Café littéraire et philosophique de Tizi Ouzou

Plaidoyer pour la protection du patrimoine architectural



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Entre la restauration, la sauvegarde et la rénovation, quelle est l’option à suivre pour que le bâti ancien demeure ? 

Le Café littéraire et philosophique de Tizi-Ouzou qu’abrite à titre bénévole l’établissement Aminel de Tizi Ouzou a accueilli pour le deuxième numéro de l’année en cours deux enseignants architectes en l’occurrence Kamal Ifticen et Lounès Houali. Avant le lancement de la rencontre, Djamy Kerdja a enchanté le public en interprétant de sa voix suave une belle chanson intitulée Lwert (L’héritage). Les débats qui ont suivi deux heures durant ont porté sur le patrimoine architectural et du bâti de la Kabylie et l’importance de le sauvegarder à travers des initiatives concrètes en tenant compte des aspects socio-anthropologiques. Dans sa communication ayant pour thème De la maison à l’esprit du village Houali Lounès a parlé de l’expérience Mon village vivra qui consiste en la restauration de certains ensembles d’habitations Lehwari .

Il a préféré s’identifier comme un enfant d’ Ath Aissi (Tizi Ouzou) que comme architecte . « Ce sont les découvertes faites dans mon village qui m’ont incité à faire de la recherche dans le domaine de l’architecture », soutient-il, lui qui est né et a vécu son enfance dans la ville de Sidi Bel Abbes. Le projet en question a suscité beaucoup d’émotion chez les villageois , ajoute t-il. « Lorsque on a commencé à faire le nettoyage de la maison de mes grands -parents , ma mère pleurait sans arrêt parce que cela lui faisait rappeler beaucoup de souvenirs . A un moment donné on était obligé d’arrêter les travaux afin de trouver une autre formule. Aller vers une architecture participative, où les citoyens intervenaient sans agenda, ni technique précises. Les habitants ont voulu restaurer l’ensemble des habitations avec l’esprit du village Ath Aissi Ibahriyen . Tout un chacun a donné son point de vue selon ses connaissances et ses souvenirs ».

L’intervenant poursuit : « Les dirigeants de de Tajmaat, Teman (membres du comité de village, ndlr)ont proposé l’option d’un ensemble d’habitations-musées. Suite à quoi les femmes du village se retrouvaient dans ces lieux pour en faire des endroits de vie où l’activité se fait au quotidien, une belle façon de se réapproprier des espaces ». Pour lui, le projet de réhabilitation Mon village revivra est un des actes refondateurs du village Ath Aissi, du fait que tout le monde se réapproprie les espaces du village. Lounès Houali a révélé l’existence dans le temps de fours de fabrication des tuiles , d’où l’idée de créer un musé-four dans le village. Selon son constat, on peut comprendre le fonctionnement d’un village rien qu’ à travers son aspect architectural. « Notre projet de réhabilitation Mon village revivra est un des actes refondateur de notre village Ath Aissi ». M.Houali a exprimé par ailleurs son opposition au tourisme de masse vers les villages.

Dans un autre registre, il a critiqué ce qui se fait dans certains villages qui participent au concours écologique du village le plus propre de la wilaya de Tizi Ouzou, en déformant l’aspect originel de certains espaces symboliques comme les fontaines pour ne citer que celles-là, a-t-il indiqué. Kamal Ifticen dans son exposé sur l’initiation à l’écriture de l’architecture s’est présenté à l’assistance comme un architecte qui a la vocation de paysagiste formé en Angleterre où il s’est mesuré à de grands  » designers » du monde à travers un projet de la société royale britannique. Il continue par définir brièvement ce métier qu’est l’architecture comme étant le seuil entre le rêve qui habite l’architecte et la réalité.

Il a souligné également la différence entre l’architecture qui est un dessin de traits auxquels on donne de la hauteur et crée un enclos mais une fois réalisée reste rigide et le paysage qui lui permet de vivre de différentes dimensions en termes d’odorat ,de l’ouïe…. etc . L’orateur poursuit son intervention par une présentation de son village Ath Rhouna (Azeffoun) qui quoique déserté pour aller construire ailleurs où il y’a plus de commodités de vie , les villageois continuent à entretenir leurs anciennes maisons à l’exemple de Nna Ouerdia, cette femme courage qui demeure toujours attachée à sa terre et aux traditions locales. L’assistance a eu par la suite quelques explications sur la conception de la maison traditionnelle , un espace uni de pas plus de 7m× 4m qui est intelligemment réparti en plusieurs petits espaces pour être affectés à plusieurs tâches et utilisations tels que ( l’espace de l’homme, l’espace des animaux, l’espace du métier à tisser, l’espace du malade ,l’espace sec ,l’espace mouillé et même l’espace hanté ou de l’esprit ).

L’intervenant n’a pas manqué de parler de quelques détails, comme le toit qui est sciemment réalisé de sorte que la maison puisse respirer, l’intelligence de nos ancêtres a été saluée avec beaucoup d’émotion. Il enchaînera en faisant part de son expérience avec la population d’un village de Kabylie, où il a été chargé de reconstruire une mosquée « Ldjamaa n weghriv », en racontant les difficultés et obstacles auxquels il s’est heurté pendant la conception architecturale de cette bâtisse. Il fallait avoir une force de convaincre face à la force de caractère des villageois. La présentation d’une maquette démontable a été l’un des moyens concrets qui a facilité la communication et amené les villageois à adhérer aux idées de l’architecte qui s’est inspiré de la conception de la maison traditionnelle.

La mosquée a été construite et fonctionne enfin grâce à la collaboration et la solidarité de tous les villageois, a soutenu M.Ifticene, avant de rebondir sur la question de restauration des maisons traditionnelles traitées avant lui par Lounès Houali. Selon lui ,la première étape à ne pas négliger est la sensibilisation des propriétaires ,pour le reste, il compte beaucoup sur ce qui caractérise le Kabyle Tiwizi. Il a considéré en outre que « nous devons réfléchir à redonner vie à ces bâtisses en leur affectant des activités pour qu’elles soient obligatoirement entretenues. Le conférencier conclut en affirmant qu’il existe une architecture Kabyle pendant que beaucoup d’autres parlent de l’architecture de la Kabylie.


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