«Hirak moubarak»



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«Premier jour du Ramadhan 2021. Nous jeûnons et nous sommes patients. Nous restons fidèles à la révolution. Pour un Etat civil».

Cette pancarte brandie par une manifestante résume l’état d’esprit des quelques centaines de citoyennes et de citoyens qui sont sortis hier, en ce premier jour du mois sacré, pour exiger un «changement pacifique radical». Cette nouvelle édition du «hirak des étudiants» nous a d’emblée rappelé les manifestations d’un certain 7 mai 2019.

Cela tombait un mardi et c’était le début du Ramadhan aussi. C’était la première fois que le Mouvement du 22-Février se voyait confronté à «l’épreuve» du jeûne. Et les étudiants contestataires l’avaient passée avec succès. L’an dernier, le hirak a été dispensé de cette épreuve vu que c’était la trêve sanitaire. Nous étions en plein confinement.

Et hier, le mouvement populaire renouait avec la lutte en ayant le ventre vide. D’ailleurs, il y avait moins de monde que les mardis précédents, et moins d’étudiants qu’au Ramadhan 2019.

Cependant, les jeunes des campus et leurs renforts populaires n’ont pas démérité, eux qui ont eu à braver non seulement les rigueurs du Ramadhan mais aussi la police. Les forces antiémeute ont essayé plus d’une fois de disperser les manifestants, la règle étant que chaque fois que les hirakistes sont moins nombreux, les forces de l’ordre tentent d’empêcher la marche.

Il était environ 10h50 lorsque les premiers groupes de manifestants massés près de la station de métro de la place des Martyrs ont commencé à donner de la voix aux cris de «Dawla madania, machi askaria» (Pour un Etat civil, non militaire), «Samidoune, samidoune, hokm el askar rafidoune» (Résistants, gouvernement militaire refusant), «Makache intikhabate maâ el îssabate» (pas d’élections avec les bandes)…. «Le Ramadhan ne nous empêche pas de répondre présents.

C’est tout l’esprit de cette révolution. Nous sommes déterminés à aller jusqu’au bout de notre combat», nous dit un cadre à la retraite. Les premières pancartes sont brandies. Rabah, l’un des plus fidèles marcheurs du mardi, arbore un écriteau assorti d’une formule diablement inspirée : «Hirak moubarak». Une étudiante a étalé une large feuille de papier à même le sol et la voici rédigeant son message au milieu de la foule amusée. Elle écrit : «Le peuple est en ébullition, les hommes libres sont derrière les barreaux. Le pouvoir devient hystérique, et le hirak se lève contre l’oppression».

Plusieurs citoyens hissent des portraits à l’effigie de Mohamed Tadjadit et les autres détenus du hirak. 11h10. Les manifestants scandent Qassaman, répètent en chœur des slogans rageurs avant d’entamer leur marche hebdomadaire. Le cortège emprunte l’itinéraire habituel en traversant tour à tour les rues Bab Azzoune, Ali Boumendjel avant de déboucher sur la rue Larbi Ben M’hidi. A mesure que la procession avance, le cortège grossit.

La foule martèle : «Harrirou el massadjine ma baouche el cocaïne» (Libérez les détenus, ce ne sont pas des vendeurs de cocaïne), «Djazair horra dimocratia» (Algérie libre et démocratique), «Sahafa horra, adala moustaqilla» (Presse libre, justice indépendante)…

«Relâchez nos enfants pour qu’ils jeûnent avec nous»

A un moment, on pouvait entendre : «Les généraux ya el khawana, attalgou ouladna issoumou maâna !» (Généraux traîtres, relâchez nos enfants pour qu’ils jeûnent avec nous). Les protestataires ont entonné à plusieurs reprises des mots d’ordre hostiles à la France : «Nodo ya louled, França rahi ouellat» (Réveillez-vous les jeunes, la France est revenue), «Qoulou l’França ethawra marahiche habssa» (Dites à la France que la révolution ne s’arrêtera pas).

Sur les autres pancartes, on peut lire, pêle-mêle : «Non à la dictature nouvelle. Algérie libre et démocratique», «Ne touchez pas à nos étudiants», «L’avenir est dans une justice indépendante», «Pas d’alternative à votre départ», «Libération immédiate des personnes kidnappées», «Respect des libertés individuelles»… «Le Ramadhan ne nous découragera pas !» lâche une étudiante en 5e année à l’Institut des sciences de la mer à Dély Ibrahim, avant d’ajouter : «Ni la faim, ni la soif, ni la fatigue, ne nous dissuaderont de sortir jusqu’à ce que le vrai changement advienne.» En traversant la rue Ali Boumendjel, une colonne des forces antiémeute, en casques bleus et boucliers, se déploie et fend la foule.

Les manifestants les conspuent en s’écriant : «Silmiya, silmiya, matalibna charîya» (Pacifique, pacifique, nos revendications sont légitimes). La procession poursuit sa progression, mais une nouvelle fois, une escouade des forces de l’ordre tente de disperser la foule à hauteur de la station de métro Ali Boumendjel, sur la rue Larbi Ben M’hidi. Des échauffourées éclatent sous la pression des forces de police. Bientôt, une autre colonne de policiers arrive de l’autre côté. La procession est prise en tenailles entre les deux blocs de «casques bleus». Les esprits s’échauffent.

Des éléments de la police, excédés, n’hésitent pas à donner des coups. Mais la manif’ ne dégénère pas. Les hirakistes tiennent bon et continuent à occuper stoïquement la rue Larbi Ben m’hidi et à battre le pavé bruyamment. Après avoir traversé la place Emir Abdelkader, et à hauteur du Milk Bar, le cortège est immobilisé une nouvelle fois.

Ça chauffe de nouveau avec la police. Le cortège résiste et la marche reprend son cours cahin-caha. Les étudiants déploient une banderole avec ce message : «Moralité : la tutelle de la France est un prolongement de la colonisation française et le hirak populaire est le prolongement de la révolution libératrice. Le peuple exige l’indépendance totale et veut en finir avec le régime soumis».

Le cortège traverse l’avenue Pasteur, la rue du 19 Mai 1956, le boulevard Amirouche, la rue Mustapha Ferroukhi avant de foncer en direction de la place Audin et la Grande-Poste. Pari réussi pour ce mini-hirak ramadanesque, qui a tenu bon malgré l’épuisement, malgré la muraille bleue marine des forces de l’ordre.


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