle existe mais nous ne sommes pas au courant. On peut substituer au concept d’indépendance le second qui est le potentiel d’indépendance. On pourrait avoir un stock pour deux ans (si c’était possible) en plus d’un plan spécial pour produire cet aliment ou un autre de substitution en cas de pénurie rapidement et sans nuire au bien-être de la population. Un pays comme l’Allemagne ne produit pas les micro-processeurs pour ordinateurs.

Il n’a pas d’indépendance économique dans ce domaine. Mais il a une grande capacité d’indépendance. En cas de problème, son industrie électronique serait capable de produire rapidement ces composants. Il n’a pas d’indépendance mais une grande capacité d’indépendance. Alors le commerce international serait complété par une série de plans de contingence pour disposer soit d’une indépendance réelle soit d’une capacité d’indépendance pour circonscrire tout problème capital qui risquerait de bouleverser l’équilibre social et économique de notre pays.

Indépendance ou capacité d’indépendance doivent être réintégrés dans nos conceptualisations de stratégies de contingence. On ne doit pas laisser uniquement le marché nous mettre en péril chaque fois que des dysfonctionnements apparaissent en son sein. La leçon est simple. Pour chaque produit ou service stratégique, nous devons avoir soit une réelle indépendance soit une capacité d’indépendance.

 

Abdelhak Lamiri

PH. D. Insim Sup


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