Des dépouilles rapatriées en l’absence de leur famille

Partir dans la solitude



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Si sur le plan sanitaire, la fermeture des frontières a permis de limiter l’impact de la pandémie Covid-19, sur le plan humain, elle a causé des drames et provoqué des situations douloureuses au sein de la communauté algérienne vivant à l’étranger.

En moins d’une année, affirme-t-on à Air Algérie, la compagnie a rapatrié à travers ses vols cargo plus de 9000 dépouilles d’Algériens, décédés majoritairement des suites de leur contamination par la Covid-19 en France, où réside une forte communauté algérienne.

Depuis quelques mois, le nombre de cercueils arrivant à l’aéroport d’Alger, le seul vers où convergent tous les vols cargo, a connu une hausse considérable, après une accalmie relative. Une moyenne de 19 à 20 cercueils est débarquée, quotidiennement, sur le tarmac de l’aéroport d’Alger.

Il y a quelques jours, les trois vols cargo en provenance de Lyon, Marseille et Paris, ayant atterri au même moment, ont déchargé 125 dépouilles, sans aucun accompagnateur.

Souvent, les défunts ont toute leur famille en France. Ils expriment leur vœu d’être enterrés chez eux, au bled, après leur mort, mais ils n’ont plus personne en Algérie. S’ils n’ont pas de connaissances dans le pays, la procédure d’inhumation est confiée à une société de pompes funèbres, comme celle de Hadj Ali Allali. Il nous parle de ces d’histoires poignantes et dramatiques, auxquelles il est confronté quotidiennement, particulièrement durant la crise sanitaire. «Depuis que les vols sont concentrés uniquement sur la capitale, pour des raisons sanitaires, nous recevons tous les cercueils à Alger. Nous assurons le transport frigorifique jusqu’au lieu de l’enterrement avec toute la procédure nécessaire. Il y a eu une petite période où les dépouilles étaient accompagnées.

Ce n’est plus le cas depuis des mois. Lorsqu’il y a des membres de la famille à Alger, nous prenons attache avec eux, à travers le numéro de téléphone joint aux documents par la société de pompes funèbres de France, avec laquelle nous travaillons. Mais, souvent les défunts n’ont plus personne en Algérie. Nous prenons en charge l’inhumation.

C’est très dur de se retrouver, mes employés et moi, à assurer la prière du mort et la mise sous terre du cercueil. C’est la pire des choses qui puisse arriver à des Algériens qui perdent leurs proches, surtout lorsqu’il s’agit des parents», raconte M. Allali.

Il se dit «très peiné» et «marqué» par ces situations dont-il garde des «souvenirs douloureux». «Je ne peux oublier cette dame qui a perdu sa mère en France. Pendant trois jours, elle m’appelait matin et soir pour me parler de sa défunte mère, en pleurant à chaudes larmes. Je ne savais pas quoi lui dire. Sa mère a émis le vœu d’être enterrée dans son village natal, à Souk Ahras, et elle souffrait terriblement à l’idée de ne pas assister aux funérailles.

Elle m’a fait promettre de lui faire vivre l’enterrement de sa mère en filmant, en direct, les moments de l’arrivée du cercueil, de sa traversée par route jusqu’à son arrivée au cimetière et sa mise sous terre. C’était tragique et poignant. Toute la journée, elle était collée au téléphone et pleurait sans cesse. A un moment, j’avais l’impression qu’elle n’avait plus de larmes à force de pleurer. Elle culpabilisait du fait qu’elle n’avait pas accompagné sa mère et que celle-ci soit partie seule. Cela m’a tellement touché. C’était trop dur pour moi», témoigne M. Allali.

«Elle culpabilisait du fait qu’elle n’a pas accompagné sa mère»

Des images pareilles, nous dit-il, se multiplient de jour en jour. «Mon partenaire en France, qui exerce depuis près de 20 ans, a perdu sa mère à cause de la Covid et n’a pu l’accompagner pour l’enterrer en Algérie. Elle lui avait demandé de l’inhumer au pays, et lui ne pouvait refuser d’exaucer son vœu. Il a suivi son inhumation en direct sur son téléphone mobile. Cela m’a vraiment affecté.»

Pour notre interlocuteur, la majorité des Algériens vivant en France veulent être enterrés dans leur pays et expriment leur volonté à leurs proches de leur vivant. «Lorsqu’il y a eu la fermeture des frontières au début de la crise sanitaire, les cercueils des personnes décédées de la Covid n’étaient pas autorisés à être rapatriés. Les familles étaient obligées d’enterrer leurs morts dans des concessions en France. D’abord, parce qu’elles ne pouvaient pas les laisser dans les cases froides de la morgue, et surtout les incinérer, comme le prévoit la réglementation.

Dès que leur rapatriement a été autorisé, bon nombre d’entre elles ont exhumé les cercueils et les ont envoyés en Algérie pour y être réinhumés. J’ai eu à prendre en charge plusieurs d’entre eux. Je vous jure que ce n’est pas du tout facile de faire face à cette situation douloureuse à laquelle ils sont confrontés. Ils enterrent deux fois les êtres les plus chers et ils n’arrivent toujours pas à faire leur deuil. Ils vivent dans l’attente de l’ouverture des frontières pour pouvoir, enfin, exorciser le mal qu’ils ressentent au fond d’eux. C’est très pénible», affirme notre interlocuteur. Il nous raconte aussi «la grande peine» qu’il a ressentie en voyant un émigré, terrassé plus par le fait qu’il ne pouvait accompagner son père pour l’enterrer au pays que par la contamination de ce dernier par la Covid-19.

«Il était comme fou à l’idée de ne pas assister aux funérailles. Il voulait qu’il bénéficie de la prière mortuaire et qu’il soit enterré dans son village natal.

Il passait des heures avec moi au téléphone à décider des plus petits détails. J’étais paralysé devant son chagrin et ses souffrances. Je restais muet. Je ne savais plus quoi lui dire. J’ai respecté ses vœux. Je filmais toutes les procédures : la réception du cercueil, son transfert jusqu’au cimetière, la prière mortuaire et sa mise sous terre et je lui transmettais toutes les phases.

C’est terrible de vivre une telle situation», précise Allali. Poignant, son témoignage lève le voile sur un véritable drame humain que vit tout un pan de notre communauté à l’étranger, coupée de sa patrie depuis plus d’une année en raison de la crise sanitaire.

Malheureusement, avec la prolifération des nouveaux variants et une vaccination au compte-gouttes, la réouverture des frontières ne se fera pas de sitôt, prolongeant ainsi les souffrances


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